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Leishmaniose : le chien en première ligne

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Leishmaniose : le chien en première ligne

La leishmaniose est une maladie parasitaire chronique grave, encore trop peu connue, qui affecte l’homme ainsi que de plus en plus d’espèces animales. Les chiens sont particulièrement touchés par cette maladie qui est principalement transmise par les piqûres de phlébotomes. Retour sur cette zoonose due à Leishmania infantum qui progresse partout en Europe, et notamment en France.

 

Transmise par des phlébotomes, des insectes piqueurs proches des moustiques, la leishmaniose est une maladie infectieuse parasitaire chronique, qui persiste à vie chez son hôte. Si elle reste rare chez le chat, elle affecte de plus en plus d’espèces dont les canidés, sauvages (comme le renard) ou domestiques (comme le chien), certains rongeurs et l’homme. La leishmaniose est considérée par l’Organisation mondiale de la santé comme une « maladie négligée qui touche principalement les habitants des régions tropicales et subtropicales, et plus particulièrement les populations qui n’ont pas accès à un logement et à des services d’assainissement adéquats ». Dans ces zones, les chiens sont des réservoirs du protozoaire en cause et participent au cycle de transmission de cette maladie zoonotique. Mais au fur et à mesure que le territoire de l’insecte vecteur s’étend, sous l’influence du réchauffement climatique, le parasite Leishmania infantum fait de même. Aujourd’hui, de nombreux cas sont rapportés chez le chien en Europe, et la France n’est pas épargnée.

 

La leishmaniose, une maladie grave et chronique chez le chien

Chez un chien infecté, la leishmaniose n’évolue que si sa réponse immunitaire, cellulaire et humorale, est inadaptée. Certaines races canines, grâce à des caractéristiques immunitaires spécifiques, vont montrer une certaine résistance face au parasite (réaction de type Th1 chez le podenco ibicenco, par exemple), alors qu’au contraire d’autres races vont présenter une réponse inefficace ou insuffisamment protectrice (réaction de type Th2 chez le boxer). En conséquence, le tableau clinique de la maladie chez le chien est très varié, avec des signes généraux, cutanéomuqueux, oculaires, etc. Les lésions cutanées classiquement décrites sont souvent ulcératives (dermatites, alopécie, squamosis), mais l’état général est également atteint, avec un amaigrissement progressif, des saignements de nez, une pousse excessive des griffes et parfois une hyperthermie. Les leishmanies infectent les macrophages (dermiques, spléniques, hépatiques ou de la moelle osseuse) du chien et sont alors à l’origine d’atteintes viscérales et d’un dérèglement immunopathologique. Tous les organes et tissus contenant des cellules macrophagiques peuvent donc être touchés (foie, rate, nœuds lymphatiques, etc.) de façon irréversible. Selon l’évolution de la maladie, l’état général du chien peut se détériorer rapidement. La mort est inévitable à plus ou moins long terme.

Même si certaines avancées en matière de traitement ont vu le jour depuis une dizaine d’années, la leishmaniose canine reste une maladie grave. Aucune solution thérapeutique ne permet actuellement d’éradiquer la totalité des parasites qui se multiplient dans l’organisme et les traitements existants ne permettent, pour la plupart, qu’une amélioration temporaire. Depuis peu, les chercheurs constatent en effet une augmentation de la résistance aux médicaments contre la leishmaniose et des échecs thérapeutiques. À ce jour, la leishmaniose reste donc une maladie incurable. Même si certaines molécules peuvent réduire les symptômes, l’affection est chronique et les rechutes fréquentes. Contre cette maladie, mieux vaut donc prévenir que tenter de guérir.

 

Un vaccin contre la leishmaniose, mais pas seulement

Un vaccin contre la leishmaniose canine a vu le jour fin 2011, suivi par un second en 2018. Il s’agit d’un vaccin recombinant, obtenu par génie génétique (non testé chez le chat). Un fragment de leishmanie (la protéine Q) est injecté et va être reconnu par le système immunitaire de l’animal. Cette protéine est dite recombinante car elle est produite en laboratoire par des virus spéciaux auxquels est ajouté un gène de Leishmania infantum afin qu’ils puissent produire en quantité cette protéine Q. Cette même technologie est utilisée pour de nombreux vaccins, dont les vaccins humains contre la grippe ou encore celui contre la Covid-19 produit par Sanofi, qui va cibler la protéine spike du coronavirus.

Cependant, le vaccin n’assure pas une protection à 100 %. Les études ont démontré qu’il est efficace à 72 % et divise par dix le risque de développer la leishmaniose. Il est donc conseillé de suivre des mesures préventives complémentaires pour réduire les risques d’infection par les vecteurs. L’application de topiques insecticides et des promenades proscrites au crépuscule sont notamment conseillées dans certaines zones et pendant les périodes d’activité des phlébotomes.

En effet, si une contamination entre chiens reste possible, la transmission de la leishmaniose canine se fait essentiellement par la piqûre de l’insecte vecteur. Comme chez le moustique, c’est uniquement la femelle qui est active et pique le soir et la nuit, transmettant ainsi la maladie. D’après une étude de la Lancaster University, des chiens infectés par le parasite Leishmania changeraient même d’odeur pour les rendre plus attractifs aux vecteurs du parasite, les phlébotomes femelles spécifiquement, dans le but d’augmenter le taux de piqûres et les probabilités d’infection par le protozoaire. Ce dernier serait donc capable de moduler l’odeur de ses hôtes pour favoriser sa transmission naturelle, ce qui majore l’importance des chiens dans le maintien de l’infection dans les populations canines, donc humaines. Car si l’homme est une impasse écologique pour le parasite, le chien domestique constitue un réservoir de l’infection. Il est donc particulièrement important de comprendre la dynamique d’infection chez les canidés pour avoir une image plus exacte de l’épidémiologie de la maladie, afin d’adapter au mieux les stratégies de contrôle et de diagnostic.

 

Le territoire du parasite s’étend

Aujourd’hui, la leishmaniose est endémique dans 102 pays, des régions tropicales à tempérées. Plus de 350 millions de personnes dans le monde seraient exposées à la maladie, dont l’incidence augmente de quelque 300 000 nouveaux cas par an. Au total, 95 % des cas graves de leishmaniose humaine surviennent dans 10 pays : Brésil, Chine, Éthiopie, Inde, Irak, Kenya, Népal, Somalie, Soudan du Sud et Soudan. En France, seulement une vingtaine de cas annuels sont déclarés, mais cela n’exclut pas l’Europe de la zone d’endémie. Le sud de la France et les autres régions du bassin méditerranéen (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) sont particulièrement à risque vis-à-vis de l’infection, qui menace potentiellement les 2,5 millions de chiens européens et le million de chiens français peuplant ces territoires.

Si les cas humains restent rares en France, les chiens payent un plus lourd tribut à cette affection. Sur le million de chiens en zone d’endémie, 40 000 vont déclarer la maladie. Les principaux foyers français, situés en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans le Languedoc-Roussillon, en Midi-Pyrénées et en Corse, sont en vigilance rouge de mars à octobre, période privilégiée d’activité pour les phlébotomes. Dans ces zones à risque élevé, environ 2,5 % des chiens déclenchent une leishmaniose clinique, et ces chiffres pourraient augmenter dans les années à venir.

Les chercheurs s’inquiètent notamment de la progression de la maladie sur le territoire. Le changement climatique, caractérisé par des températures, une pluviométrie et un taux d’humidité élevés, permet l’extension des zones de vie des phlébotomes et de leur nombre. L’infection se propage ainsi rapidement dans d’autres départements, notamment le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et le long de la vallée du Rhône. En 2000, 17 départements étaient concernés. En 2011, ils étaient 21 et les foyers d’extension ont augmenté encore de 9 % entre 2011 et 2017. Les moyens de transport (voiture, train, avion) favorisent également le déplacement des phlébotomes et des chiens infectés sur de longues distances, permettant ainsi aux leishmanies de s’implanter dans de nouveaux lieux de vie favorables à leur développement. En outre, des scientifiques ont démontré que les phlébotomes ne seraient pas les seuls vecteurs du parasite : les tiques peuvent aussi transmettre la leishmaniose.

 

Partout dans le monde, médecins comme vétérinaires sont préoccupés par cette extension à la fois géographique et vectorielle de la maladie, surtout dans le contexte actuel de la modification des conditions climatiques. Ils rappellent l’importance de la prévention pour se protéger de cette zoonose, grave et le plus souvent mortelle chez le chien.

 

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