Une étude menée au Kenya montre que les effets combinés du déclin de la biodiversité sauvage et du changement climatique influent sur l’abondance de tiques et donc sur le risque de maladies. À l’échelle mondiale, les tiques sont considérées comme les premiers vecteurs de maladies chez les animaux sauvages et domestiques. Rien que pour les bovins, les pertes annuelles dues aux maladies transmises par les tiques sont estimées à près de 14 milliards de dollars. Les résultats montrent que l’absence de grands mammifères a un impact très lourd sur la population de tiques dans une région donnée.
Les maladies zoonotiques transmises par les tiques sont une préoccupation croissante dans le monde. Maladie de Lyme, fièvre Q, encéphalites, tularémie et autre fièvre boutonneuse ont des impacts significatifs sur la santé, animale et humaine. Or selon l’étude menée par l’université de Californie, l’abondance des tiques vecteurs de ces fièvres devrait augmenter dans le futur, en raison de la combinaison de deux phénomènes : le déclin de la faune sauvage et le changement climatique. Via un test expérimental à grande échelle, mené sur une période de 13 mois en Afrique, les effets synergiques de ces deux phénomènes sur les tiques et leur pouvoir pathogène ont été démontrés.
Les chercheurs ont constaté que l’abondance totale de tiques et l’abondance de tiques infectées par Coxiella burnetii et Rickettsia spp. augmentent considérablement en l’absence de tous les grands mammifères sauvages, un effet encore exacerbé dans les zones arides et à faible productivité. En moyenne, l’abondance totale des tiques double dans les zones d’exclusion totale des grands animaux par rapport aux parcelles témoins (sans restrictions quant aux animaux qui y pénètrent). L’exclusion totale de la faune augmente l’abondance totale des tiques de 130 % dans les sites à humidité modérée et de 225 % dans les sites plus secs. Ainsi, l’effet de l’absence de faune sur l’abondance des tiques va croissant à mesure que l’aridité augmente.
En faisant varier les degrés d’exclusion de la faune, l’abondance totale de tiques est passée de 170 % quand seuls les grands herbivores étaient absents, à 360 % quand tous les grands mammifères sauvages étaient exclus. Plusieurs autres variables et leurs interactions ont été testées, comme la pluviométrie, l’espèce de tique (Rhipicephalus pravus, R. praetextatus, R. pulchellus), leur stade de développement, leurs hôtes, etc.
La prévalence des agents pathogènes isolés chez les tiques n’a pas varié significativement selon les parcelles expérimentales (exclos), le niveau des précipitations ou les espèces de tiques, ce qui suggère que le risque d’exposition aux agents pathogènes transmis par les tiques reflète les tendances observées et les estimations en matière d’abondance des tiques.
Au-delà de ces constats, il apparaît qu’une diminution des populations d’espèces sauvages entraîne une recrudescence des populations de tiques locales, augmentant potentiellement la menace de maladies infectieuses à l’échelle mondiale. Ainsi, cette étude suggère que, dans de nombreux contextes, la conservation des grands mammifères pourrait prévenir l’augmentation de l’abondance des tiques et des maladies transmises par les tiques. Elle souligne également la nécessité d’intégrer le contexte écologique lors de la prédiction des effets de la perte de la faune sur la dynamique des zoonoses.