Alors que la pandémie COVID-19 fait rage dans le monde, une autre, bien plus mortelle, reste dans l’ombre. La peste porcine africaine qui existe maintenant depuis plus de 100 ans tue chaque année des millions de cochons à travers le monde, et pourtant l’espoir d’un vaccin n’est que succinct.
La peste porcine africaine a de lourdes conséquences
La peste porcine africaine est une maladie virale contagieuse mortelle qui infecte les cochons sauvages comme domestiques. Détectée pour la première fois au début des années 1900 en Afrique, la maladie s’est depuis propagée dans plusieurs pays du monde, notamment en Asie et en Europe.
Difficilement bloquée, la peste porcine africaine se transmet grâce aux tiques mais également par contact direct ou non. Le virus peut survivre des jours sur des surfaces comme des véhicules, des vêtements ou des équipements, pendant des semaines dans la viande crue et des mois dans les produits dérivés congelés.
La maladie est donc très contagieuse, se propage rapidement dans les troupeaux et une nouvelle épidémie est vite arrivée. Sans surprise, le potentiel pandémique de la maladie est aussi important que la contagiosité forte, d’autant que certains animaux infectés ne présentent pas toujours de signes cliniques.
Les cas graves de la maladie se caractérisent par une forte fièvre et la mort en 2 à 10 jours en moyenne avec un taux de mortalité pouvant atteindre les 100%. D’autres signes cliniques peuvent inclure une perte d’appétit, une dépression, des rougeurs au niveau des oreilles, de l’abdomen et des jambes, une détresse respiratoire, des vomissements, des saignements du nez ou du rectum et parfois de la diarrhée. L’avortement est souvent le premier signe détecté d’une épidémie imminente dans un troupeau.
Rien d’étonnant de constater donc les effets dévastateurs que la maladie peut avoir sur l’industrie porcine. Que ce soit pour la santé des troupeaux, la production même, ou l’économie des infrastructures, la peste fait des ravages. Certains pays se voit même interdire l’exportation de leurs animaux ou leurs produits à base de porc.
Des nouvelles plus que funèbres au vu des dernières avancées de la maladie dans le monde.
Après plus de 100 ans, la peste porcine africaine continue de se répandre
Après son émergence en Afrique au début des années 1900, la peste porcine africaine s’est propagée dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne et dans certaines parties de l’Europe, de l’Amérique du Sud et des Caraïbes. Cependant, la plupart de ces émergences, hors de l’Afrique, ont été contenues dans les années 1990.
Mais, c’est sans compter, une résurgence plus récente en Europe de l’Est, en Russie et en Asie qui se propage rapidement à travers le monde.
Malgré les cris d’alarme des experts, à l’automne 2018, une flambée épidémique voit le jour en Chine, dont le porc est la principale source de protéines. Les conséquences sont dévastatrices et des millions de porcs sont euthanasiés pour limiter la propagation virale. L’année suivante est encore pire avec près de 1,1 million de porcs abattus dans le pays, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Officieusement, cependant, les chiffres de la Chine étaient probablement autour des 200 millions ou plus de porcs abattus. En juillet dernier, la banque néerlandaise Rabobank a estimé qu’au moins 40% des 360 millions de porcs du pays ont pu être perdu.
Et à la mi-2019, la pathologie se propageait aux pays comme le Vietnam, le Cambodge, l’Afrique du Sud et la Belgique. Elle aurait entrainé la mort de plus de 7 millions de porcs dans le monde en 2019 et les chiffres pour 2020 sont déjà plus austères. Le nombre total d’épidémies signalées est déjà bien supérieur à ce qui avait été signalé à la même période en 2019.
Les experts mettent en garde que 2020 pourrait être encore pire que l’année précédente et les impacts sur l’économie et l’industrie porcine d’autant plus importants sachant que la Chine élève et consomme environ la moitié des porcs dans le monde. Par exemple, l’épidémie chinoise de 2018 fit grimper les prix au détail du porc de 47%.
Si l’épidémie venait à s’aventurer sur le sol américain, son coût pourrait dépasser les 8 milliards de dollars par an à l’industrie porcine américaine et 50 milliards de dollars sur 10 ans d’après le National Pork Board. Bien qu’il n’y ait pas eu de cas recensé pour le moment en Amérique du Nord ces dernières années, la propagation rapide de la maladie impose une vigilance toute particulière.
En effet, pour la première fois, la maladie a atteint en 2020 le Nord de l’Inde ainsi que la Papouasie-Nouvelle-Guinée et s’est rependue au Nigéria. Que peut-on espérer faire pour limiter la propagation de la maladie ?
Sans vaccins ou thérapies, il faut valoriser la prévention
Malgré le fait que la peste porcine africaine circule depuis plus de 100 ans, et qu’elle tue près de 100% des animaux qu’elle infecte, il n’existe toujours pas de traitements ou de vaccin contre ce virus contagieux.
Mais non sans efforts de la part des chercheurs. Des scientifiques de l’Institut Pirbright en Angleterre ont par exemple réussi à mettre au point un nouveau vaccin qui immunise 100% des porcs ayant reçu une dose létale du virus de la peste porcine africaine, malgré le fait que certains signes cliniques se soient développés. Le vaccin en question est vectoriel, c’est-à-dire qu’il utilise un virus non nocif pour délivrer huit gènes stratégiquement sélectionnés du génome du virus. Une fois à l’intérieur de la cellule, les gènes produisent des protéines virales qui enclenche les cellules immunitaires du porc à se défendre contre une infection.
Mais, si certaines avancées semblent prometteuses, il faudra attendre encore quelques années avant une commercialisation globale. Des années cruciales qui pourront être de trop.
En attendant, en l’absence de vaccin disponible, des mesures de biosécurité strictes, la restriction des déplacements et l’abattage des animaux à risques sont les seules méthodes de contrôle disponibles pour maîtriser la propagation de la pathologie.
Pendant les flambées épidémiques, la lutte contre la peste porcine africaine dans les pays touchés est difficile et doit être adaptée à la situation épidémiologique spécifique. Des mesures sanitaires classiques sont préconisées. Souvent de nombreux animaux à risques ou malades sont sacrifiés pour éviter la transmission de la maladie. La détection précoce de la maladie, le nettoyage et désinfection en profondeur, la compartimentation et contrôles des mouvements, la surveillance et le dépistage épidémiologique, ainsi que des mesures de biosécurité strictes dans les exploitations sont de mises.
Dans certains pays, la transmission de la peste porcine africaine dépend également de la population de sangliers. Une bonne connaissance et une bonne gestion de la population de sangliers et une bonne coordination entre les services vétérinaires, les autorités de la faune et des forêts sont nécessaires pour prévenir et contrôler avec succès la pathologie.
Pour éviter de contaminer des pays indemnes de la maladie, des règles d’importation strictes et de mesures de biosécurité appropriées garantissent une sécurité minimum.
Cependant, même avec toutes ces mesures, les experts craignent que la maladie ne soit déjà trop étendue pour être arrêté et qu’il ne soit qu’une question de temps avant que la peste porcine africaine ne soit introduite aux États-Unis et en Europe.
Et la pandémie COVID-19 tombe très mal. L’attention mondiale se tourne vers et se concentre sur une autre pandémie, et de nombreux pays détournent leur attention de la peste porcine africaine. L’action préventive, pourtant urgente, est retardée. Là où une action coordonnée mondiale à tous les niveaux serait nécessaire, les moyens et l’attention sont maintenant dirigés autre part.
Il devient pourtant urgent de protéger le secteur porcin et les personnes qui en dépendent par l’accélération de la recherche sur les vaccins, le renforcement de la biosécurité et de la surveillance au niveau mondial, et l’application de politiques pour un commerce transfrontalier sûr.