Le décret* sur les médicaments vétérinaires contenant une ou plusieurs substances antibiotiques d’importance critique est paru au Journal officiel du 18 mars. Il entrera en vigueur le 1er avril 2016, ce qui laisse peu de temps aux praticiens pour faire évoluer leur pratique. La publication de l’arrêté associé devrait suivre sous peu.
Le décret relatif à la prescription et à la délivrance des antibiotiques critiques interdit aux vétérinaires de les utiliser en traitement préventif, individuel ou collectif, chez des animaux sains même exposés à une maladie infectieuse. La liste des molécules concernées par cette interdiction sera publiée dans un arrêté à paraître bientôt.
Les antibiotiques critiques listés peuvent en revanche être prescrits, sous certaines conditions, pour les traitements curatifs (chez les seuls animaux présentant des symptômes de maladie) ou métaphylactiques (chez les animaux cliniquement malades et chez ceux du même lot qui, bien que sains, présentent une forte probabilité d’infection). Dans ce cadre, leur prescription par le vétérinaire est soumise à plusieurs exigences :
- suspicion d’une maladie à taux élevé de morbidité ou de mortalité ;
- absence d’un autre médicament efficace ou adapté pour traiter la maladie diagnostiquée ;
- réalisation d’un examen clinique ou nécropsique, sans oublier l’analyse du contexte épidémiologique ;
- durée de traitement limitée à un mois au maximum, qui ne peut être prolongée qu’après un nouvel examen clinique de l’animal ou du cheptel ;
- analyse d’un échantillon prélevé sur un ou plusieurs animaux vivants ou morts afin d’identifier la souche bactérienne responsable de l’infection ;
- réalisation d’un test de sensibilité de la souche impliquée à l’antibiotique critique envisagé ;
- respect des contre-indications et des précautions d’emploi de l’antibiotique concerné, etc.
Les résultats de ces examens et analyses devront être conservés cinq ans par le vétérinaire pour justifier de ses prescriptions. Il ne pourra prescrire une molécule critique à usage humain que si elle figure sur la liste des substances essentielles pour les équidés, ou sur celle fixée par arrêté pour un usage précis. Le renouvellement de la délivrance de ces médicaments est interdit.
Le rapport** de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur les projets de décret et d’arrêté, publié le 23 septembre 2015, laisse entrevoir quelle sera la hiérarchisation des antibiotiques concernés :
> Antibiotiques générateurs de résistances bactériennes :
- l’association amoxicilline-acide clavulanique ;
- les céphalosporines (par voie orale plutôt que par voie injectable, les céphalosporines de 3e et 4e générations, la ceftriaxone) ;
- les fluoroquinolones.
> Antibiotiques dits “de dernier recours” :
- vis-à-vis des cocci à Gram positif (la daptomycine, le linézolide) ;
- vis-à-vis des bactéries à Gram négatif (la colistine injectable, la tigécycline, les pénèmes, la fosfomycine injectable, les phénicolés, la témocilline).
Quant à la colistine, l’Anses estime qu’elle ne doit pas être incluse dans la liste des antibiotiques d’importance critique, mais qu’une surveillance de l’évolution de la résistance chez les animaux de rente et de compagnie est nécessaire.
* Décret du 16 mars 2016 relatif à la prescription et à la délivrance des médicaments utilisés en médecine vétérinaire contenant une ou plusieurs substances antibiotiques d’importance critique, paru au JO du 18 mars 2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=356F602176B25E08EBD8A058E42710B0.tpdila13v_3?cidTexte=JORFTEXT000032251629&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000032242344
** https://www.anses.fr/fr/system/files/ANMV2015sa0118.pdf