Les virus, tous deux isolés de chauves-souris stockées dans les congélateurs d’un laboratoire, sont les premiers parents du Sars-CoV-2 à être retrouvés hors de Chine. Leur étude renseigne sur l’origine du coronavirus pandémique.
Les coronavirus constituent une grande famille de virus qui peuvent infecter l’homme, comme nous le rappelle la pandémie actuelle, mais aussi l’animal. L’arbre phylogénétique qui relie la famille est très large et, d’une extrémité à l’autre, les virus sont plus ou moins semblables. Le Sars-CoV-2 n’est probablement pas un tout nouveau coronavirus apparu soudainement. Les virus de ce groupe existent sans doute depuis bien avant sa découverte en 2019.
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme et de curiosité que des chercheurs ont mis la main sur les premiers proches parents du Sars-CoV-2 découverts en dehors de la Chine. Le premier a été retrouvé chez deux rhinolophes (ou chauves-souris fer à cheval) capturées en 2010 au Cambodge, et le second chez des rhinolophes au Japon en 2013.
Jusqu’alors, seuls quelques coronavirus découverts en Chine étaient étroitement liés au Sars-CoV-2. Parmi ceux-ci, son plus proche parent connu, RaTG13, découvert chez les chauves-souris fer à cheval dans la province chinoise du Yunnan en 2013. Il existe également plusieurs coronavirus, identifiés chez d’autres rhinolophes et chez des pangolins capturés entre 2015 et 2019 en Chine, qui sont désormais considérés par les scientifiques comme étroitement liés au Sars-CoV-2.
Alors que l’origine du coronavirus pandémique demeure toujours une énigme, ces découvertes pourraient éclairer le “passé” du Sars-CoV-2. Pour le moment, les pistes envisagées pointent en direction des rhinolophes, mais la question du passage par un hôte intermédiaire reste en suspens.
Un séquençage préliminaire d’un court fragment du nouveau virus cambodgien, hautement conservé dans les coronavirus et qui est souvent utilisé pour identifier rapidement si un virus est nouveau ou pas, a montré une similitude avec le Sars-CoV-2 et le RaTG13, suggérant que les trois sont étroitement associés.
Dans une autre analyse, l’équipe cambodgienne a séquencé environ 70 % du génome du nouveau virus en utilisant la technologie disponible localement. Mais son génome entier n’a pas encore été séquencé complètement, ni sa découverte publiée, ce qui limite encore la détermination de l’impact de cette découverte sur la pandémie actuelle.
Le nouveau virus devra être similaire à au moins 99 % du Sars-CoV-2 pour être considéré comme un ancêtre immédiat du virus pandémique actuel. Les génomes de RaTG13 et de Sars-CoV-2 ne diffèrent que de 4 %, mais cette divergence représente entre 40 et 70 ans d’évolution.
Si le virus se révèle très proche, voire un ancêtre du coronavirus épidémique, il pourrait fournir des informations cruciales sur l’origine de la pandémie et sur les mécanismes qui ont permis le passage du Sars-CoV-2 de la chauves-souris à l’homme. Pour accéder à de telles informations, le cousin cambodgien devra partager plus de 97 % de son génome avec le Sars-CoV-2, ce qui n’est pas avéré pour le moment. Il se peut que le nouveau virus soit plus éloigné, mais dans ce cas son étude aidera les scientifiques à en savoir plus sur la diversité de cette famille virale.
Ce fut le cas pour le coronavirus japonais, surnommé Rc-o319. Il partage 81 % de son génome avec le Sars-CoV-2, ce qui le rend trop lointain pour renseigner sur l’origine de la pandémie. En effet, le virus ne peut pas se lier au récepteur ACE2 utilisé par Sars-CoV-2 pour pénétrer dans les cellules humaines, ce qui suggère qu’il ne pourrait pas infecter facilement l’homme.
Mais quels que soient les résultats pour le virus cambodgien, les deux découvertes sont importantes. Elles confirment que des virus étroitement liés au Sars-CoV-2 sont relativement courants chez les chauves-souris rhinolophes, même hors de Chine. D’autres proches parents du virus, encore inconnus, pourraient encore se tapir dans les congélateurs des laboratoires. La chasse au virus reste donc ouverte.