Le 12 janvier dernier, un éleveur de Mayenne a pu récupérer des chiens qui lui avaient été confisqués en décembre 2013 à la suite d’une intervention de la Société protectrice des animaux (SPA). Ainsi, la justice a ordonné la restitution de ces animaux plus de deux ans après leur saisie. Or leur hébergement à la fourrière du groupe Sacpa, près de Rennes, semble avoir été entaché par plusieurs infractions à la réglementation. Vu l’état sanitaire déplorable dans lequel ils ont été rendus, le syndicat des professionnels de la filière des animaux de compagnie, Synapses*, a décidé d’alerter les autorités judiciaires et ordinales.
Au départ, il s’agit d’une affaire classique, qui commence par une plainte de la cellule anti-trafic de la SPA, laquelle obtient par décision de justice la confiscation des chiens d’un éleveur, en l’occurrence Patrick Trumeau, installé à Saint-Michel-de-Feins en région Pays-de-le-Loire. Le 12 décembre 2013, 63 chiens lui sont ainsi retirés. Il lui est reproché le non-respect de la surface minimale requise pour ses 176 chiens, ainsi qu’un espace trop réduit dans certains enclos (4 m2 au lieu de 5 m2). Il détient alors 6 chiens en trop.
Le 18 septembre 2014, l’éleveur canin demande la restitution de ses chiens devant le tribunal de grande instance de Laval, et il obtient gain de cause. Un an plus tard, le 19 novembre 2015, le juge chargé de l’exécution à Rennes ordonne la remise de son cheptel à l’éleveur. Le 12 janvier 2016, ce dernier se déplace donc à Betton pour récupérer ses animaux en la présence de représentants syndicaux**, du vétérinaire sanitaire de son élevage et d’un huissier. Le constat est amer : 55 chiens adultes lui sont présentés dans un état de santé alarmant.
À l’arrivée, impossible de pénétrer dans le chenil, les chiens sont examinés dans une cour à l’extérieur des locaux. L’examen clinique permet de constater des pelages ternes et très squameux, des dépilations sévères accompagnées d’ulcères, des oreilles abimées et des suspicions de gale ou de cheleytiellose, des traces de morsures récentes (plaies non cicatrisées). À cela s’ajoutent un abcès suintant chez un boxer, des kératoconjonctivites sèches chez des chiens de race shi-tzu et bouledogue français, des fractures de la mandibule chez deux chihuahuas, des hernies inguinales avec engagement vésical probable chez deux chiennes, des chiots de race tervueren nés au refuge non sociabilisés, l’un d’eux présentant des crocs cassés et des incisives coupées au ras de la gencive.
À cet état sanitaire déplorable s’ajoute le fait que les chiots, nés au refuge, ne sont pas valablement vaccinés ni identifiés et l’identité des mères n’est pas précisée. En outre, seuls 9 chiots seraient nés des 12 femelles gestantes. Où sont passés les autres ? Certains sont de race douteuse, ce qui est en contradiction avec les croisements pratiqués par l’éleveur de chiens.
Une affaire qui ne s’arrête pas là
En réponse aux nombreux dysfonctionnements constatés, notamment administratifs, la SPA de Paris entend se défendre. Cette affaire entre ainsi dans une nouvelle phase. De son côté, l’éleveur a décidé de porter plainte face à l’état lamentable des chiens récupérés, et de signaler les manquements des vétérinaires attachés au refuge auprès de l’Ordre des vétérinaires : refus de participer à la restitution, absence de certificats vétérinaires (prévus par l’article L.214-8 du Code rural au paragraphe IV), absence d’identification des chiots nés au chenil (la Sacpa se justifie en disant ne pas être le propriétaire), validation douteuse des vaccinations (carnet de santé sans identification de l’animal, rappel effectué au-delà de la date prévue par l’AMM, ratures, etc.). Les faits constatés par huissier lors de la restitution seront également soumis à la direction départementale de la protection des populations (DDPP), qui n’était pas représentée ce jour-là.
La SPA déjà confrontée à une défaillance du même chenil
En 2012 déjà, une sombre affaire avait été révélée par la presse locale. Les deux chiens d’une femme qui n’avait plus de domicile fixe et qui vivait dans sa voiture avaient été confisqués. Ces croisés beauceron avaient passé plusieurs jours dans la voiture, sur un parking dans le sud de Rennes, avant d’être remarqués et confiés à la SPA. Ils ne présentaient aucun signe de maltraitance, étaient en bonne santé et promenés fréquemment, des faits confirmés à l’époque par la SPA et les services de police. Face à cette situation de détresse sociale, malheureusement souvent rencontrée par les associations de protection animale, l’affaire en était restée là et la SPA avait permis à cette mère de famille de récupérer ses deux chiens à la fourrière de Betton, après avoir payé la somme de 170 € tout de même !
Interviewée dans Ouest France, la propriétaire raconte l’état déplorable dans lequel elle a récupéré ses animaux : « Bandy était dans un box, Black dans une courette, recroquevillé sur lui-même, il ne pouvait plus marcher. J’ai dû le porter jusqu’à la voiture. Black n’a pas eu le temps d’arriver chez le vétérinaire et est mort. Quant à Bandy, il était dans un état de déshydratation avancé. » Dans ce même article, la SPA avoue que les chiens qui passent de la fourrière Sacpa au refuge SPA arrivent généralement dans un état « très moyen ». Apparemment, rien n’a changé depuis.
* Syndicat national des activités liées aux animaux domestiques et non domestiques, aux végétaux d’ornement, à l’environnement et au cadre de vie.
** Durant la procédure, outre du syndicat Synapses, l’éleveur a obtenu le soutien de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), ainsi que d’autres éleveurs canins, de voisins et d’élus locaux.