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Santé animale : l’industrie se projette dans l’avenir

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Santé animale : l’industrie se projette dans l’avenir

La macroéconomie : voilà un mot souvent galvaudé, mais primordial pour établir des stratégies sectorielles. Les industries pharmaceutique et agro-alimentaires ont beaucoup à nous apprendre sur la façon dont elles analysent le monde dans 20 ans, alors que l’Asie et l’Afrique sont de plus en plus demandeuses de protéines et que le marché du pet food est appelé à tripler.

 

Comme le rappellent régulièrement la FAO et l’OIE, les grands enjeux de la production animale des prochaines années (et non des décennies) résident dans un rendement protéique suffisant pour satisfaire la demande mondiale. Faut-il encore investir dans la viande bovine pour autant ? Probablement, même s’il va falloir réduire davantage les cycles de production, donc l’élevage. L’espèce la plus intéressante sera alors celle qui propose un rendement rapide et à faible coût… protéique.

Aujourd’hui, deux espèces apparaissent comme incontournables : la volaille et le porc. Mais c’est sans compter sur une autre source alimentaire, le poisson d’aquaculture, qui défie toute concurrence. Il peut également être associé à une autre espèce à forte demande mondiale : la crevette. Ce n’est donc pas un hasard si l’industrie, qu’elle soit pharmaceutique ou alimentaire, investit fortement dans la santé, l’élevage et l’alimentation de ces deux espèces.

 

Un bouleversement sans précédent

Aquaculture_in_Lo-nguongAinsi, le paysage de l’élevage mondial devrait être fortement impacté par la demande mondiale d’ici à une vingtaine d’années tout au plus. D’où la nécessité pour l’industrie de se positionner dès maintenant. Il suffit d’observer les délais de recherche & développement, d’obtention des AMM pour s’en convaincre. L’industrie pharmaceutique a besoin de travailler pour la société telle qu’elle sera dans 20 ou 30 ans.
En outre, l’ensemble de la filière est concerné. Prenons le cas de l’aquaculture. À ce jour, les grands producteurs mondiaux, asiatiques notamment, déploient des fermes aquacoles à forte concentration sur des kilomètres, à même les fleuves, polluant notamment le Yang Tsé. Sur un plan sanitaire, une telle situation n’est pas tenable à moyen terme. L’aquaculture pourrait alors se retrouver isolée du milieu naturel assez rapidement. Les nouveaux enjeux pour les acteurs de cette filière concerneront le contrôle de l’eau en amont et en aval de l’infrastructure, la génétique des populations et la gestion sanitaire de groupes nettement plus importants qu’actuellement.

 

L’enjeu sanitaire : une évidence mal reconnue

Quelques chiffres parlants : il va falloir augmenter la production alimentaire de 50 à 60 % dans les prochaines années avec seulement 2 % de terres disponibles pour y arriver. 1/7e de la population mondiale est mal nourrie. En outre, à 70 %, elle aspire à vivre en ville ou en milieu périurbain, avec toutes les conséquences en termes de changements d’habitudes alimentaires que cela entraîne. Dans le même temps, 30 % des aliments sont détruits et non consommés. À ce gâchis s’ajoutent les 20 % de pertes de production dues aux maladies animales.
Aussi, le véritable enjeu des prochaines années n’est pas forcément de tenter d’augmenter coûte que coûte la production mondiale en finissant de coloniser les dernières terres exploitables, mais plutôt d’engager l’ensemble de la planète vers une meilleure maîtrise sanitaire et une rationalisation de la chaîne de valeurs de l’industrie agro-alimentaire.

transport-volaillesComme le souligne Marc Prikazsky, le président de Ceva, « en 2020 la production de viande de volaille aura dépassé celle de porc dont la Chine est le premier producteur mondial. Pour ce pays, l’enjeu sanitaire et la santé animale sont les deux défis les plus importants pour nourrir les Chinois, mais aussi le reste du monde ». Le développement de l’industrie à l’international passe forcément par l’Asie. « 75 % des nouvelles maladies humaines sont dues aux animaux. Le grand enjeu planétaire d’une alimentation saine et suffisante ne sera relevé qu’à condition d’avoir des services d’État forts. Nous pouvons produire le meilleur des vaccins. Si de vraies politiques à moyen et long termes n’existent pas, il n’aura que peu d’impact. Et pourtant, les zoonoses et les risques alimentaires ont aussi des conséquences économiques importantes au niveau d’un pays, d’un continent. »

Hubert de Roquefeuil, directeur général d’In Vivo NSA, ne s’y est pas trompé. Son groupe, d’abord spécialisé dans l’alimentation du bétail, se déploie fortement en Asie et en Amérique du Sud dans des espèces comme la crevette ou le poisson. « L’investissement dans les laboratoires d’analyses à travers le monde est stratégique pour notre industrie : cela permet d’être un acteur majeur dans la sécurité alimentaire et dans la sécurisation de la matière première, qui sont également des secteurs de développement du groupe. »

 

Nourrir le monde, mais pas seulement

Laboratoire-pharmaceutique-_Chaine_de_conditionnement_remplissage_piluliersIl y a peu, dans le cadre de l’exposition universelle de Milan, le président d’Elanco, Jeffrey Simsons, a déclaré que les Européens n’étaient pas à l’abri d’une pénurie alimentaire ou d’un manque d’accessibilité à l’alimentation : « Un quart des Européens sont proches du seuil de pauvreté. De plus en plus de foyers n’arrivent plus à avoir accès à des aliments sains et équilibrés. Le cas de l’Italie est flagrant : 3,5 millions d’Italiens avouaient ne faire qu’un repas équilibré tous les deux jours en 2013. Et dans le même temps, l’obésité des enfants italiens dépasse celle de leurs homologues américains. » Pourquoi ? Parce que les familles se tournent vers des aliments moins chers, de qualité médiocre, juste pour satisfaire leur faim et optimiser le ratio calories/coût. Et Jeffrey Simsons de conclure : « de plus en plus d’Européens se battent pour offrir à leurs familles un repas sain et équilibré quotidiennement. Seules des solutions innovantes, à toutes les étapes de la chaîne alimentaire et de l’agriculture, permettront de produire une nourriture saine et sécurisée durablement. Finalement, il s’agit de lutter contre l’insécurité alimentaire en Europe et dans le monde entier. »

Pour Marc Prikazsky, il faut également maintenir la diversité des agricultures dans ce contexte d’urgence et d’uniformisation de l’élevage. C’est la raison pour laquelle Ceva s’est engagé dans la valorisation du patrimoine des espèces et des races.

 

Et les animaux de compagnie ?

chien-en-chineLe marché du pet food devrait tripler dans les prochaines années. La croissance des classes moyennes asiatiques n’impacte pas seulement la demande de davantage de protéines. Elle change également le regard que ces populations portent sur la place de l’animal dans la société. Il est étonnant de voir la prise de conscience d’une partie des Chinois, principalement citadins, vis-à-vis du chien notamment. Fini, le chien laqué ? Pas dans un avenir proche, mais la tendance est bien lancée : les manifestations se multiplient en Chine pour interdire la consommation de chiens. Et parallèlement à ces initiatives, le marché de l’animal de compagnie explose, avec toutes ses dérives, comme au Japon ou aux États-Unis : restaurants canins, salons de coiffure, industrie de l’accessoire florissante, etc.

viande-de-chienPlus globalement, la place de l’animal de compagnie va grandissant. Dans une société de plus en plus urbaine, aux repères de moins en moins évidents, il joue le rôle d’une éponge affective. Le carnivore domestique, comme les autres espèces, est donc un enjeu certain en termes de maladies : il doit vivre longtemps, le plus sainement possible et avoir un caractère adapté. Le risque de zoonose doit en outre être limité. Enfin, il faut le nourrir au mieux.
L’industrie ne s’y est pas trompée. Chez Ceva, pourtant axé sur les animaux de rente, ce département représente 41 % de l’activité. L’objectif du laboratoire est d’être leader sur des spécialités primordiales comme la cardiologie.

 

 

Deux parcours pour une même vision

Difficile de contester la réussite des entreprises comme Ceva et In Vivo. Cela est d’autant plus vrai qu’elles sont toutes deux nées de centres d’activités délaissés par des grands groupes.

  • Ainsi, Ceva est né d’un spin off d’activités jugées non stratégiques par Sanofi à la fin des années 90. En effet, en 1999, quinze cadres de Sanofi ont décidé de relever le défi et de récupérer ces activités dans un plan plus large de repositionnement du laboratoire. Huit ans et deux LBO plus tard, ces repreneurs sont devenus majoritaires de leur entreprise. Premier pari gagné. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de Ceva est de l’ordre de 800 millions d’euros, avec quelque 3 800 collaborateurs dans le monde entier.
  • Quant à In Vivo, il est né d’une fin de règne, celui de Guyomarc’h, spécialiste breton de l’alimentation du bétail, voire des animaux de compagnie (Royal Canin), mais aussi de l’alimentation humaine avec des marques comme le Père Dodu. Aujourd’hui, le groupe représente 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, 6 830 collaborateurs dans 28 pays avec 13 centres de recherche appliquée et 72 unités de production.

 

 

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