L’herpèsvirus de type 1 inquiète le monde du cheval. Après une compétition internationale de saut d’obstacles qui se tenait à Valence en Espagne fin janvier, des centaines de chevaux sont retournés infectés dans leur pays. Les foyers d’herpèsvirose de type 1 se multiplient en Europe, mais faut-il s’inquiéter en France ? Nous avons posé la question à Christel Marcillaud-Pitel, vétérinaire et directrice du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe).
Une nouvelle épidémie fait parler d’elle. Mais cette fois-ci, c’est la filière du cheval qui est touchée. La rhinopneumonie, maladie bien connue des vétérinaires équins, a refait surface ces dernières semaines. Une dizaine de chevaux sont morts en Espagne et plusieurs centaines de cas sont déjà recensés en Europe, selon le dernier bilan officiel. En France, plusieurs foyers ont été identifiés dans le Calvados, en Haute-Savoie, dans l’Hérault, en Seine-et-Marne et en Nouvelle-Aquitaine. Le foyer d’origine a été localisé à Valence, en Espagne, où une compétition internationale de saut d’obstacles s’est tenue fin janvier 2021. Sur les 750 à 800 chevaux présents sur l’événement, plus de 80 % présentent aujourd’hui des signes cliniques de la maladie.
Selon Christel Marcillaud Pitel, vétérinaire et directrice du Respe, « les rassemblements sont, quoi qu’on fasse, des facteurs de risque de propagation virale. Mais à Valence, il y a eu une concentration particulièrement importante de chevaux venus d’horizons divers et regroupés dans des conditions très favorables (sous tente, ventilation limitée, nombreux allers et venues). Cette promiscuité a favorisé la circulation de l’herpèsvirus équin en cause. Les mesures sanitaires n’ont pas été immédiatement mises en œuvre et la maladie, très contagieuse, s’est rapidement propagée. »
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Quels risques pour les chevaux ?
Beaucoup de chevaux sont revenus chez eux, en France mais également dans d’autres pays d’Europe, avant que les mesures d’isolement et de confinement n’aient été mises en place. De nombreux foyers sont alors apparus en Espagne, en France, en Suisse, en Allemagne, en Belgique et même au Qatar. La Fédération équestre internationale (FEI) parle d’épizootie au niveau européen. « Mais en France, à ce jour, on ne peut pas encore parler d’épizootie, plusieurs foyers ont été détectés, tous liés à la compétition de Valence. Des mesures ont été rapidement prises pour les confiner afin que le pays ne se retrouve en situation épidémique », souligne Christel Marcillaud-Pitel.
Dans l’immédiat, tous les concours FFE et SHF sur le territoire sont annulés jusqu’à la fin du mois. Le but est de limiter les mouvements et les contacts entre chevaux qui pourraient aggraver la situation. Tous les effectifs de retour de Valence sont sous haute surveillance. Ils ont été isolés, sont suivis par des vétérinaires et sont régulièrement testés. « Si les mesures sont bien respectées, il n’y a pas de raison qu’ils contaminent les autres chevaux, précise Christel Marcillaud-Pitel. Aujourd’hui, on n’a pas encore de cas “d’échappement”, c’est-à-dire une contamination à partir d’un foyer de chevaux revenant d’Espagne. Pour le moment, le risque pour un cheval qui n’a pas été en contact avec un congénère revenant de Valence est mineur, et on fait tout pour que cela reste le cas. »
Seuls les chevaux de sport sont touchés, ils sont donc les seuls concernés par les restrictions sanitaires. « Tant que les cas restent limités aux chevaux présents à Valence, il n’est pas nécessaire de mettre en place d’autres protocoles plus stricts. Si des contaminations surviennent chez d’autres chevaux ou dans d’autres disciplines, bien évidemment des mesures supplémentaires seront instaurées. L’objectif n’est pas de se retrouver dans la même situation qu’il y a trois ans, lors de la crise précédente. »
Mieux comprendre l’herpèsvirus équin
En effet, ce n’est pas la première fois que le virus de la rhinopneumonie fait son apparition en France, loin de là. Les herpèsvirus équins sont très communs, endémiques même au territoire. Ils circulent à bas bruit en Europe. Environ 70 à 80 % des chevaux sont porteurs d’un herpèsvirus dormant. « Il y a des résurgences régulièrement dans la filière équine, quel que soit la période de l’année, avec peut-être un peu plus de cas en hiver. En 2018, il y a eu une épizootie en France qui a duré quasiment six mois, avec une circulation importante du virus sur tout le territoire, mais majoritairement dans le Grand Ouest. Aujourd’hui, la situation n’est pas aussi critique, pour le moment en tout cas », précise Christel Marcillaud-Pitel.
La rhinopneumonie demeure l’une des maladies les plus contagieuses chez le cheval et n’est donc pas à prendre à la légère. Bien que la majorité des cas soient bénins, l’infection peut parfois avoir de lourdes conséquences. Heureusement, le virus en cause, l’HVE-1, est de mieux en mieux connu et les cas bien documentés depuis une dizaine d’années. Mais il existe plusieurs autres formes d’herpèsvirose. Les virus de types 2 et 5 (HVE-2 et HVE-5) sont surtout opportunistes et provoquent principalement des affections respiratoires sans gravité. En revanche, les types 1 et 4 (HVE-1 et HVE-4), qui sont actuellement en circulation en Europe, sont plus virulents et entraînent chez les équidés atteints des troubles respiratoires ou nerveux sévères, ou encore des avortements. C’est la forme neurologique, plus médiatisée, qui inquiète particulièrement la filière actuellement. Elle reste rare, mais peut être fatale. « Mais pour le moment, rien n’indique une prévalence plus importante que d’habitude de la forme nerveuse », rassure Christel Marcillaud-Pitel.
Une fois infectés, les chevaux sont porteurs à vie, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils restent excréteurs et contagieux. « Les chevaux ayant participé à la compétition à Valence pourront de nouveau participer à des rassemblements une fois leur quarantaine passée et leurs tests redevenus négatifs. En revanche, il est possible que la maladie resurgisse à un moment donné. Le stress peut notamment être un facteur de réactivation du virus. Cela reste aléatoire, mais il faut vivre avec et le gérer au mieux. »
La vigilance est de mise
Pour le moment, la première chose à surveiller est la température des chevaux. Même un cheval avec peu de signes cliniques présentera une hyperthermie. Ensuite, le virus se multiplie dans l’organisme et est progressivement excrété dans les 24 à 48 heures qui suivent l’augmentation de la température. En fin de maladie, la charge virale diminue progressivement. Pour la forme neurologique, l’excrétion virale est souvent très faible, ce qui rend la maladie particulièrement difficile à identifier.
Un test PCR sur un prélèvement rhinopharyngé permet d’établir le diagnostic. Il détecte la présence du virus, mais encore faut-il que le cheval soit excréteur au moment du prélèvement. S’il est réalisé le jour même du pic d’hyperthermie, il y a de fortes chances pour que le test revienne négatif, même si le cheval est infecté. Bien entendu, si un cheval présente tous les signes cliniques évocateurs de la rhinopneumonie, mais que le test est négatif, il ne faut pas hésiter à redemander un prélèvement et à refaire l’analyse. Lorsqu’un cas est confirmé ou suspecté dans une écurie, la première mesure à prendre est une mise à l’isolement des chevaux infectés et suspects pendant vingt et un jours.
Appliquer les mesures préventives de lutte
Il existe un vaccin contre les herpèsvirus équins. Son efficacité n’est pas complète, mais il limite la sévérité des signes cliniques. Il offre une protection contre les formes respiratoires et abortives, avec une réduction importante des symptômes et de l’expression virale, donc de la contagiosité des animaux. Cette protection est obtenue grâce à une primovaccination suivie de deux injections un et six mois plus tard, puis de rappels annuels. « Aujourd’hui, on conseille cependant de vacciner tous les six mois pour une couverture optimale, surtout chez les populations équines qui se déplacent beaucoup, sont au contact avec de nombreux chevaux différents et soumis à un stress important », ajoute Christel Marcillaud-Pitel.
L’épidémie de 2018 a permis de rendre obligatoire la vaccination dans le secteur des courses. Mais ce n’est pas le cas dans les sports équestres. « Pourtant, tous les rassemblements, sans exception, sont vraiment les situations les plus risquées en termes de transmission et de circulation virales. En 2018, à peu près 30 % des chevaux étaient vaccinés. On espère que cet épisode permettra de faire avancer le débat en faveur d’une vaccination plus généralisée. Une bonne couverture vaccinale, comme aujourd’hui contre la grippe équine, permet de prévenir ce type d’épisode. Cela n’empêche pas d’avoir quelques cas isolés, mais cela limite la diffusion du virus, donc de devoir faire face à des situations épidémiques. »
Pour Christel Marcillaud-Pitel, il faudrait déjà « instaurer une obligation de vaccination pour participer aux concours internationaux ou autres événements ciblés où les risques sont multipliés. Mais une vaccination au niveau national serait encore une meilleure solution. On estime qu’une protection efficace contre une maladie n’est possible que si la population touchée est vaccinée à plus de 80 %. Donc plus il y a de chevaux vaccinés, mieux c’est. Malheureusement, nous sommes encore loin du compte. »
Les mesures sanitaires de prévention : https://respe.net/epidemie-de-rhinopneumonie-les-mesures-sanitaires-de-prevention-15-03-2021/
Etat des lieux au 15 mars 2021 : https://respe.net/epidemie-de-rhinopneumonie-communique-de-presse-15-03-2021/