Unies en cette 9e journée mondiale de lutte contre la rage, quatre organisations impliquées dans ce combat planétaire lancent un appel à la communauté internationale pour en finir avec cette affection mortelle. La rage fait partie des dix-sept maladies tropicales négligées qui touchent 1,5 milliard de personnes dans le monde, essentiellement au sein de populations défavorisées. Mais contrairement à beaucoup d’autres zoonoses, des outils existent pour prévenir la maladie à sa source, dans les régions touchées, essentiellement via des campagnes de vaccination des chiens errants à grande échelle.
Éradiquer la rage à l’échelle planétaire, c’est faisable, estiment les Organisations mondiales de la santé (OMS) et de la santé animale (OIE), la Food and Agriculture Organization (FAO) et la Global Alliance for Rabies Control (Garc). Dans un communiqué commun*, ces organisations exhortent les États à prendre des engagements budgétaires et à mettre en œuvre des programmes d’éradication dans les communautés et les pays touchés pour atteindre cet objectif de santé publique. Elles appellent les pays à investir dans des programmes de contrôle efficaces et durables, comme la vaccination massive des chiens, qui ont fait leurs preuves dans des régions pilotes. Ces campagnes vaccinales peuvent en outre être utilement complétées par un accès facilité et rapide au traitement postexposition pour les personnes mordues.
Car la rage, une fois les symptômes déclarés, est mortelle à près de 100 %, tant chez l’animal que chez l’homme. Tous les ans, cette zoonose parmi les plus meurtrières continue ainsi de tuer des dizaines de milliers de personnes, la plupart dans les populations rurales pauvres. Et parmi ses victimes, près de 40 % sont des enfants de moins de quinze ans.
Mais la prophylaxie postexposition, bien qu’efficace, est une approche coûteuse, évaluée à 1,7 milliard de dollars par an. Au final, il apparaît que la vaccination canine à grande échelle est le moyen le plus économique pour prévenir la transmission de la maladie à l’homme.
Ainsi, « il suffirait de vacciner 70 % des chiens dans les zones touchées pour éradiquer la rage canine au niveau mondial, et cette solution coûterait beaucoup moins cher que les traitements après l’exposition », rappelle Bernard Vallat, directeur général de l’OIE.
Pour vaincre la rage humaine transmise par les chiens, il “suffit” donc d’investir, en impliquant les populations et en étoffant les initiatives sur le terrain, pour mener des campagnes vaccinales coordonnées et resserrer le maillage en incluant peu à peu tous les pays où la maladie est endémique. Des investissements sont également nécessaires pour soutenir et pérenniser les programmes de contrôle, aux niveaux national et régional (mise en place de banques régionales de vaccins antirabiques en Asie, dans le sud de l’Afrique et aux Philippines ; projet pilote de vaccination aux Philippines, en Afrique du Sud, en Tanzanie ; campagne de vaccination au Bangladesh, etc.).
Le succès de ces programmes est toutefois conditionné à la disponibilité de vaccins efficaces et sûrs, à un accompagnement pratique pour les mettre en œuvre, à la sensibilisation et à l’implication des populations locales via des formations, ainsi qu’à l’existence de systèmes de surveillance, de notification et de collecte des données.
Mais au final, il convient de relativiser les investissements requis : environ 10 % des ressources financières qui servent à traiter les personnes mordues suffiraient aux services vétérinaires mondiaux pour éradiquer la maladie à sa source animale, entraînant de fait son élimination chez l’homme…
Autre élément clé de la réussite : la collaboration entre les secteurs de santé humaine et animale, par le biais de l’approche “One Health”, tant au plan national, régional que mondial. Dans ce cadre, une conférence internationale, organisée par l’OMS et l’OIE en collaboration avec la FAO et le soutien du Garc, se tiendra les 10 et 11 décembre 2015 à Genève. Sur le thème « Élimination mondiale de la rage humaine transmise par les chiens : agissons maintenant ! », elle réunira les représentants des ministères de la Santé et des services vétérinaires, des coordinateurs nationaux de la lutte antirabique, des experts de la santé humaine et vétérinaire, des organisations non gouvernementales, sans oublier le secteur privé.
Cet événement poursuit quatre objectifs majeurs :
- diffuser les résultats du programme d’élimination de la rage humaine transmise par les chiens dans des contextes différents et explorer son expansion et sa pérennité dans d’autres zones d’endémie ;
- obtenir le soutien et les investissements nécessaires à l’élimination de cette zoonose au niveau national, régional, mondial ;
- promouvoir une collaboration selon l’approche “One Health” entre la santé humaine et animale et les autres secteurs ;
- préparer l’avenir du programme d’action pour l’élimination de la rage humaine transmise par les chiens.
La précédente édition de cette conférence mondiale sur la rage, en 2011 à Séoul, avait permis d’élaborer une stratégie conjointe pour le contrôle de la maladie, donnant la priorité à une bonne gouvernance en termes de répartition des ressources destinées aux actions préventives à conduire chez l’animal.
* « Argumentaire en faveur de l’investissement visant à progresser vers l’élimination de la rage transmise par les chiens », OIE/OMS/FAO/Garc.
** http://www.oie.int/eng/RABIES2015/conceptnote/Globalconferencerabies.pdf
Les maladies tropicales négligées
> La rage : maladie virale transmise à l’homme par morsure d’un chien enragé.
> La dengue : infection transmise par les moustiques.
> Les leishmanioses : maladies transmises par la piqûre de phlébotomes femelles infectés.
> La téniase et la cysticercose : infections provoquées par la présence de ténias dans les intestins.
> La dracunculose : infection due à un nématode qui se transmet par l’ingestion d’eau contaminée par des puces porteuses du parasite.
> L’échinococcose : infection due à des larves de ténias qui se transmet par l’ingestion d’œufs libérés dans les fèces des chiens et des animaux sauvages.
> La filariose lymphatique : infection transmise par les moustiques.
> L’onchocercose : infection transmise par la piqûre de simulies infectées.
> La schistosomiase : infection due à des trématodes par contact avec de l’eau infestée.
> Les géohelminthiases : infections dues à des nématodes, transmises par contact avec de la terre contaminée par des excréments humains.
> La trypanosomiase humaine africaine : infection parasitaire transmise par la piqûre de la mouche tsé-tsé.
> Le trachome : infection due à Chlamydia trachomatis.
> L’ulcère de Buruli : infection cutanée nécrosante due à la bactérie Mycobacterium ulcerans.
> Le pian : infection bactérienne chronique qui touche surtout la peau et les os.
> La lèpre : maladie infectieuse qui touche la peau, les nerfs périphériques, la muqueuse des voies respiratoires supérieures et les yeux.
> La maladie de Chagas : affection transmise à l’homme par contact avec des insectes vecteurs.
> Les trématodoses : infections contractées lors de la consommation de poissons, de légumes ou de crustacés contaminés par des larves de parasites.