Alors que le Sénat débat sur la loi de modernisation du système de santé en procédure d’urgence, deux surprises sont apparues semaine dernière, l’une concernant le découplage de la prescription et de la délivrance du médicament vétérinaire, l’autre l’objectif de réduction de 25 % des usages d’antibiotiques. Il aura fallu attendre la fin de cette journée pour que ce nouvel épisode soit refermé.
Le premier amendement, n° 236, proposait purement et simplement le découplage de la prescription-délivrance du médicament vétérinaire, tout en interdisant la prescription des antibiotiques d’importance critique, « c’est-à-dire les plus cruciaux utilisés en médecine humaine », comme le soulignent les signataires de cet amendement. Aussi, il était prévu d’abroger le 2° de l’article L.5143-2 du Code de la santé publique et de compléter le premier alinéa de l’article L.5143-4 par la phrase ainsi rédigée : « Est interdite la prescription des antibiotiques d’importance critique mentionnés à l’article L.5144-1-1. »
Pour convaincre la Haute assemblée, les signataires de ce texte se réfèrent à la position de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), en 2006, relative à « la nécessité de réduire l’utilisation trop fréquente des antibiotiques en médecine vétérinaire ». Or dans son récent rapport sur le suivi des ventes et des consommations d’antibiotiques, l’agence indique que sur les treize années de suivi, le niveau d’exposition des animaux d’élevage, tels que les bovins ou les volailles, a quasiment été multiplié par deux pour les fluoroquinolones et par 2,5 pour les céphalosporines de dernière génération, « molécules cruciales en médecine humaine car elles constituent les seules alternatives pour le traitement de certaines maladies infectieuses chez l’homme ».
En outre, ils évoquent la présence massive de bactéries résistantes dans la viande fraîche vendue dans les grandes surfaces, multipliant ainsi leur diffusion dans la population, comme l’a confirmé l’étude récente d’une association de consommateurs : « Plus d’un morceau sur quatre (26 %), sur l’analyse de cent échantillons de poulet et de dinde vendus dans les grandes surfaces, contenait, de manière significative, des bactéries Escherichia coli qui, dans leur grande majorité, sont résistantes aux antibiotiques. 61 % des échantillons contaminés étaient porteurs de bactéries résistantes à une ou plusieurs familles d’antibiotiques, dont 23 % à des antibiotiques critiques. »
Au final, cet amendement, qui voulait selon ses auteurs garantir une prescription objective et raisonnée des antibiotiques aux animaux, a été retiré.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle tentative arrive jusqu’au Parlement français. En quelques mois, les deux principaux courants politiques (socialistes et républicains), bien qu’en ordre dispersé, auront avancé les mêmes arguments pour satisfaire le lobby des pro-découplage, malgré un environnement européen propice au maintien de ce droit pour le vétérinaire, comme semble le présager le prochain règlement en la matière.
Les signataires de cet amendement étaient : Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Frassa, Cantegrit, Cadic et Commeinhes, Mme Estrosi Sassone, M. Houel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu et Malhuret, Mme Mélot et MM. Pillet, Saugey et Vasselle.
Clarifier ce que l’on entend par une baisse de 25 % des usages d’antibiotiques
Le second amendement relatif au médicament vétérinaire, n° 233, prévoit d’insérer un article additionnel au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la cinquième partie du Code de la santé publique ainsi rédigé :
« Art. L.5141- Le suivi des consommations d’antibiotiques en médecine vétérinaire est effectué sur la base de l’exposition et de l’activité thérapeutique des molécules utilisées. L’objectif de réduction des consommations des antibiotiques est défini selon ces critères. »
Il s’agit en fin de compte de préciser les modalités nécessaires pour évaluer la réduction de 25 % des usages d’antibiotiques prévue dans le plan ÉcoAntibio 2012-2017 porté par Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture.
Cet amendement propose donc un suivi de la consommation d’antibiotiques via des objectifs « exprimés non pas sur les tonnages comme actuellement, mais sur les dosages et l’activité thérapeutique des molécules utilisées ».
C’est le caractère volontaire des réductions d’utilisation que les sénateurs porteurs de l’amendement entendent combattre. Ils se réfèrent à une note récente dans laquelle l’Anses souligne que « l’expression des ventes d’antibiotiques en quantité pondérale de matière active ne reflète pas l’exposition aux différentes familles puisque l’activité thérapeutique des antibiotiques n’est pas prise en compte ».
À l’heure où nous publions cet article, cet amendement n’a pas encore été discuté en séance. Ses signataires sont : Mme Deromedi, MM. Frassa et Cantegrit, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cadic et Commeinhes, Mmes Estrosi Sassone et Gruny, M. Houel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu et Malhuret, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Pillet, Saugey et Vasselle.