La borréliose de Lyme fait partie des maladies vectorielles à tiques sous-diagnostiquées, surtout en France. Pour alerter sur cette affection qui touche officiellement 27 000 personnes chaque année dans l’Hexagone, quelque 250 malades s’apprêtent à porter plainte contre les laboratoires pharmaceutiques, notamment BioMérieux et Diasorin, qui commercialisent les tests diagnostiques jugés non fiables, et mis en cause dans un rapport du Haut conseil de la santé publique dès 2014. Excédés par les manquements de la France dans la prise en charge de leur maladie, ils ont également décidé d’attaquer l’Etat.
La maladie de Lyme, due à la bactérie Borrelia burgdorferi, est transmise à l’homme via la morsure d’une tique dure hématophage (Ixodes ricinus). Environ 30 % des tiques présentes en France sont infectées. Diffusée via ce vecteur, l’infection échappe fréquemment aux tests diagnostiques actuels, jugés peu sensibles, et qui affichent beaucoup de faux-négatifs. Les limites de ces tests sérologiques humains sont bien connues. Déjà, en 2014, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) avait relevé leur faible sensibilité dans un état des lieux des connaissances sur la maladie de Lyme*. Selon ce rapport réalisé à partir des notices des réactifs mis sur le marché en France, seuls 13 tests de dépistage (Elisa) sur 33 et 9 tests de confirmation (Western-blot) sur 13 satisfaisaient aux recommandations. Le HCSP soulignait que pour progresser dans la compréhension de l’origine des troubles chroniques dont souffrent les malades, il faudrait améliorer la sensibilité et la spécificité du diagnostic biologique (y compris les sérodiagnostics) de la borréliose de Lyme, en étendant le spectre de détection à d’autres espèces de Borrelia plus rares que B. burgdorferi, mais aussi à des coinfections (Bartonella et Borrelia, Anaplasma et Borrelia, etc.).
Ainsi, l’action en justice regroupe des patients atteints de séquelles invalidantes qui estiment qu’ils n’ont pas été diagnostiqués correctement ou assez tôt. Elle vient couronner le parcours du combattant mené par de nombreuses associations de malades qui, depuis plusieurs années, demandent à ce que la maladie de Lyme soit officiellement reconnue en France, avec un parcours de soins standardisé, pour mettre fin à l’errance diagnostique et améliorer les tests sérologiques de dépistage. Car étonnamment, ce sous-diagnostic touche surtout l’Hexagone, où seuls 27 000 cas sont diagnostiqués par an, versus dix fois plus en Allemagne.
Les tests de référence en vigueur et les traitements antibiotiques recommandés par les autorités sanitaires françaises montrent en outre beaucoup de retard par rapport aux dernières avancées, et ne sont plus adaptés. Ces recommandations, qui datent de la conférence de consensus de 2006, préconisent en effet une antibiothérapie bien en deçà, tant en quantité qu’en durée, de ce qui est nécessaire pour stopper l’infection et ne tiennent pas compte des rechutes récurrentes. De nombreux patients souffrent donc de la maladie de Lyme sans le savoir, ou sans recevoir un traitement adéquat.
Invité par l’association Lyme sans frontière le 19 juin dernier, le Pr Luc Montagnier a également dénoncé « l’ignorance totale d’une grande partie de la communauté médicale et scientifique » sur cette zoonose. Le prix Nobel de médecine 2008 estime en effet que la maladie de Lyme est fort mal diagnostiquée et traitée en France, en raison d’une « grande ignorance de son caractère chronique ». Il a annoncé la mise au point par son équipe d’un nouveau test de diagnostic, « plus fiable », qui consiste à détecter, dans le plasma sanguin, l’ADN de la bactérie, en captant des ondes électromagnétiques émises par l’échantillon de sang étudié.
De plus en plus de Français se tournent vers d’autres pays pour se soigner, comme l’Allemagne. En Europe, le nombre de cas annuel moyen est estimé entre 65 000 et 85 000. Aux États-Unis, environ 30 000 cas sont rapportés chaque année aux Centers for Disease Control (CDC), qui estiment à 300 000 le nombre réel de malades. Le Canada, à l’inverse de la France, a adopté une “loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme” fin 2014. Elle prévoit notamment l’élaboration de nouvelles lignes directrices pour améliorer la prévention, l’identification, le traitement, et la gestion de la maladie de Lyme. La priorité est accordée au développement de tests de dépistage fiables et à la formation des médecins afin qu’ils puissent reconnaître les symptômes de la maladie et offrir à leurs patients le traitement médical indiqué, notamment antibiotique.
Outre les tests à améliorer, les traitements à redéfinir, les coinfections à identifier, la question de la transmission interhumaine reste posée. En effet, une possible transmission de la bactérie par les voies sexuelle et materno-fœtale est à l’étude.
* http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/hcspa20140328_borrelioselyme_1_.pdf
La maladie de Lyme chez l’homme
La borréliose ou maladie de Lyme est une maladie infectieuse non contagieuse due à une bactérie du genre Borrelia transmise via la morsure d’une tique infectée du genre Ixodes. L’infection reste souvent asymptomatique. Le réservoir animal est vaste. De nombreux mammifères (rongeurs, oiseaux migrateurs, animaux domestiques) peuvent rester porteurs de Borrelia pendant de longues périodes sans manifestation clinique. La transmission à l’homme se fait uniquement par piqûre de tique, surtout entre le début du printemps et la fin de l’automne.
Le seul symptôme évocateur de la maladie est une éruption rouge, inflammatoire, qui apparaît trois à trente jours après l’infection autour du point de morsure. Mais cet érythème migrant est absent une fois sur deux et peut disparaître spontanément en quelques semaines. Dans une seconde phase, de nombreux symptômes non spécifiques peuvent survenir, isolés ou associés, comme une hyperthermie, une asthénie, des myalgies, des gonflements articulaires, des paralysies faciales, des troubles cardiaques ou neurologiques, etc. Dans un troisième temps, des mois à des années après l’infection, des manifestations articulaires, cutanées, neurologiques, musculaires ou cardiaques peuvent apparaître.
L’évolution est favorable lorsque la maladie est diagnostiquée et traitée précocement. En revanche, en l’absence de traitement, l’infection va se propager et provoquer des lésions sévères, aggravant le pronostic. Les tests sérologiques disponibles ne sont pas totalement standardisés, et restent d’interprétation difficile.
En l’absence de vaccin, le traitement repose sur l’antibiothérapie par voie orale, d’autant plus efficace qu’elle est prescrite précocement.