Une étude d’efficacité montre que les abeilles nées de reines vaccinées contre la loque américaine sont plus résistantes que celles issues de ruches dont la reine n’est pas vaccinée. Cette vaccination réduirait le risque d’infection des larves d’abeilles par la bactérie de 30 à 50 %. Il s’agit du premier essai randomisé d’un vaccin destiné à des insectes et constitue un tournant dans la gestion des maladies chez les abeilles.
Antibiotiques : « l’antibiorésistance est une pandémie silencieuse »
Depuis leur découverte au début du XXe siècle, les antibiotiques ont transformé la médecine, humaine comme animale, en permettant de faire reculer de nombreuses maladies bactériennes. Mais leur utilisation s’est accompagnée de l’émergence de souches résistantes qui menacent leur efficacité.
Pour freiner le grave risque que représente l’antibiorésistance pour la santé publique mondiale, certains pays ont pris des mesures drastiques, notamment en ce qui concerne les pratiques d’élevage. D’autres, au contraire, tardent à agir.
Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) font le point sur la situation et nous expliquent pourquoi il est si difficile de prendre des mesures à la hauteur de la menace.
The Conversation : Pourquoi utilise-t-on des antibiotiques en élevage ?
Jean-Yves Madec : On donne des antibiotiques aux animaux pour les mêmes raisons qu’on en donne aux êtres humains : pour soigner leurs maladies bactériennes.
Parmi les maladies d’importance en élevage, citons les infections de la mamelle chez les bovins. Une vache développe une mammite quasiment chaque année. Il est aussi très fréquent que les jeunes animaux soient victimes de diarrhées au moment où ils passent d’une alimentation lactée à une alimentation diversifiée. Ces périodes de transition alimentaires sont très problématiques, les animaux subissent des infections et doivent être traités par des antibiotiques.
Au-delà des grandes maladies d’élevage, l’emploi d’antibiotiques en médecine vétérinaire concerne également les animaux de compagnie, qui vont être traités pour certaines pathologies, suite à des chirurgies, ou parce qu’ils développent des maladies dues à la vieillesse, puisque contrairement aux animaux d’élevage, qui sont abattus bien avant leur durée de vie maximale, chiens et chats sont menés jusqu’au bout de leur vie.
TC : Mais dans certains pays, les antibiotiques sont également utilisés comme « promoteurs de croissance ». Pourquoi ?
JYM : Dans de nombreux pays, les antibiotiques sont en effet administrés alors que l’animal n’est pas malade. Il s’agit d’une sorte de béquille destinée à soutenir un élevage déficient, notamment en raison de mauvaises pratiques d’hygiène.
Il se trouve que lorsqu’on donne un antibiotique à des poulets qui vivent dans des conditions d’élevage dégradé, il va avoir un effet assainissant. La question de savoir si l’antibiotique à un réel effet sur la croissance reste très débattu, il n’y a pas vraiment de preuve scientifique pour l’instant. Mais il est certain qu’il va aider les animaux à survivre malgré de mauvaises conditions d’élevage.
TC : Cet usage déviant est particulièrement problématique, car la grande majorité des molécules antibiotiques utilisées chez l’être humain et chez l’animal sont les mêmes…
JYM : Oui. On estime généralement qu’environ 80 % des antibiotiques sont communs aux médecines vétérinaire et humaine. Parmi ces antibiotiques communs figurent cependant des antibiotiques à large spectre d’intérêt pour l’être humain.
Les 20 % restant comprennent des antibiotiques restreints à l’usage humain dont on préserve ainsi l’efficacité à l’hôpital, comme les carbapénèmes, de puissants antibiotiques à large spectre, ou des antibiotiques qui ne sont plus utilisés en médecine humaine parce que l’on a trouvé mieux, mais qui continuent à être utilisé en médecine vétérinaire.
TC : Le risque est donc que des bactéries résistantes émergent chez l’animal et se transmettent à l’être humain ?
JYM : Oui. Quelques cas ont été documentés. Au début des années 2000, par exemple, on a constaté aux Pays-Bas et au Danemark que des souches de staphylocoques dorés résistants aux antibiotiques, isolées à l’hôpital, provenaient en fait d’élevages de porc.
Des exemples de salmonelles à l’origine d’infections alimentaires et résistantes aux antibiotiques provenant elles-aussi d’élevages ont également été documentés. Le nombre de cas connus est cependant limité, probablement parce que l’on n’arrive pas à tous les retracer.
C’est d’ailleurs un problème : de nombreux pays, dont les États-Unis, qui utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance, demandent pour changer leurs pratiques à ce que l’on prouve que la diminution de l’emploi des antibiotiques en médecine vétérinaire peut faire baisser les antibiorésistances à l’hôpital. Or ce lien n’est pas évident à établir. Il n’a pas été mis en évidence en France, par exemple.
Dans notre pays, l’exposition des animaux aux antibiotiques d’importance critique pour l’humain a été diminuée de 90 % au cours des dernières années. Or si l’on a vu une forte diminution des résistances à ces antibiotiques chez les animaux, cela ne s’est pas traduit par une diminution des résistances à l’hôpital. Toutefois, cela ne signifie pas que l’impact soit nul. Cela indique surtout que de nombreux facteurs sont à l’origine de l’émergence de résistances.
Ces quelques exemples connus démontrent cependant que lorsqu’on utilise des antibiotiques, on sélectionne forcément des résistances. Pour agir, il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir des preuves absolues et définitives pour chaque antibiotique…
TC : La possibilité que des résistances émergent dans les élevages et se propagent est d’autant plus préoccupante que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) considère l’antibiorésistance comme une menace majeure pour la santé publique.
JYM : Oui. Selon un rapport britannique repris par l’OMS, à l’horizon 2050, l’antibiorésistance sera à l’origine de 10 millions de morts par an dans le monde, soit cinq fois plus qu’à l’heure actuelle. Il s’agit véritablement d’une pandémie silencieuse, qui aura des conséquences qui s’étendront bien au-delà du traitement des maladies infectieuses. Faire de la chirurgie pourrait devenir plus difficile, par exemple, puisque le risque de complications postopératoires suite à des infections pourrait augmenter.
Le problème est que développer de nouveaux antibiotiques est une tâche difficile, très onéreuse, de longue haleine, pour laquelle le retour sur investissement potentiel est très long. Mieux vaut donc préserver ceux dont on dispose.
Dans cette optique, l’OMS a reclassé les antibiotiques en trois catégories (access, watched et reserved). Cette dernière catégorie concerne des antibiotiques qui ne devraient être utilisés qu’en médecine humaine.
Mais selon les pays et les continents, les usages des antibiotiques sont plus ou moins régulés. Si la réglementation européenne est très claire sur ce qu’il faut utiliser comme antibiotique, dans quelle indication, certains pays, comme le Brésil, cadrent moins les usages. On peut ainsi parfois trouver des antibiotiques de dernière génération dans l’alimentation des poulets…
TC : Les scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps déjà pour alerter sur les conséquences de l’antibiorésistance. Comment expliquer que les décideurs politiques semblent tarder à réagir ?
Florent Parmentier : On peut effectivement se demander pourquoi une catastrophe sanitaire de cette ampleur ne figure pas sur l’agenda politique. Pour répondre à cette question, il faut comprendre comment un sujet, quel qu’il soit, devient un objet de préoccupation pour les responsables des politiques publiques.
L’analyse des dites politiques publiques nous apprend qu’une première étape importante est le processus de « mise en visibilité ». Clairement, dans le cas de l’antibiorésistance, il est difficile à mettre en œuvre, car il s’agit d’un phénomène qui se développe à bas bruit. Certes, la menace est déjà là, mais elle ne deviendra visible qu’à mesure que l’arsenal d’antibiotiques efficaces diminuera… Or, pour que la mise en visibilité fonctionne, il faut qu’un certain nombre d’acteurs prennent conscience des enjeux.
Les littératures de l’imaginaire (les « fictions spéculatives » selon la politologue Virginie Tournay) nous disent à quel point nous sous-estimons cette menace : si une vaste littérature a pour sujet le risque que représente pour l’humanité l’émergence d’un virus très pathogène, l’antibiorésistance n’apparaît guère que dans un seul ouvrage, Résistants, de Thierry Crouzet…
TC : Un autre problème est que les enjeux liés à l’antibiorésistance sont également géopolitiques…
FP : Effectivement. L’antibiorésistance est un enjeu de politique intérieure essentiel, qui pèse sur notre contrat social, autrement dit notre capacité à faire face à des risques collectifs, ou à des risques individuels de manière collective. Mais c’est aussi un enjeu de positionnement des puissances les unes par rapport aux autres.
La pandémie de Covid a rappelé que les questions de santé et la géopolitique sont fortement liées : disponibilité des masques, des vaccins, voire des substances qui entrent dans leur composition. Un vaccin, ce sont 200 substances qui sont agrégées. En fonction de qui les détient, la géopolitique joue un rôle.
Les questions géopolitiques influent aussi sur la lutte contre l’antibiorésistance. Il faut rappeler par exemple rappeler que la mauvaise utilisation des antibiotiques dans les élevages a commencé dans les pays industrialisés. Difficile aujourd’hui de reprocher aux pays du Sud de les employer de la même façon, alors qu’ils cherchent à augmenter leur production de viande pour faire face aux demandes de leurs populations.
JYM : Le problème est que l’usage d’antibiotiques dans un pays peut entraîner des résistances dans un autre, si des animaux porteurs de bactéries résistantes sont ensuite exportés. C’est arrivé en Suède, par exemple. Dans ce pays, il n’existait pas de résistance aux antibiotiques de la famille des céphalosporines, critiques pour la santé humaine. Jusqu’au jour où les autorités en ont détecté dans 20 à 40 % des poulets élevés dans le pays. La raison : une importation de poussins depuis l’Angleterre, qui avait une pratique d’administration de ce type d’antibiotiques…
TC : Quelles sont selon vous les mesures à mettre en œuvre pour limiter les risques, et parvenir à la « mise en visibilité » mentionnée précédemment ?
JYM : Il existe deux leviers principaux. Le premier est évidemment d’utiliser moins d’antibiotiques. De façon intéressante, la diminution drastique de l’usage de certains antibiotiques en France n’a pas été associée à une augmentation de la mortalité dans les élevages, ce qui signifie que beaucoup de ces usages étaient probablement superflus.
Le second levier est de travailler sur des alternatives non médicamenteuses. De gros progrès ont été faits sur la zootechnie, la biosécurité : éviter que les microbes n’entrent dans les élevages, construire des circuits isolés, propres, sains…
Dans les pays à faibles revenus, où le fardeau de l’antibiorésistance est très fort, comme en Asie du Sud-Est, en Inde ou en Chine, on n’arrivera pas à résoudre le problème si l’on ne traite pas en même temps les questions liées à l’élevage lui-même. Autrement dit, on ne pourra pas demander aux éleveurs d’arrêter les antibiotiques sans résoudre les problèmes de conduite d’élevage. Au contraire, c’est une fois que les pratiques d’élevages auront été transformées que l’utilisation d’antibiotiques diminuera.
Au plan politique, nous sommes à la croisée des chemins : le constat est qu’il faudrait définir les antibiotiques comme un bien commun, et à ce titre mettre en place une stratégie pour les préserver. Celle-ci ne devrait toutefois pas être centrée uniquement sur les besoins médicaux.
Il faudrait avoir une discussion intersectorielle sur la base du constat que l’antibiotique est important pour tout le monde : non seulement pour soigner les gens, mais aussi pour leur donner une sécurité alimentaire, ou encore maintenir le tissu industriel du médicament vétérinaire et ainsi s’assurer que ces médicaments continueront à être produits.
FP : Si l’on veut faire de l’antibiotique un bien public mondial, le corollaire est qu’il faut établir une coalition internationale sur le sujet. Dans ce contexte, l’Union européenne peut devenir une puissance normative, selon le concept popularisé en France par Zaki Laïdi. Il faudrait pour cela que les dirigeants européens se mettent d’accord, comme ils ont pu le faire en matière climatique, dans les années 1990 : à cette époque, ils ont été capables de mettre à l’agenda mondial les problématiques de changement climatique, alors même que les États-Unis n’étaient pas mobilisés.
L’Europe a tout récemment fait figurer dans son règlement vétérinaire l’interdiction d’importer des denrées alimentaires issues d’animaux provenant de pays qui utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance. En imposant des normes de ce type à son marché intérieur, et à ceux qui veulent y accéder, l’Europe peut encore peser.
Cependant, son poids dans la richesse mondiale tend à diminuer relativement au niveau mondial, ce qui veut dire que sa capacité à influer baisse également. Il faut donc qu’elle trouve d’autres acteurs avec lesquels travailler, particulièrement dans son voisinage.
Considérer les antibiotiques comme un bien commun signifie aussi de mettre en place des financements conséquents pour soutenir la recherche et inciter les industriels à s’intéresser à ce domaine, dont les retours sur investissement sont de long terme.
JYM : Pour conclure, un point intéressant à souligner est que les consommateurs ont aussi un rôle important à jouer. Aux États-Unis, ce sont eux qui ont le plus fait bouger les choses. En souhaitant changer leur alimentation, ils ont fait pression sur les fast-foods, les industriels, qui ont modifié leurs comportements avant que ne se fasse sentir une quelconque pression politique.
Jean-Yves Madec, Directeur Scientifique Antibiorésistance de l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Florent Parmentier, Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Cependant, peu d’arguments scientifiques sont disponibles pour étayer l’hypothèse d’une contribution de l’intensification de l’élevage aux émergences de pandémies.
Table des matières
Maladies émergentes et zoonoses
Il convient d’abord de clarifier ce que nous appelons « maladie émergente » et « élevage intensif ». S’il est communément admis que plus de 60 % des maladies dans ce cas de figure depuis le milieu du XXe siècle sont d’origine animale, la grande majorité des pathogènes concernés ont pour réservoir naturel une population animale, c’est-à-dire qu’ils se transmettent principalement chez les animaux et engendrent sporadiquement des foyers d’infection chez les humains qui ne donnent pas lieu à une circulation durable dans la population humaine.
Ces maladies sont qualifiées de « zoonoses », terme qui englobe, à la base, toutes les maladies transmises de l’animal à l’Homme. L’influenza aviaire hautement pathogène est probablement l’exemple le plus médiatisé. Cette zoonose émergente s’est établie durablement dans des populations d’animaux d’élevage, en l’occurrence les volailles de plusieurs pays d’Asie et d’Afrique, et menace maintenant l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces virus grippaux causent des maladies sévères, mais ne se transmettent pas de façon pérenne chez nous.
A contrario, l’émergence d’une maladie humaine implique un véritable saut d’espèce : le pathogène doit s’adapter à ce nouvel hôte de telle sorte que sa circulation soit assurée en dehors de son réservoir animal initial. C’est le cas des coronavirus SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, respectivement à l’origine de la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), et du Covid-19, qui ont émergé respectivement en 2002 et 2019 vraisemblablement à partir d’un réservoir animal sauvage. C’est également le cas du virus de l’immunodéficience humaine (HIV), initialement une zoonose transmise par les grands singes.
Si plusieurs maladies humaines anciennes résultent bien de sauts d’espèce à partir d’un réservoir animal domestique – c’est le cas de la rougeole et de la coqueluche notamment –, ce phénomène reste rarissime si on le replace à l’échelle de la domestication animale, qui s’étale sur des dizaines de milliers d’années.
La difficulté de caractériser l’élevage intensif
La notion d’intensification de l’élevage n’est pas moins complexe. Si aucune définition officielle de l’élevage intensif n’existe, il est communément admis qu’elle renvoie à un ensemble d’évolutions des pratiques d’élevage ayant eu lieu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’abord dans les pays industrialisés ensuite dans les pays émergents et à faible revenu, visant à diminuer le coût de production des denrées d’origine animale.
Plus spécifiquement, l’intensification a réduit le besoin en surface agricole et en main-d’œuvre nécessaire pour produire une quantité donnée de produits animaux. Ce gain de productivité a été obtenu de plusieurs façons, notamment grâce à l’amélioration génétique et la mécanisation.
L’intensification s’accompagne généralement d’une augmentation du nombre d’animaux par exploitation, d’une spécialisation des élevages dans une étape donnée de la production (sélection génétique, reproduction, engraissement), et de leur intégration croissante à des circuits commerciaux complexes et globalisés.
L’intensification n’est toutefois pas un processus uniforme et a pris des modalités différentes en fonction des contextes socio-économiques et institutionnels dans lesquels elle s’est développée. La maîtrise des risques sanitaires dans les élevages commerciaux de moyenne à grande échelle semble ainsi très influencée par le degré d’accompagnement des pratiques d’élevage par l’État, l’accès des éleveurs aux crédits et aux services vétérinaires, et par les mesures de transparence mises en place dans les filières animales.
Le lien complexe entre ces deux notions
Une fois les définitions posées, reste la question essentielle du lien causal entre l’intensification de l’élevage et l’apparition de nouvelles maladies humaines. On voit bien qu’une démonstration semble impossible, au vu de la rareté des émergences de maladies humaines à partir de réservoirs animaux domestiques et de la relative nouveauté du processus d’intensification de l’élevage.
Deux exemples de zoonoses virales nous éclairent cependant sur la manière dont l’élevage intensif pourrait, à l’avenir, contribuer aux émergences :
● Le premier exemple est celui de l’influenza aviaire hautement pathogène due à H5N1, identifiée en Chine en 1997 avant sa propagation mondiale à partir de 2003. Les zones d’apparition du sous-type H5N1 combinent de fortes densités de volailles domestiques et des caractéristiques paysagères (zones humides) propices aux interfaces avec les oiseaux sauvages aquatiques. Les études réalisées dans différents pays d’Asie du Sud-Est montrent le rôle des élevages commerciaux et des réseaux de commerce des volailles comme accélérateurs de la propagation du virus dans les populations animales, à différentes échelles.
● Un autre exemple éloquent est celui de l’encéphalite à Nipah, transmise par le porc domestique, qui a émergé en Malaisie en 1998. La combinaison d’élevages de porcs et de cultures de mangue à grande échelle a favorisé les contacts entre chauves-souris frugivores, réservoir sauvage du virus, et porcs domestiques, puis la transmission du virus a été favorisée par la concentration des porcs en grand nombre dans les élevages et le transport de porcs vivants via les réseaux commerciaux.
Un lien entre les pratiques liées à l’élevage intensif et l’accroissement de la virulence – c’est-à-dire la dangerosité des infections – de certains pathogène a également été documenté, notamment pour le virus de la maladie de Marek qui touche les poulets et n’est pas zoonotique.
Les mécanismes de cette sélection adverse pour des formes plus virulentes de pathogènes sont complexes. Ils sont liés notamment au regroupement des animaux en grande densité, à leur durée de vie plus courte et à la sélection des reproducteurs sur la base de leur productivité et non de leur résistance aux maladies – contrairement aux mécanismes de sélection à l’œuvre dans les formes d’élevages plus extensives.
Des pathogènes plus virulents chez les animaux seraient, en cas de transmission humaine, plus susceptible de causer des symptômes prononcés chez notre espèce également. C’est une hypothèse proposée pour expliquer la sévérité des infections dues au sous-type H5N1 de l’influenza aviaire hautement pathogène, mais qui n’a pas été étayée à ce jour.
Enfin, les échanges commerciaux d’animaux vivants à large échelle favorisent l’échange de matériel génétique entre souches virales éloignées, favorisant ainsi l’apparition de nouvelles souches capables de transmission à l’homme. Ces phénomènes, appelés « recombinaison virale », sont particulièrement fréquents et redoutés dans le cas de l’influenza aviaire et porcine.
Prévoir pour éviter une catastrophe
On le voit, l’absence de preuve définitive d’un lien entre intensification de l’élevage et risque pandémique ne nous dispense pas d’anticiper et prévenir les risques potentiels futurs.
Pays industrialisés et pays émergents font cependant face à des situations contrastées. Dans les premiers, les pratiques de l’élevage intensif, implantées depuis longtemps, sont associées à des dispositifs visant à surveiller de très près les émergences et à limiter la diffusion des maladies.
Les deuxièmes font face à une expansion rapide de l’élevage de grande échelle, pour répondre à l’urbanisation accélérée de la population et à une demande croissante en protéines animales. Cette expansion doit faire l’objet d’un accompagnement des services de l’État et de mesures de transparence et de surveillance sanitaire acceptables pour les populations rurales.
Ces efforts garantiront, à terme, que la satisfaction des besoins croissants des populations en protéines animales ne se fasse pas aux dépens de la santé publique.
Alexis Delabouglise, Researcher, socio-economist of animal health, Cirad; François Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, Cirad; Marisa Peyre, Deputy head of ASTRE research unit, epidemiologist, Cirad et Mathilde Paul, Professeur en épidémiologie, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Inrae
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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