« Une nature française sous tension », tel est le bilan* tiré par l’Observatoire national de la biodiversité (ONB) sur l’état actuel des milieux naturels et l’évolution des espèces animales en France. Régression des populations d’oiseaux et de chauves-souris, forte progression des espèces exotiques envahissantes, dégradation des zones humides, recul des grands espaces en herbe, etc., le tableau dressé est plutôt sombre. Au niveau régional, Natureparif a publié un état de santé** de la biodiversité francilienne et de son évolution sur plus de dix ans. Ses analyses ont porté sur la flore, les oiseaux et les papillons de jour. Là encore, le diagnostic est celui d’une érosion importante des espèces et de leurs effectifs en Île-de-France. Toutefois, des solutions existent, la mobilisation s’organise et les initiatives s’intensifient.
Comme chaque année depuis cinq ans, l’ONB s’est penché sur l’état et l’évolution des espèces animales sauvages et des écosystèmes en mobilisant les 80 indicateurs recensés sur son site web***. Il ressort de ce bilan 2016 une situation inquiétante pour la faune : 23 % des populations d’oiseaux communs, particulièrement sensibles aux dégradations des habitats naturels, ont disparu entre 1989 et 2015. Pour les chauves-souris, les pertes sont encore plus importantes, avec des effectifs en baisse de 46 % entre 2006 et 2014. En parallèle, la progression des espèces exotiques envahissantes en métropole s’effectue au rythme d’au moins six espèces supplémentaires par département et par décennie sur les 30 dernières années. En outre-mer, 60 des 100 espèces considérées comme les plus envahissantes à l’échelle mondiale sont présentes dans les territoires français.
Du côté des habitats et des milieux naturels, la destruction, la dégradation ou la banalisation des paysages se poursuivent. 22 % seulement de l’ensemble des milieux naturels d’intérêt européen sont en bon état de conservation. En métropole, 48 % des zones humides sont en mauvais état. En moyenne, près de 67 000 ha ont été détruits chaque année par l’artificialisation des sols entre 2006 et 2014, un phénomène qui constitue une cause directe et souvent irréversible d’érosion de la biodiversité. De même, quelque 52 000 ha de prairies, de pelouses et de pâturages naturels ont disparu à la suite de ce changement d’occupation des sols entre 1990 et 2012. La forêt est la plus touchée, avec 783 ha de feuillus perdus à cause de l’artificialisation entre 2000 et 2012.
Du côté des terres agricoles, un recul de 7,9 % des grands espaces en herbe est observé entre 2000 et 2010.
Quant aux cours d’eau, ils présentent une fragmentation due à une densité de seize obstacles à l’écoulement pour 100 km. En termes de qualité physico-chimique, 57 % des eaux de surface sont en mauvais état, avec des pollutions qui pèsent lourd sur la diversité biologique. Si certains polluants affichent en forte baisse entre 1998 et 2014 (- 49 % pour les orthophosphates et pour les matières organiques biodégradables, – 69 % pour l’ammonium), le recul des nitrates, en revanche, n’est que de 7 %. En outre, le recours aux produits phytosanitaires continue d’augmenter (+ 12 % depuis 2009-2011).
Toutefois, en réaction à cette situation globalement inquiétante, l’ONB relève une prise de conscience et une mobilisation des citoyens et des pouvoirs publics en hausse, avec en parallèle une augmentation constante depuis dix ans des moyens financiers affectés à la préservation de la biodiversité. Ainsi, la contribution citoyenne aux programmes de sciences participatives a grimpé de 109 % entre 2011 et 2015. Le nombre de données incluses dans le système d’information sur la nature et les paysages (Sinp) a doublé entre 2014 et 2015, même s’il reste beaucoup à faire concernant la biodiversité marine et ultramarine (moins de 1 % des données). Or l’amélioration des connaissances est un préalable à la mise en œuvre d’actions efficaces sur le terrain. De même, la part du territoire national soumise à un schéma d’aménagement prenant en compte les enjeux de la biodiversité est passée de 0,7 % en 2011 à 14 % en 2015.
Un déclin marqué aussi en Île-de-France
Du point de vue régional, les analyses issues des observations fournies par près de 200 citoyens franciliens impliqués dans le programme Vigie-Nature, reposent sur deux indicateurs : la richesse en espèces et l’abondance en individus. Elles mettent en évidence un déclin marqué sur la période récente. Toutefois, toutes les espèces ne sont pas touchées de la même façon : les oiseaux déclinent dans les trois habitats étudiés (agricoles, forestiers, urbains), tandis que la régression des papillons et des plantes est plutôt observée dans les milieux cultivés. De même, les espèces généralistes sont moins affectées que les espèces spécialistes d’un milieu dont les populations s’effondrent rapidement.
Ainsi, sur les treize dernières années, les milieux agricoles franciliens ont vu leur biodiversité s’appauvrir et décliner fortement : les espèces de plantes ont diminué de 20 %, celles de papillons de 18 % et 1/5e des oiseaux ont disparu. Face à pratiques intensives et des paysages agricoles trop homogénéisés, le défi consiste à recréer des aménagements écologiques offrant une diversité de ressources et de refuges pour le vivant. Le retour des espèces agricoles apparaît comme une condition nécessaire à l’évolution vers des pratiques plus agroécologiques. En effet, le nombre d’espèces décline de 45 % dans les grandes cultures dépourvues de bordures végétales, versus seulement 15 % dans celles dotées de bordures. De même, l’usage de pesticides diminue de plus de 10 % en moyenne la richesse en oiseaux, par rapport à des parcelles sans traitement.
En ville, l’état de santé de la biodiversité est mitigé selon les espèces : si les plantes montrent une stabilité de leurs effectifs, les populations de papillons et d’oiseaux continuent de diminuer. Dans ce cadre, les politiques urbaines et les actions citoyennes sont les deux leviers actuels et complémentaires pour atteindre l’objectif d’une restauration des continuités écologiques.
Par comparaison avec les milieux agricoles et urbains, la diversité en oiseaux, plantes et papillons des milieux forestiers apparaît préservée des menaces qui pèsent sur ces espèces en Île-de-France (fragmentation, fréquentation, exploitation, changement climatique). Cela est dû à la conservation de grands massifs forestiers et à une gestion sylvicole intégrant des objectifs écologiques.
Pour évaluer les politiques mises en œuvre et accroître la connaissance et le suivi de la biodiversité, il convient là encore de reconnaître le rôle majeur des sciences participatives. La mobilisation d’un grand nombre d’observateurs sur plusieurs années, selon Natureparif, est nécessaire pour cette évaluation et la sensibilisation des citoyens.
* « Bilan 2016 de l’état de la biodiversité en France : une nature française sous tension », Observatoire national de la biodiversité, publié le 18 mai 2016.
*** http://indicateurs-biodiversite.naturefrance.fr/indicateurs/tous
** État de santé de la biodiversité en Île-de-France, apport du programme de sciences participatives Vigie-Nature, Natureparif, mai 2016, http://www.natureparif.fr/attachments/observatoire/Indicateurs/2016/DP_Indicateurs_biodiversite_2016_BD.pdf?utm_source=activetrail&utm_medium=email&utm_campaign=Dossier%20de%20presse%20:%20Indicateurs%20d%27%C3%A9tat%20de%20sant%C3%A9%20de%20la%20biodiversit%C3%A9%20en%20%C3%8Ele-de-France