Au fur et à mesure que les températures augmentent en Europe, les moustiques porteurs de maladies s’implantent et avec elles de nouvelles pathologies. La fièvre du West-Nil en est une. Cette zoonose s’impose maintenant durablement en Europe et progresse de manière soutenue vers le Nord.
La fièvre de West-Nile (FWN) est une maladie virale qui affecte certains oiseaux et mammifères, dont les chevaux et l’homme. C’est un arbovirus de la famille des Flaviviridae, également connu sous le nom d’encéphalite West-Nile ou méningoencéphalite West-Nile, qui passe la plupart du temps inaperçu, mais dans de rares cas provoque des séquelles nerveuses durables ou la mort.
Le virus circule habituellement dans des populations d’oiseaux réservoirs grâce à des moustiques vecteurs. Mais accidentellement il arrive que des moustiques infectés transmettent le virus à l’humain ou le cheval.
On parle d’hôtes accidentels puisque ce sont des culs de sac épidémiologiques pour le virus. Il ne semble pas pouvoir se multiplier suffisamment dans le sang pour rendre l’individu infectieux et contaminer un nouveau moustique qui viendrait à le piquer.
En revanche, cela ne les empêche pas d’en manifester les symptômes. Et si 80 % des personnes infectées restent asymptomatiques, le virus de la FWN peut être à l’origine d’une maladie neurologique parfois fatal chez l’humain et le cheval. Selon les Centers for Disease Control (CDC) aux États-Unis, environ une sur 150 infections humaines développent des symptômes graves qui s’avèrent parfois mortels. À ce jour, il n’existe toujours pas de traitement antiviral spécifique contre la FWN.
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West-Nile : une zoonose sous surveillance
De par sa transmissibilité et sa potentielle gravité, chez le cheval, comme chez l’humain, la FWN est une zoonose à risque qui a des conséquences sanitaires et économiques importantes.
Le virus fait partie des dangers sanitaires de catégorie 1 mentionnés dans l’article L.201-1 du code rural et de la pêche maritime qui regroupent les : « dangers sanitaires susceptibles de porter une atteinte à la santé publique, ou à mettre gravement en cause les capacités de production nationales ou la salubrité de l’environnement. Ces dangers requièrent des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte définies et imposées, dans un but d’intérêt général, par l’État. »
En cas de suspicion, les autorités sanitaires doivent donc être alertées.
L’épidémiologie du virus West Nile est évolutive et peu prévisible. Elle est influencée par de nombreux facteurs notamment environnementaux. La prévention est donc de mise grâce à une politique de vaccination, de protection contre les moustiques et une surveillance de la pathologie.
Les équidés infectés révèlent d’ailleurs souvent la présence du virus sur le territoire, sans transmettre la maladie et mettre en danger l’humain, et permettent sa surveillance plus facilement que chez les oiseaux.
Ce sont des sentinelles idéales d’autant plus qu’ils peuvent être protégés par des vaccins spécifiques et des mesures de protection contre les moustiques.
La fièvre de West-Nile progresse et s’installe durablement en Europe
Mais malgré ces efforts, la pathologie progresse en Europe depuis quelques années et s’y installe durablement.
Identifié pour la première fois en 1937 en Ouganda, le virus a été introduit en Europe par des oiseaux migrateurs venus d’Afrique. Après une présence en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique du Nord, le virus est actuellement installé et endémisé dans plusieurs zones européennes.
Depuis 2010, on observe une circulation plus importante en Europe, en Russie et sur le pourtour méditerranéen. L’année 2018 a été marquée par la plus forte épidémie, le nombre de cas recensés en Europe a été supérieur à la somme des 7 années précédentes. L’Italie avait été particulièrement touchée.
En Europe
Cette année, la surveillance épidémiologique indique une circulation en Europe depuis juillet, avec une augmentation du nombre de cas équins ces dernières semaines.
On compte déjà depuis le début de la saison 2020 (chiffes datés du 17 sept 2020), 69 cas chez les équidés en Espagne (51), Italie (8), Allemagne (8), France (1) et Portugal (1). En revanche, aucun foyer parmi les oiseaux n’a été signalé par l’ADNS.
Pour les humains, les États membres de l’UE ont signalé 209 cas d’infection et 21 décès, en Grèce (109, dont 16 décès), Espagne (61, dont 5 décès), Italie (32), Roumanie (4) et Hongrie (3). Tous les cas ont été signalés dans des zones qui ont été touchées au cours des saisons de transmission précédentes. Aucun cas n’a été signalé dans les pays voisins de l’UE.
Cependant, il devient clair que l’épidémie s’installe de plus en plus au Nord de l’Europe jusqu’en Allemagne.
Allemagne
La FWN est présente en Allemagne depuis seulement quelques années mais s’y installe rapidement.
En Allemagne, le premier oiseau infecté fut détecté en 2018 seulement, et suite à cela, le 3 septembre 2020, les autorités de santé publique allemandes ont signalé les premiers cas d’infections humaines autochtones en Allemagne de la saison.
Au total 9 cas ont été signalés à Leipzig (7), Meissen (1) et Berlin (1). Et d’autres cas suspects font l’objet d’une enquête. De plus, depuis juillet 2020, le virus circule parmi des populations aviaires dans des zones similaires aux zones infectées de 2019.
Pays-Bas
Cette progression vers le Nord de l’Europe devient évidente avec le premier animal, une paruline, à avoir été testé positif pour le virus de FWN aux Pays-Bas, dans la région d’Utrecht, d’après les autorités de santé publique néerlandaises.
Et ce ne serait pas le seul cas. Les parulines sont des oiseaux migrateurs, l’animal infecté a été testé positif à la fin de l’été, il est très probable qu’il ait contracté le virus sur place. Cette idée est confirmée par le fait que ces dernières années, des anticorps ont été trouvés chez plusieurs milliers d’oiseaux non-migrateurs aux Pays-Bas, sans tout de fois avoir une infection active.
Espagne
L’Espagne connait une explosion de cas de West-Nile, notamment à cause des populations de moustiques qui se décuplent dans certaines régions.
Le virus de la FWN est endémique en Andalousie depuis au moins 2 décennies. Mais selon les données d’un projet de surveillance des moustiques « Mosquito Alert », la population de moustiques de tigre, aurait augmenté de 70 % cette année par rapport à l’année précédente. L’augmentation des pathologies portées par le moustique ne va que de soi.
A la date du 19 août les autorités sanitaires d’Andalousie ont rapporté 19 cas de méningo-encéphalite virale dans la province de Séville. Au moins 17 personnes ont été hospitalisées, dont 5 en service de soins intensifs. Des examens de laboratoire ont confirmé chez 11 personnes une infection par le virus West Nile. Les cas sont concentrés dans les municipalités de Puebla del Rio et Coria del Rio, qui se trouvent dans la zone de marais sur les rives du fleuve Guadalquivir (habitat de nombreux moustiques).
France
En France, la fièvre West-Nile est apparue pendant l’année 2000 et a depuis une extension restreinte, localisée sur le pourtour méditerranéen, en régions PACA et Languedoc-Roussillon.
Il n’y a pas, à ce jour, de cas déclaré en France pour l’année 2020. Cependant, il faut rester sur ses gardes. En 2018, les premiers cas avaient été enregistrés entre le mois d’août et le mois de septembre tout comme en 2019 avec 13 chevaux infectés dans le Gard, les Bouches-du-Rhône, l’Hérault et la Corse pendant cette période.
Le réseau des vétérinaires sanitaires a été spécialement activé début septembre pour le développement de la vigilance (cas cliniques équins) de même que les acteurs du réseau SAGIR (surveillance sanitaire de la faune sauvage) pour la surveillance des mortalités d’oiseaux.
Le RESPE (Réseau d’Epidémio-Surveillance en Pathologie Equine) appelle donc à la vigilance, notamment dans les départements du Sud Est (Gard (30), Vaucluse (84), Bouches-du-Rhône (13), Var (83), Alpes-maritimes (06) et Corse (20)), et ce jusqu’en novembre (période la plus à risque en lien avec l’activité des moustiques vecteurs de la maladie).
Le réchauffement climatique, en grande partie responsable de cette progression
L’expansion évidente ces dernières années des cas de FWN vers l’Europe et le Nord est portée par les vecteurs de la pathologie, les moustiques.
Or, la hausse des températures prédite pourrait modifier le comportement de certains moustiques de la famille Aedes, et déplacer ces zones de reproduction, en particulier le fameux « moustique tigre », vecteur reconnu de maladies. En France, le moustique tigre est désormais implanté dans plus de 50 départements, alors que cela fait tout juste seize ans qu’il est arrivé en métropole.
En effet, plus il fait chaud, plus son cycle de développement, de l’œuf à l’adulte, se raccourcit. Entre 20 et 25°C, il dure entre 6 et 10 jours mais à 28°C, il n’est plus que de 6 jours. Plus la température augmente, plus le moustique devient adulte rapidement.
En conséquence, de nouveaux modèles prédisent que le virus se propage désormais plus facilement dans les régions plus fraîches à mesure que les températures estivales moyennes augmentent. La température optimale de transmission de la FWN serait entre 23 et 26°c.
La hausse des températures signifiera probablement aussi que la transmission saisonnière du virus commencera plus tôt au printemps et se terminera plus tard à l’automne.
Outre la température, de nombreux facteurs peuvent aussi contribuer aux taux de transmission des virus transmis par les moustiques, y compris l’utilisation des terres, les mesures de contrôle et l’évolution des virus et de leurs insectes vecteurs. Mais dans le scénario extrême d’une augmentation des températures de 4°C d’ici 2080, ces insectes pourraient menacer près d’un milliard d’individus supplémentaires d’ici à la fin du siècle.