Un Plan d’action européen en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages* est proposé par la Commission à l’échelle de l’Union. Dans la feuille de route de ce projet, il est question d’agir de façon concertée contre cette criminalité organisée afin de permettre à l’Europe de jouer un rôle et de peser dans la protection des espèces de faune et de flore menacées dans le monde entier. L’objectif est de fournir à l’Union européenne les outils et le cadre politique et réglementaire nécessaires pour passer à l’action. L’initiative est lancée, les contributions et les commentaires des parties prenantes et des citoyens sont attendus, la Commission en tiendra compte dans la suite du processus législatif.
Si le trafic de la faune et de la flore n’est pas un phénomène nouveau, l’ampleur, la nature et les impacts de ce commerce illégal ont considérablement évolué au cours des dernières années. Le braconnage a notamment atteint des niveaux record chez certaines espèces : plus de 20 000 éléphants et 1 200 rhinocéros ont été tués l’an passé, et leurs populations sont de nouveau en déclin. De nombreuses autres espèces sont touchées, comme les requins, les tigres, les grands singes, les tortues, les pangolins, les coraux, les bois tropicaux, etc. Le trafic de la faune et de la flore est devenu l’une des activités criminelles internationales les plus rentables, générant entre 70 et 213 milliards de dollars chaque année, selon les chiffres de l’United Nations Environment Programme. Ces profits considérables sont de surcroît associés à un faible risque d’être pris et à des sanctions peu dissuasives. En outre, l’impact de ce trafic planétaire ne se limite pas à la biodiversité. Il affecte aussi le développement économique et l’État de droit, voire la stabilité politique dans certains pays.
La Commission européenne s’est appuyée sur de nombreux rapports et analyses, ainsi que sur les contributions de la consultation des parties prenantes lancée en février 2014, pour identifier les défis que l’Union va devoir relever rapidement :
- l’approche actuelle apparaît ainsi trop fragmentée pour aborder la dimension protéiforme du trafic de la faune et de la flore, à la fois dans l’Union et au niveau mondial, notamment en raison d’un manque de prise de conscience de la gravité du problème. Le soutien aux efforts de conservation dans les pays membres et le recours aux outils diplomatiques pour augmenter la prise de conscience politique sont souvent peu coordonnés ;
- les impacts du trafic au-delà de la biodiversité, ainsi que les réponses à apporter face à la demande de produits illicites d’espèces sauvages, sont insuffisamment pris en compte aux plans politique et opérationnel. Les mesures à long terme font défaut pour traiter les causes profondes et les facilitateurs du braconnage (la pauvreté, la corruption, la participation des populations locales, le manque de moyens de subsistance alternatifs) ;
- même si les règles européennes et mondiales sur le commerce de la faune sont généralement considérées comme adéquates, elles ne sont pas correctement appliquées et respectées. Les moyens mis en œuvre et les systèmes de surveillance sont souvent inadaptés et inefficaces, en raison de la faible priorité accordée à la question dans de nombreux pays, ainsi qu’à un manque d’expertise technique et de connaissances sur les implications de la criminalité organisée. Le manque de coopération et de coordination efficaces entre les services d’inspection et les autres autorités de contrôle (police, douanes, justice) est un écueil supplémentaire, à la fois dans l’Union et dans les pays tiers. Ainsi, les taux de répression de ces crimes sont faibles et les sanctions non dissuasives.
Fort de ces constats, la Commission veut accroître l’efficacité de la politique et des actions menées par l’Union contre le trafic de la faune, afin de le réduire de façon conséquente aux niveaux mondial et européen. Son initiative vise à sensibiliser les États membres pour que les décideurs placent dorénavant la lutte contre ce trafic parmi leurs priorités. Cela passe par la mise en place d’un cadre et d’orientations stratégiques pour toute une série d’actions qui doivent être entreprises par l’Union pour espérer relever les défis identifiés. Le but est d’obtenir un engagement au plus haut niveau des États membres et une meilleure cohérence des politiques et des actions existantes, en réunissant les acteurs des différents secteurs touchés par ce problème aux ramifications multiples (environnement, développement, politique extérieure et intérieure, coutumes, justice, commerce).
Au final, trois options stratégiques sont proposées dans la feuille de route du futur plan d’action de l’Union.
> Option n° 1
Il s’agit ici de renforcer l’application des règlements en matière de commerce d’espèces sauvages, dans l’Union et au plan mondial, afin de répondre à l’urgence de l’actuelle flambée du trafic. Cela pourrait notamment passer par une révision des recommandations 2007 de la Commission (2007/425/CE), via l’ajout de mesures ciblées sur le crime organisé du trafic d’espèces sauvages dans l’Union et le suivi de leur mise en œuvre par les États membres. Au niveau mondial, la révision consisterait à ajouter des recommandations visant à améliorer la contribution et la coopération de l’Union à la répression internationale.
> Option n° 2
Le plan d’action prendrait la forme d’une communication de la Commission adressée au Conseil et au Parlement européens, sans besoin de nouvelles propositions législatives. Il couvrirait toutes les dimensions du trafic de la faune, dans l’Union et au niveau international. Contrairement à la précédente, cette option ne s’arrête pas au renforcement du contrôle, mais comprend également un ensemble de mesures destinées à traiter ce problème multidimensionnel en s’attaquant à ses causes profondes. En prenant la forme d’une communication, l’objectif est d’obtenir l’approbation du plan d’action par le Conseil européen afin de s’assurer d’un engagement politique fort de la part des gouvernements des États membres dans la lutte contre le trafic de la faune. Le plan s’articulerait autour de trois priorités :
- la prévention (réduction de la demande de produits illégaux, aide à la gestion de la faune et à la lutte contre le braconnage, sensibilisation et encouragement à un approvisionnement durable des produits de la faune, accentuation de la lutte contre la corruption) ;
- le durcissement de l’application de la loi et l’intensification du combat contre le crime organisé (coopération internationale accrue, répression mise au rang des priorités stratégiques, niveaux de sanction harmonisés).
- la création d’un partenariat mondial contre le trafic de la faune (renforcement et meilleure coordination de l’action avec les pays d’origine, de transit et de marché concernés par le trafic, augmentation de l’aide au développement de l’UE contre ce trafic, ajout de la dimension “sécurité” aux évaluations des pays membres).
Des échéanciers, des indicateurs et un suivi par la Commission sont en outre prévus.
> Option n° 3
Ce plan d’action consisterait en une communication de la Commission au Conseil et au Parlement européens, associée à de nouvelles propositions législatives. La communication contiendrait une réponse globale au trafic de la faune, aux niveaux européen et international. En complément, des propositions législatives modifieraient la législation actuelle de l’Union pour harmoniser les sanctions et qualifier le trafic de la faune et de la flore sauvages comme un crime grave, assorti d’une peine maximale d’au moins quatre ans de prison.
L’International Fund for Animal Welfare (Ifaw) salue la décision de la Commission européenne de mettre en place ce plan d’action et recommande l’adoption de l’option n° 2 de la feuille de route proposée. Toutefois, l’association y ajoute deux points clés :
- le plan devrait intégrer le développement de stratégies de confiscation des animaux vivants, et l’analyse des tendances en matière de commerce illégal devrait être mise à profit pour prévoir les espèces susceptibles d’être interceptées. En parallèle, le développement d’un réseau d’installations d’accueil et de refuges permettrait de garantir le placement rapide et décent des animaux confisqués dans des centres spécialisés ;
- le plan devrait encourager la collecte de données uniformisées et l’analyse des statistiques sur le trafic et la criminalité liés aux espèces sauvages à travers l’Union, à l’instar de ce qui existe déjà pour d’autres formes de crime organisé (armes, drogue, etc.).
Il est encore possible d’influer sur ce projet, et de faire entendre sa voix en prenant part à la consultation en ligne de la Commission européenne**.
** http://ec.europa.eu/smart-regulation/roadmaps/index_fr.htm