La Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE) a adopté à l’unanimité, lors de son assemblée générale à Iasi (Roumanie) les 5 et 6 juin 2015, une prise de position stratégique concernant la médecine de troupeau. L’objectif est notamment de montrer l’intérêt d’une communication bilatérale entre l’élevage et l’abattoir, afin d’assurer un retour régulier, tant à l’éleveur qu’au vétérinaire, des informations issues des contrôles de la chaîne alimentaire.
Selon la FVE, le défi majeur pour l’industrie agro-alimentaire du XXIe siècle est l’adoption de stratégies de prévention des maladies, afin de maintenir des troupeaux sains, d’améliorer le bien-être des animaux ainsi que la rentabilité des éleveurs. Pour aider à la mise en œuvre de ces stratégies de santé du troupeau, le vétérinaire joue un rôle de facilitateur et d’éducateur, accompagnant le changement de comportement dans l’élevage. Dans ce cadre, la communication et le transfert de connaissances apparaissent comme capitales au développement d’une telle (r)évolution. Le vétérinaire agit alors comme le chef d’équipe de la gestion de l’exploitation. Au bout de la chaîne alimentaire, cette approche conduit à une nourriture plus sûre et à un environnement plus durable pour le consommateur.
La planification de la santé du troupeau est une méthode d’amélioration continue qui vise à optimiser la santé et le bien-être animal par une analyse systématique des données de l’élevage et par des examens cliniques réguliers des animaux et de leur environnement. Au niveau des exploitations, il s’agit d’un mécanisme clé pour le maintien de la viabilité des productions animales, qui a des conséquences positives directes sur le bien-être animal et la santé publique. En outre, il contribue à limiter l’impact sur l’environnement via de meilleures pratiques et peut avoir un effet positif sur les revenus de l’éleveur, voire lui ouvrir de nouveaux marchés.
Quatre objectifs et des actions planifiées pour les atteindre
Ainsi, le planning de santé du troupeau vise à :
- atteindre un niveau optimal de santé et de bien-être des animaux ;
- fournir des aliments de qualité, sûrs, produits selon une démarche durable et accroître la confiance des consommateurs ;
- prévenir les zoonoses et renforcer la surveillance des maladies ;
- assurer une rentabilité optimale des exploitations et réduire le stress des éleveurs.
La réalisation de ces objectifs passe par la mise en œuvre d’un plan d’actions. Il s’agit de :
- comprendre les implications financières de chaque problème de santé ;
- cibler les domaines qui nécessitent une attention particulière ;
- régler les indicateurs de performance de la santé du troupeau ;
- suivre l’incidence de cette performance ;
- mesurer l’impact des épisodes de maladies cliniques et subcliniques ;
- chiffrer les pertes financières lors de maladies cliniques et subcliniques ;
- appliquer des mesures correctives.
Lorsque l’incidence des maladies est mesurée par rapport à des normes comprises et adoptées, il est plus facile d’intervenir et de planifier ces interventions. De même, connaître le montant des pertes associées à telle maladie clinique et subclinique contribue à prendre des mesures directes et à cibler immédiatement les moyens dans le secteur le plus important de l’exploitation. En outre, la planification de la santé du troupeau permet de réduire le stress des éleveurs et favorise la bonne marche de leur entreprise.
Au final, le document qui sert à planifier la santé du troupeau doit comporter les éléments suivants :
- les bonnes pratiques d’élevage (logement, paramètres d’ambiance, gestion de l’eau et de l’alimentation) ;
- les mesures de biosécurité adaptées ;
- les bonnes pratiques d’utilisation des médicaments vétérinaires et des additifs alimentaires ;
- les bonnes pratiques d’hygiène ;
- un plan clinique et subclinique de surveillance des maladies ;
- un plan de mise en quarantaine pour les nouveaux animaux introduits dans l’exploitation ;
- un plan de contrôle des maladies infectieuses, incluant des installations d’isolement et des mesures de biosécurité, afin de prévenir la propagation des infections d’un animal à l’autre, ainsi que d’un élevage à l’autre ;
- un plan d’urgence ;
- un système d’identification de tous les animaux, incluant l’enregistrement des animaux traités ;
- un système de traçabilité des mouvements d’animaux ;
- des opérations de contrôle de leur état de santé et de bien-être par l’éleveur ;
- la prévention et la surveillance des maladies d’élevage spécifiques ;
- un plan de vaccination ;
- un contrôle des parasites et un plan de traitement antiparasitaire (incluant les animaux de compagnie qui vivent sur l’exploitation) ;
- l’élimination des animaux morts (en conformité avec la législation nationale et européenne).
Des visites sanitaires régulières sont à inclure dans le planning de santé du troupeau et à mettre en œuvre selon les problèmes de santé existants, la taille de l’élevage, les espèces animales, et le risque d’introduction ou de propagation de maladies. Des moyens financiers adaptés doivent également y être affectés.
Plusieurs points de contrôle du planning de santé du troupeau
Non exhaustive, cette check list est à adapter aux besoins spécifiques de chaque élevage.
- Tenue de registres : notification des rations alimentaires, des médicaments vétérinaires et autres traitements, de la survenue de maladies, des résultats des observations sur la santé et le bien-être faites par les éleveurs, des conclusions et des conséquences des analyses et des rapports pertinents établis lors des contrôles (sur les animaux ou les produits) notamment à l’abattoir. Si de nouveaux problèmes de santé du troupeau se posent, ils doivent être décrits en détail, ainsi que les mesures mises en œuvre pour les traiter et le suivi effectué.
- Suivi des animaux : identification des espèces animales et de la catégorie, de l’origine des animaux et/ou du sperme, de leurs numéros et mouvements respectifs, y compris les raisons de ces mouvements.
- Systèmes d’identification et d’enregistrement : application de la législation nationale et de celle de l’Union, ainsi que d’un dispositif supplémentaire pour recenser les animaux traités.
- Mesures de biosécurité : enregistrement de l’usage d’un désinfectant (lequel, où, quand), utilisation de vêtements de protection spéciale (pour les visiteurs), désinfection des véhicules qui accèdent à l’exploitation (via un itinéraire établi), gestion des ravageurs et restriction de circulation pour les animaux domestiques, mesures de quarantaine, contrôle des achats d’animaux, de matières premières et d’équipements, ainsi que de l’élimination des carcasses et de la litière, choix approprié de l’emplacement de nouveaux bâtiments, tenue d’un registre des visiteurs et installation d’un parking dédié.
- Dispositifs de prévention : mise en œuvre de protocoles de vaccination, de déparasitage et autres mesures équivalentes.
- Logement des animaux : prise en compte du climat, de la luminosité, des matériaux et des équipements répondant aux critères de bien-être animal.
- Bien-être animal : adoption de normes appropriées en matière de manipulation des animaux, d’hébergement (densité, environnement enrichi, etc.) et de transport.
- Formation des personnels : éducation à la législation sur les questions de bien-être animal, de biosécurité et d’hygiène.
- Approvisionnement en nourriture et en eau : contrôle des aliments et de leurs ingrédients respectifs (fournisseurs), ainsi que de l’eau (source, stockage, gestion de l’hygiène).
- Questions de santé : enregistrement du taux de fécondité, des notes d’état corporel, des soins des pieds, du nombre d’animaux abattus en cas de maladie, de la fréquence de telle affection clinique et de sa nature (bactérienne, virale, parasitaire, espèce touchée, etc.), des performances de l’élevage (taille des portées, taux de croissance, production de lait, numération des cellules, mortalité).
- Traitements : suivi de l’administration des médicaments (avec ordonnancier correspondant) et du stock, enregistrement des traitements antiparasitaires, des traitements de routine (additifs alimentaires) ou non (antibiotiques, anti-inflammatoires, etc.).
- Participation à des essais, autopsies ou tests de laboratoire : mise en œuvre selon les espèces animales et la région, en association, le cas échéant, avec des analyses sérologiques, des écouvillons nasaux, un échantillonnage des aliments, des tests environnementaux, etc.