Lors du colloque organisé par le ministère de l’Agriculture, ce mercredi 14 novembre, Stéphane Le Foll a annoncé la conduite d’une mission sur la prescription et la délivrance du médicament vétérinaire. Ce travail aboutira à une modification de la législation, dans le cadre du projet de loi d’avenir, dès l’automne prochain.
« Réduire le recours des antibiotiques, c’est mieux les utiliser. » Cette affirmation du ministre de l’Agriculture résume la stratégie adoptée par le gouvernement. Stéphane Le Foll a saisi l’occasion de la Journée sur l’antibiorésistance, qui s’est déroulée dans ses murs, pour rappeler que la politique sanitaire de l’agriculture s’inscrit dans un contexte plus global d’agro-écologie, tant pour la production que pour l’alimentation.
Une mission sera confiée dans les prochains jours au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) pour étudier toutes les possibilités afin de mieux appréhender la gestion du médicament. « Utiliser moins pour utiliser mieux, quels que soient les moyens. Il n’y aura aucun a priori pour répondre à cette contrainte que je souhaite. » Aucun tabou donc, pour le ministre de l’Agriculture. Il s’agit « d’étudier la meilleure solution, d’un découplage total de la prescription et de la délivrance à d’autres mesures intermédiaires, voire en fonction des circonstances ou à gradients variables ».
Le ministre va donc plus loin que ce que prévoyait la mesure n° 29 du plan de lutte contre l’antibiorésistance. Il souhaite encadrer la prescription de ces antibiotiques qui présentent un intérêt majeur en médecine humaine (avec interdiction de les utiliser en prévention). Le rapport du CGAAER devra être rédigé dès le printemps prochain pour préparer la rédaction du projet de loi d’avenir, inscrit au Parlement dès la rentrée 2013.
Être leader en agro-écologie
« Je souhaite que la France soit leader dans la mutation qui émerge en Europe et dans le pourtour méditerranéen, celle de l’agro-économie. » La loi d’avenir se présente donc comme le cadre de départ d’une véritable modification du paysage agricole français. Des contraintes seront particulièrement suivies : la viabilité économique des futurs textes, la performance environnementale des usages, et la performance sanitaire. Cette dernière est, pour Stéphane Le Foll, fondée sur les réseaux et les outils de prévention. Deux de ces contraintes devraient rendre la mission du CGAAER assez délicate : il est clair que les différents lobbies du médicament (industrie, vétérinaires, pharmaciens, groupements agréés, etc.) apporteront chacun leurs études chiffrées, avec des conclusions bien différentes, voire opposées, sur les impacts de mesures totales ou intermédiaires de découplage.
Ce qui est certain, c’est que la fin de la délivrance du médicament par le vétérinaire est un vrai serpent de mer ! Jusqu’à aujourd’hui, aucun homme politique n’a osé aborder ce tabou, tant les études d’impact sont contradictoires, donc les conséquences sur le maintien du réseau sanitaire vétérinaire à travers le territoire. Il est actuellement admis que les répercussions d’un découplage concerneraient essentiellement les activités rurales.
Recherche et innovation au cœur du système
La recherche apparaît comme un enjeu essentiel à l’amélioration des solutions techniques et stratégiques. Pour le ministre de l’Agriculture, l’heure de la mobilisation est venue pour favoriser l’innovation. « La filière porcine a fait des progrès remarquables ces derniers mois, avec une baisse de 9 % de l’utilisation des antibiotiques. Il faut aller plus loin, mais la réduction de l’emploi de ces molécules s’inscrit plus globalement dans l’agro-écologie européenne. Il est nécessaire d’améliorer la performance des bâtiments, de s’engager dans la fiscalité, car il faudra investir pour s’en donner les moyens. 2 millions d’euros ont déjà été débloqués pour encourager l’innovation. Une réflexion est menée sur la fiscalité même du médicament vétérinaire, pour contribuer au financement du plan Eco-antibio. » Ces propos de Stéphane Le Foll font écho à ceux tenus la veille par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors des Rencontres internationales de la recherche.
L’autre piste est fiscale. Une évaluation de la fiscalité dans ce domaine est à créer. Stéphane Le Foll étudie des pistes avec son collègue du ministère de l’Économie, Pierre Moscovici. Ces outils fiscaux, destinés à encourager la recherche comme à garantir les réseaux sanitaires, seront présentés au Parlement au cours des discussions de la prochaine loi de finances, ou du projet de loi d’avenir. Il s’agit d’accompagner les futures dispositions, tant au niveau de l’élevage que de l’alimentation.
En fin de compte, Stéphane Le Foll entretient la réputation qu’il souhaite établir : parler franc et prendre des décisions, même si elles doivent être douloureuses, pour l’intérêt général, voire transgénérationnel. S’agit-il d’un énième effet d’annonce ? Pas évident. Il est aussi le premier ministre de l’Agriculture à avoir tranché concernant l’identification des carnivores domestiques, après plus de 20 ans de tergiversations de ses prédécesseurs, toutes familles politiques confondues. Alors, est-ce une remise à plat complète de la gestion de la politique sanitaire française, pour mieux répondre aux nouveaux enjeux sociétaux ? À suivre…