On dit des ânes qu’ils sont têtus, mais les vétérinaires préfèrent les qualifier de stoïques. En effet, ils sont très doués pour cacher leur douleur, ce qui contribue à retarder la détection des maladies dont ils souffrent, qui souvent ne sont traitées que tardivement, lorsque leur état de santé est déjà bien dégradé. Pour la première fois, des chercheurs ont mis au point des tests capables d’évaluer objectivement différents types de douleurs chez l’âne, une avancée majeure pour la prise en charge médicale et le bien-être de ces équidés.
La douleur peut être difficile à évaluer objectivement chez l’animal. C’est particulièrement vrai pour les animaux dont le statut de proie les pousse à dissimuler leurs symptômes à leurs congénères et aux potentiels prédateurs pour éviter de devenir une cible. Les ânes n’y font pas exception. Souvent décrits comme têtus par leurs propriétaires, ils sont plutôt qualifiés de stoïques par les vétérinaires et les éthologues. En effet, les ânes sont connus pour leur capacité à masquer les signes de douleur, encore plus que les chevaux. Pour cette raison, l’évaluation objective de la douleur chez l’âne se révèle complexe. Elle est pourtant d’une importance vitale pour établir un diagnostic précoce, assurer un suivi efficace de la réponse thérapeutique et ainsi améliorer le bien-être global.
Depuis 2006, des études cherchent à évaluer la douleur chez le cheval, notamment via un score de la douleur équine, mais l’âne est trop souvent mis de côté et aucune échelle n’est validée pour cet équidé. Cependant, si les ânes présentent des particularités comportementales, physiologiques et des vulnérabilités propres, ils partagent également de nombreuses similitudes avec les chevaux. Les chercheurs sont donc partis du principe que les méthodes et les échelles conçues et validées pour les chevaux pouvaient être utilisées comme point de départ pour développer des échelles de douleur utiles et valables pour les ânes. Ils y ont incorporé des éléments spécifiques à l’espèce asine pour construire deux échelles de douleur : l’Equine Utrecht University Scale for Donkey Composite Pain Assessment (Equus-Donkey-Compass) et l’Equine Utrecht University Scale for Donkey Facial Assessment of Pain (Equus-Donkey-FAP).
Ces échelles ont été testées chez 264 ânes adultes (12 avec des coliques, 25 avec des douleurs orthopédiques, 18 avec des douleurs crâniennes, 24 avec des douleurs postopératoires et 185 cas témoins). Résultat, les tests Equus-Donkey-Compass et Equus-Donkey-FAP peuvent tous les deux efficacement évaluer objectivement diverses douleurs aiguës chez l’âne, mais avec des différences selon le type de douleur.
Le test Equus-Donkey-Compass est particulièrement efficace pour détecter des douleurs orthopédiques et de coliques (88 % et 83 %, respectivement), moins pour les douleurs crâniennes et postopératoires (17 % et 21 %, respectivement). En revanche, la sensibilité de l’Equus-Donkey-FAP est bonne pour les coliques et les douleurs crâniennes (75 % et 78 %, respectivement), mais modérée pour les douleurs orthopédiques et postopératoires (40 % et 50 %, respectivement).
Il est maintenant possible d’estimer avec fiabilité et objectivité la douleur chez les ânes sur le terrain. C’est une avancée majeure qui va permettre de mieux les soigner, mais surtout de prévenir et d’intervenir précocement chez ces animaux qui laissent si peu transparaître leur inconfort, tout en assurant un suivi efficace des traitements. Ainsi, ces outils se révèlent fondamentaux pour la prise en charge et la surveillance de la santé des ânes.