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Biomimétisme : l’innovation née de la nature ne fait pas recette en France

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Biomimétisme : l’innovation née de la nature ne fait pas recette en France

S’inspirer de la nature et du vivant, les hommes l’ont toujours fait. Il suffit de voir les avions en forme d’oiseaux, les aiguilles copiées des dards des insectes ou encore les palmes imitées des nageoires des poissons. Aujourd’hui, de nombreuses start-up s’appuient sur les attributs ou des propriétés issus des animaux ou des plantes pour inventer les technologies de demain. Pourtant, la recherche française tarde à s’imposer dans ce domaine.

 

Depuis les années 1990, la bio-inspiration connaît une véritable accélération sous l’impulsion de la scientifique américaine Janine Benyus. Elle séduit aujourd’hui des centaines de scientifiques et entrepreneurs qui cherchent l’inspiration dans le plus ancien laboratoire de R&D du monde : la nature.

 

S’inspirer de la nature pour innover

La nature reste le seul ingénieur capable de créer des cycles de production à l’infini, tout en puisant sa créativité dans les contraintes liées à l’environnement. Pour chaque problème rencontré, une multitude de solutions émergent et sont testées pour en sélectionner les meilleures. La nature offre ainsi plus 3,8 d’années d’expérience, d’innovations et d’essais pour aboutir à des stratégies censées être les mieux adaptées possible. C’est le principe même de l’évolution et de la loi du plus fort.

Le vivant évolue pour trouver des solutions adéquates à une large gamme de problématiques auxquelles il fait face quotidiennement, dans un environnement sous contrainte. La richesse de la biodiversité n’est qu’un miroir de toute la variété des savoir-faire à l’état naturel. Et les stratégies adoptées sont un gisement inépuisable d’idées et d’approches optimisées, aussi simples que sophistiquées, pour les scientifiques.

L’intérêt de la bio-inspiration réside dans le décryptage et la transposition de ces techniques et fonctions éprouvées par des millénaires d’évolution. Mais il ne s’agit pas juste de copier exactement la nature, plutôt d’en extrapoler une technologie valorisante en termes de faisabilité, de performance et de coût.

 

Aujourd’hui, de nombreuses start-up s’appuient sur les attributs ou des propriétés issus des animaux ou des plantes pour inventer les technologies de demain. Pourtant, la recherche française tarde à s’imposer dans ce domaine.

 

Tous les secteurs sont concernés

La polyvalence et la richesse des stratégies adaptatives font de la nature un levier d’innovation pour tous les secteurs d’activité. Que ce soit en aéronautique, en santé, dans la construction, l’énergie ou encore l’informatique et le luxe, le biomimétisme inspire partout. C’est une boîte à outils inépuisable.

Aujourd’hui, nous vivons quotidiennement avec des produits aboutis du biomimétisme. Les fleurs de bardane et leurs petits crochets ont donné naissance à la bande Velcro, par exemple. L’étude du crâne du martin-pêcheur a également permis d’optimiser le TGV japonais et son aérodynamisme. L’armée s’est également inspirée de la nature en confectionnant des torpilles à l’image des pinces des crevettes-mantes, capables de percer des coquilles avec une efficacité inouïe. Au-delà des objets, les insectes sociaux ont permis d’optimiser les algorithmes de logistique qui peuvent faciliter les mouvements de personnes, mais aussi les moyens de transport, tout en baissant leur coût et leurs émissions de gaz à effet de serre. Des yeux de mouche pour aider les aveugles à la combinaison Speedo inspirée du requin, des centaines de projets de ce type sont en cours de développement.

 

Aujourd’hui, de nombreuses start-up s’appuient sur les attributs ou des propriétés issus des animaux ou des plantes pour inventer les technologies de demain. Pourtant, la recherche française tarde à s’imposer dans ce domaine.

 

Le futur pour la recherche bio-inspirée

Cela fait donc de nombreuses années que les chercheurs s’inspirent de la nature pour créer, mais selon les spécialistes cela ne suffit plus. D’après eux, il faut maintenant rompre avec les modèles de création existants. Il ne s’agit plus juste d’optimiser l’innovation pour produire au meilleur rendement et au meilleur prix. Il faut y ajouter une nouvelle contrainte écologique. Mais là aussi, la réponse peut se trouver dans la nature.

Fabriquer un panneau solaire efficace nécessite de hautes températures et pressions, ainsi que des métaux rares pour sa fabrication. Mieux vaut s’inspirer de la feuille, qui est un merveilleux panneau énergétique solaire, certes avec un rendement plus faible mais dont l’impact écologique est neutre, explique Tarik Chekchak, secrétaire général du comité français de Biomimicry Europa, une association de promotion du biomimétisme. Plutôt que d’imaginer des technologies plus rentables, mais plus “sales”, il faut plutôt compter sur la démultiplication de solutions moins optimisées, mais plus écologiques. Mais pour cela, il faut prendre la voie des « innovations de rupture ».

 

 

Des engagements pas à la hauteur des possibilités

Mais ces “évidences” ont du mal à trouver des débouchés concrets. Le débat au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 9 septembre 2015, avait pourtant donné lieu à l’adoption à l’unanimité de recommandations, dont la nécessité pour la puissance publique d’investir à la hauteur des enjeux économiques. L’objectif était de « favoriser la coopération entre les différentes disciplines scientifiques, entre le public et le privé et entre la France et l’étranger ».

Les Allemands, en pointe sur la question depuis le début des années 2000, ont financé à hauteur de 8 millions d’euros, sur six ans, Biokon, un réseau qui rassemble des programmes sur le biomimétisme, avec une action conjuguée des ministres de la Recherche, de l’Écologie et de l’Économie. Par comparaison, les engagements de la France sont presque embarrassants. Les quelques dizaines de milliers d’euros promis au Ceebios, le Centre d’études et d’expertises en biomimétisme, par le ministère de l’Environnement semblent bien minces. Le centre de recherche fonctionne avec un budget de 160 000 €, alors qu’il lui faudrait près d’un demi-million, et plusieurs millions pour les cinq prochaines années.

Pourtant, ce n’est pas par manque d’intérêt, au contraire. Les entreprises commencent même à s’intéresser sérieusement à la question. « Elles n’ont pas le choix, cela fait partie de leur développement futur, assure Patricia Ricard, présidente de l’institut océanographique de recherches Paul Ricard. Sinon, comment expliquer que de grandes sociétés comme L’Oréal, Eiffage, Dassault, LVMH, Air Liquide, Renault, etc., investissent dans le Ceebios, alors qu’elles n’en ont pas besoin pour développer leurs propres programmes de recherche. C’est bien qu’il se passe quelque chose. »

La France est donc encore en période de transition sur le sujet. Le CNRS a inscrit le biomimétisme comme faisant partie de ses priorités stratégiques à l’horizon 2023, mais les quelque 140 équipes françaises travaillant sur des projets relevant du biomimétisme (matériaux, chimie, énergie, robotique) peinent encore à obtenir un soutien adéquat. Leur réseau et les appuis institutionnels sont encore trop faibles pour donner à leurs recherches l’ampleur qu’elles méritent. Le basculement ne devrait cependant pas tarder à se faire. L’appauvrissement des ressources, le changement climatique en cours et les nouvelles problématiques écologiques ne vont qu’accélérer le besoin en innovations sans impact environnemental qui s’inspirent de la nature. Les enjeux, pour des solutions 100 % naturelles, sont considérables.

 

Aujourd’hui, de nombreuses start-up s’appuient sur les attributs ou des propriétés issus des animaux ou des plantes pour inventer les technologies de demain. Pourtant, la recherche française tarde à s’imposer dans ce domaine.

2 Commentaires

  1. Bonjour, Je ne sais pas si l’article date en effet du 17 février 2021, mais sachez que le budget de fonctionnement annuel du Ceebios est aujourd’hui bien supérieur (>2 ME) à celui qui est affiché et qui date de quelques années… avec une forte accélération attendue en 2021. Le biomimétisme en France est donc sur la bonne voie.

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