Deux jours avant la Journée internationale de la diversité biologique, qui a eu lieu ce vendredi, la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a présenté devant le conseil des ministres ses mesures d’accompagnement du projet de loi sur la biodiversité. Parmi elles, un plan national de préservation des abeilles et des pollinisateurs sauvages, limité à une portion congrue du territoire, et une démarche d’extension du moratoire européen sur les pesticides néonicotinoïdes.
Le rôle des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes dans la disparition des abeilles est majeur, en France comme dans le monde, comme l’a confirmé l’European Academies’ Science Advisory Council (EASAC), constitué des académies des sciences des 28 États membres de l’Union. Son rapport*, publié en avril 2015, conclut aux sévères effets néfastes de ces pesticides sur la faune, l’eau et les sols. D’autres publications montrent en outre une neurotoxicité pour l’homme. Mais si Bruxelles est informée, le moratoire communautaire de 2013 sur les néonicotinoïdes reste timide, partiel, n’interdisant l’usage que de trois substances (chlothianidine, imidaclopride et thiamétoxam) et il arrive à échéance cette année. De plus, l’enrobage des semences des céréales d’hiver (blé, seigle, avoine) demeure autorisé, alors qu’elles sont semées à des périodes sensibles pour les pollinisateurs.
En France, l’Assemblée nationale a adopté, en mars, un amendement au projet de loi sur la biodiversité visant l’interdiction totale des néonicotinoïdes à partir du 1er janvier 2016, contre l’avis du gouvernement. Aujourd’hui, la ministre de l’Écologie semble vouloir suivre les députés sur cette voie. Elle engage la France dans une démarche plus volontariste, demandant à Bruxelles l’extension du moratoire européen à l’ensemble des pesticides néonicotinoïdes. Dans ce cadre, il est notamment prévu de confier à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) la définition des nouvelles interdictions d’usage nécessaires aux réévaluations scientifiques européennes, d’obtenir la confirmation de l’accélération du processus de réévaluation pour l’acétamipride et le thiaclopride, et de valoriser des projets territoriaux visant le développement de solutions alternatives.
En parallèle, le plan national d’actions « France, terre de pollinisateurs » apparaît moins ambitieux. Il vise néanmoins à mettre un terme à la disparition d’espèces chez les abeilles, les bourdons, les syrphes, les papillons, etc., des insectes qui représentent une valeur économique de 1,5 milliard d’euros par an pour l’Hexagone et de 14 milliards pour l’Europe. Mais les bonnes pratiques préconisées dans ce plan ne seront appliquées que sur 20 % du territoire national, via la signature de conventions avec l’Office national des forêts (ONF), l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), les parcs naturels, etc. Une sorte d’écologie à deux vitesses…
En complément, l’État appliquera sur les bordures des 12 000 km de routes non concédées le fauchage tardif et les jachères fleuries, avec l’objectif d’augmenter de 30 % la diversité des insectes pollinisateurs d’ici à trois ans. Enfin, 5 000 gîtes à insectes et ruchers municipaux pédagogiques seront installés.
Ce premier plan national d’actions est soumis à la consultation publique** pendant deux mois.
Presque 40 ans après la loi de 1976 sur la protection de la nature, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages par 325 voix contre 189. Le texte est désormais dans le camp du Sénat. Mais les sénateurs suivront-ils les députés ? Réponse début juillet.
* http://www.easac.eu/fileadmin/Reports/Easac_15_ES_web_complete_01.pdf
** http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/eau-et-biodiversite-r2.html
Le plan d’action américain pour sauver les abeilles
Aux États-Unis, selon l’étude annuelle menée par l’université du Maryland, les 6 128 apiculteurs américains qui ont répondu à l’enquête ont perdu en moyenne 42 % de leurs colonies d’abeilles (de 14 % à plus de 60 % selon les États) entre avril 2014 et avril 2015. Et pour la première fois en cinq ans, les mortalités estivales (27,4 %) ont dépassé les pertes hivernales (23,1 %). Un triste record pour cette année, qui enregistre les secondes pertes annuelles les plus élevées depuis 2006-2007.
Le plan d’action américain prévoit de limiter à 15 % au maximum la mortalité des colonies d’abeilles pendant l’hiver au cours de la prochaine décennie et de restaurer 2,8 millions d’hectares d’habitat d’ici à cinq ans. Il vise également à reconstituer les populations de papillons monarques, qui ont baissé de 90 %, voire davantage, sur les vingt dernières années.
Toutes les ressources sont mobilisées pour faire cesser l’hécatombe, du gouvernement fédéral au simple citoyen en passant par la recherche scientifique.