Dans son rapport* sur la Fondation assistance aux animaux (FAA), rendu public le 21 juillet 2016, la Cour des comptes épingle de nombreux dysfonctionnements : gestion budgétaire défaillante, communication partielle et inexacte, contrôles internes inexistants, conflits d’intérêts, etc., la liste est longue. Elle révèle surtout que près d’un tiers des dons et legs versés en réponse aux appels à la générosité publique ont servi à acquérir un patrimoine immobilier et financier conséquent plutôt qu’à agir en faveur des animaux. Et cela sans en aviser les donateurs, qui pensaient répondre à des besoins d’aide immédiats. Une omission qui pourrait coûter à la fondation son agrément fiscal.
La Cour des comptes a contrôlé l’emploi des fonds collectés par la Fondation assistance aux animaux auprès du public de 2011 à 2014. Sur cette période, les dons et les legs perçus ont avoisiné 13 millions d’euros par an, ce qui représente près de 90 % des recettes totales (14,6 millions en moyenne). À titre de comparaison, la Société protectrice des animaux (SPA) n’a engrangé que 32 millions de dons sur la même période. Avec des dépenses à hauteur de 10 millions, la FAA a constitué un joli magot par rapport à son budget : elle disposait ainsi de 52,8 millions de fonds propres et de réserves au 31 décembre 2014. Or tandis que ses appels à la générosité du public visaient des actions immédiates d’aide aux animaux, ses fonds et réserves ont augmenté de 45 % en quatre ans, sans que les donateurs soient avisés de la finalité réelle de leurs dons. La Cour constate donc un emploi des fonds collectés non conforme aux objectifs affichés par les appels aux dons. Cette procédure de non-conformité offre au ministère des Finances la possibilité de suspendre les avantages fiscaux liés aux dons, legs et versements perçus par la FAA.
La Fondation assistance aux animaux, née en 1976 de la fusion de trois associations de défense des animaux, a été reconnue d’utilité publique en 1989. Ses quelque 69 000 donateurs peuvent par conséquent déduire 66 % de la somme donnée de leur impôt sur le revenu. À l’heure actuelle, elle gère 18 refuges, dispensaires, maisons de retraite et centres d’accueil où sont recueillis des chats et des chiens, mais aussi des équidés, des moutons, des nouveaux animaux de compagnie, des oiseaux, etc. Une ferme pédagogique, dans le parc du château de Versailles, complète l’ensemble.
Mais la FAA mène une autre activité, beaucoup plus discrète, dont l’objectif n’apparaît pas explicitement dans ses campagnes de communication ni dans ses rapports d’activité : il s’agit d’assurer son autonomie financière via l’acquisition d’immeubles de rapport et l’accumulation de réserves. Fin 2014, elle possédait pas moins de 90 biens immobiliers dont les trois quarts, mis en location, ont rapporté plus de 780 000 €. Si ces acquisitions ne sont pas contraires aux statuts de la fondation, la Cour lui reproche d’y avoir englouti le quart des fonds collectés auprès du public, sans le mentionner dans sa stratégie (qui vise à vivre, à terme, uniquement du revenu de ce patrimoine) et d’avoir accumulé des réserves qui atteignent plus de cinq fois les dépenses courantes. Un niveau, selon le rapport, bien éloigné des besoins réels de la FAA puisque, de 2011 à 2014, les établissements gérés n’ont pas connu de développement significatif ni bénéficié d’un plan d’investissements.
En outre, la Cour a relevé de multiples défaillances dans la gouvernance, l’organisation et la gestion de la fondation : l’information du conseil d’administration est lacunaire, les quatre ministères qui y sont représentés (Intérieur, Agriculture, Finances et Environnement) n’ont permis ni l’approbation d’une stratégie claire et transparente ni la mise en place de normes de gestion, des situations de conflits d’intérêts ont été constatées, des dispositions du règlement intérieur ne sont pas appliquées, le suivi d’activité est approximatif, le pilotage budgétaire est déficient, les procédures sont obsolètes et contournées, et le contrôle interne inexistant. Des dépenses sans lien avec l’objet social ou sans justificatifs ont été effectuées, en particulier des frais de déplacement de la présidente, Arlette-Laure Alessandri.
Au final, la Cour des comptes formule sept recommandations :
- définir une stratégie pluriannuelle précisant les projets de développement, l’utilisation des réserves et la politique immobilière ;
- mettre en place un contrôle interne ;
- mettre un terme aux situations de conflits d’intérêts au sein du conseil d’administration ;
- fiabiliser la comptabilité, notamment la tenue des comptes de bilan et de la dotation et enregistrer les legs en produits d’exploitation ;
- mettre le compte d’emploi des ressources et son annexe en conformité avec le règlement du 7 mai 2008 ;
- diffuser aux donateurs et au public une information exhaustive qui passe en particulier par la mise en ligne du compte d’emploi des ressources (CER) et son annexe, sur le site internet de la fondation ;
- mettre en conformité les actions conduites avec les missions sociales définies par le conseil d’administration.
Toutefois, tout n’est pas négatif dans le rapport de la Cour des comptes, qui constate que les établissements de la FAA sont propres, même si l’entretien est jugé minimal, les animaux y sont bien traités, les enclos sont adaptés à leur taille, la nourriture est saine et équilibrée. Quant au personnel, il est qualifié, en nombre suffisant, motivé et attentif au bien-être animal. Les dons et les legs récoltés font par ailleurs l’objet d’une gestion rigoureuse, et aucun détournement de fonds n’a été relevé.
Dans sa réponse**, la fondation souligne de son côté avoir privilégié, en bon gestionnaire, les meilleurs placements. Selon son avocat, « la volonté des donateurs a toujours été respectée dans la mesure où la finalité de toutes les décisions est de financer des actions au seul bénéfice de la cause animale ». Le communiqué précise que, grâce aux réserves constituées, de nouveaux dispensaires ouvriront prochainement, et que son objectif à moyen terme est de soigner en tous lieux les animaux des propriétaires démunis de ressources. La fondation affirme avoir déjà mis en œuvre certaines des recommandations de la Cour des comptes, les autres devant suivre sur les prochains exercices.
* https://www.vetitude.fr/wp-content/uploads/2016/07/20160721-rapport-Fondation-assistance-animaux.pdf
La Fondation Assistance aux Animaux a souhaité répondre aux différents articles de presse parus depuis la publication de ce rapport de la Cour des Comptes :
Droit de réponse
« La Fondation Assistance aux Animaux, ci-après FAA, a pris connaissance avec attention du rapport établi par la Cour des Comptes dans le cadre du contrôle de ses comptes.
Soucieuse de la transparence qu’elle doit à ses donateurs et d’une gestion optimale, la FAA a pris note de ses recommandations, ayant déjà entrepris diverses améliorations.
Certaines observations de la Cour relatives à la non-conformité sont cependant, disproportionnées et sources de confusion.
La déclaration de non-conformité prononcée par la Cour n’entraîne pas la perte de reconnaissance d’utilité publique de la Fondation, ni sa capacité à recevoir des dons, legs et à émettre des reçus fiscaux.
Surtout, le bien-être des animaux constitue l’objectif constant de la FAA: toute sa stratégie financière à laquelle participent les membres de Ministères, notamment l’acquisition d’immeubles ou la constitution de réserves, vise exclusivement à garantir la pérennité de ses actions au bénéfice de la cause animale.
Les très rares biens immobiliers loués à des proches l’ont été au prix du marché et n’ont jamais desservi la FAA, la Cour ayant justement souligné l’absence de tout détournement de fonds, relevant même une gestion rigoureuse des dons.
Les frais de déplacement dénoncés par la Cour sont tous intervenus dans le cadre des activités de la Fondation.
La pérennité de la FAA est loin d’être mise en péril, les améliorations prévues ne pourront que la conforter, la FAA se félicitant surtout que la Cour ait reconnu la qualité de l’accueil et des soins prodigués aux animaux et la compétence de son personnel, qui constituent le cœur même de son métier et de sa vocation.»