Pour la quatrième fois depuis 2006, le comité d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que la kétamine injectable ne soit pas placée sous contrôle international. À l’appui de cette préconisation, le comité invoque de nouveau le fait que le classement de ce médicament comme stupéfiant pourrait en limiter l’accès, tant en médecine humaine que vétérinaire. C’est en effet le seul anesthésique et antidouleur disponible et largement utilisé pour traiter petits et grands animaux dans le monde entier. Sa mise sous contrôle compromettrait également la capacité de certains pays en développement à accéder à une anesthésie et une analgésie efficaces.
La 58e session de la Commission on Narcotic Drugs (CND) des Nations unies devait décider, en mars 2015, de classer ou non la kétamine au tableau I de la Convention sur les substances psychotropes de 1971. Finalement, la décision de placer cet anesthésique sous contrôle international, comme la Chine le demandait, a été reportée à mars 2016 afin de permettre à la CND de recueillir davantage de données et d’avis sur le sujet.
Selon l’OMS, le risque pour la santé publique induit par l’usage illicite et détourné de la kétamine au niveau mondial ne constitue pas une menace susceptible de justifier son inscription à un tableau, en regard de ses indéniables bénéfices médicaux. Ainsi, ses bienfaits l’emportent de loin sur le préjudice pouvant résulter de son utilisation récréative. Reste à savoir si la quatrième prise de position de son comité d’experts contre le classement de la kétamine parmi les substances psychotropes sera entendue et si la CND ne passera pas outre ses conclusions, au printemps prochain.
La nouvelle recommandation de l’OMS va dans le sens des préconisations et de la position de nombreuses organisations* de vétérinaires et de médecins dans le monde entier, qui se sont mobilisées pour défendre l’usage médical de la kétamine injectable. Ce médicament, souvent le seul agent anesthésique disponible dans la plupart des pays en développement, est également utilisé pour la gestion de la douleur. Depuis 1985, la kétamine est inscrite sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS et, récemment, son utilisation « pour la sédation des enfants et des adultes » a été décrite.
Or le placement de substances sous contrôle international a souvent pour conséquence de réduire leur disponibilité à des fins médicales. La morphine en est un bon exemple : même si ce médicament est peu coûteux et l’un des antalgiques de choix pour la gestion de la douleur, son accès et son utilisation sont limités dans la plupart des pays en raison d’une réglementation excessive.
Le comité d’experts de l’OMS a également évalué les effets de dépendance de neuf substances psychoactives** et recommandé le placement de sept d’entre elles sous le contrôle international, en raison des risques induits pour la santé publique mondiale. Ces médicaments ont récemment fait leur apparition sur le marché comme drogues récréatives et leur usage n’est souvent pas encore encadré par des lois nationales ou des conventions internationales. Le comité a en outre reçu une mise à jour sur la pharmacologie, la toxicologie et les applications thérapeutiques revendiquées pour le cannabis et la résine de cannabis. Une collecte de données précédera l’avis de l’OMS sur ces substances, afin d’identifier leurs bénéfices par rapport à d’autres agents thérapeutiques.
* Notamment la World Veterinary Association (WVA), la Federation of Veterinarians of Europe (FVE), la World Small Animal Veterinary Association (Wsava), l’American Veterinary Medical Association (Avma), la World Medical Association (WMA), etc.
** Acetyl-fentanyl, MT-45, para-méthoxymethylamphétamine (PMMA), α-pyrrolidinovalerophenone (α-PVP), para-methyl-4-methylaminorex (4,4’-DMAR), méthoxétamine (MXE) et phénazepam.