L’étude des données pangénomiques des chevaux anciens et modernes a permis de mieux cerner le processus de domestication des équidés. Au cours de cette évolution, plusieurs espèces et races sont apparues. Ces travaux de recherche, financés par l’Union européenne, ont permis de révéler les modifications du génome équin au cours de la longue conquête menée par l’homme. L’objectif était de découvrir l’origine du genre Equus, il y a quatre millions d’années, mais surtout de comprendre comment l’espèce équine s’est transformée pour passer du cheval représenté par l’art rupestre à l’auxiliaire agraire, militaire et enfin sportif.
Le projet Horsedomestication (understanding horse speciation and domestication through comparative palaeogenomics) s’est appuyé sur les techniques de caractérisation de longues séquences de génomes anciens issus d’os fossilisés. La découverte de nouvelles caractéristiques biochimiques de l’ADN ancien a permis d’améliorer le séquençage. Les scientifiques ont également eu recours à des outils bio-informatiques pour mieux authentifier les données recueillies.
L’étude comparative est partie d’un cheval datant de 700 000 ans environ, qui vivait au début du Pléistocène moyen. L’équipe a ajouté à son échantillon les génomes d’un cheval de Taïmyr d’environ 43 000 ans (Pléistocène tardif) découvert dans le permafrost sibérien, d’un cheval de Przewalski, de cinq races de chevaux domestiqués, ainsi que d’un âne domestique. Ce travail a permis de remonter à l’origine du genre Equus, il y a quatre millions d’années. Les populations ont subi de grandes variations démographiques, souvent liées à des changements climatiques majeurs.
Dans un second temps, le projet s’est attaché au séquençage des génomes entiers de chaque membre de la famille équine. L’ADN de spécimens de musée a été utilisé pour séquencer le Quagga, une race éteinte depuis le XIXe siècle, de même que celui de deux chevaux non domestiqués à l’époque du Paléolithique supérieur. Grâce à toutes ces données génomiques récoltées puis comparées, l’histoire de l’évolution du cheval et de sa domestication a pu être retracée. En outre, celles relatives au cheval de Przewalski serviront à mieux adapter les programmes de sauvegarde de la dernière race de chevaux sauvages du monde.
125 gènes qui ont fait la différence
Une grande partie du génome provient d’un groupe de chevaux inconnus jusqu’à maintenant. Les séquençages ont notamment permis de mieux comprendre sur quelle base génétique l’espèce équine s’est adaptée à son nouvel environnement domestique. L’équipe de recherche a ainsi pu identifier quelque 125 gènes impliqués dans ce processus de domestication par une sélection positive, principalement liés au déplacement, à la physiologie, au développement, au comportement et aux capacités cognitives.
Les variations ont été considérables durant un temps plutôt court à l’échelle de l’histoire : ont d’abord été sélectionnés des chevaux robustes, endurants pour tracter chars et charrues (caractéristiques spécifiques musculaires, squelettiques, physiologiques). Un groupe de gènes est ainsi impliqué dans le développement des muscles, des membres, des jonctions articulaires et du système cardiaque, et peut représenter des adaptations physiologiques à l’utilisation humaine. Il en est de même des gènes actifs du cerveau : le comportement social, l’apprentissage, la réponse à la peur, la maniabilité et la sociabilité des chevaux actuels sont le résultat de sélections fondées sur la génétique. Les généticiens ont également révélé l’absence de gènes liés à la vitesse chez les ancêtres du cheval moderne.
La consanguinité, “coût” de la domestication
La domestication du cheval est clairement associée à la consanguinité et à un excès de mutations délétères. Cette charge génétique est en ligne avec le “coût de la domestication”, un consensus bien connu chez d’autres espèces tant animales (comme le chien) que végétales (sélection du riz ou de la tomate). De même, il est généralement convenu que cette pression de sélection qui accompagne la domestication passe par des goulets d’étranglements démographiques et par une politique d’épuration.
Reste que cette étude ne se veut pas exhaustive et se concentre sur des zones géographiques particulières, principalement l’Eurasie occidentale. D’autres études pourront être menées dans les prochaines années au gré des découvertes archéologiques sur d’autres continents, voire plus vers l’est encore, dans des contrées où la domestication du cheval n’a pas forcément été aussi “occidentalisée”.