Après qu’une étude ait révélé la sensibilité accrue de certains animaux marins notamment les baleines ou phoques à SARS-CoV-2, les chercheurs s’inquiètent d’une contamination croisée par les eaux usées et les égouts. La transmission du virus au milieu marin pourrait avoir de lourdes conséquences pour des animaux qui sont déjà pour la plupart menacés.
Au moins 15 espèces de mammifère marin seraient susceptibles au SARS-CoV-2. C’est la conclusion d’une nouvelle étude de cartographie génomique qui s’est penchée sur la question. En examinant les acides aminés clés du récepteur ACE2 auquel le virus se lie et pénètre les cellules chez chaque espèce, les chercheurs ont constaté qu’il y avait des similitudes frappantes entre ceux des humains et de plusieurs mammifères marins, y compris les dauphins, les bélugas, les phoques et les loutres de mer.
L’équipe prédit ainsi que la majorité des espèces de Cetacea (baleines, dauphins et marsouins) – 18 sur 21 – ont une sensibilité au virus égale ou supérieure à celle des humains, tandis que huit espèces de Pinnepedia (phoques) sur neuf devraient également être très sensibles au SRAS-CoV-2. Les espèces marines sociales sont particulièrement à risque du fait de la proximité des individus.
Les résultats sont alarmants. Et pas seulement parce que plus de la moitié des espèces jugées vulnérables au SRAS-CoV-2 sont déjà en péril d’extinction dans le monde.
En effet, SARS-CoV-2 peut être excrété dans les matières fécales et survivre jusqu’à 25 jours dans l’eau. Les eaux usées pourraient donc être un mode de propagation pour ce coronavirus. En Espagne, en Italie et en France, les eaux usées non traitées regorgent d’ailleurs du virus et peuvent être utilisées en sentinelle pour prédire les vagues de contaminations.
En soi, la présence du virus dans les égouts ne pose pas de problèmes, sauf si les eaux usées contaminées rentrent en contact avec les eaux naturelles. Et cela arrive notamment dans certains pays en développement, où il existe déjà une disparité en matière de santé publique et d’infrastructures de traitement des eaux usées nécessaires pour gérer la crise du COVID-19. Ainsi, en juin 2020, le SRAS-CoV-2 a été détecté dans les eaux du fleuve en Équateur, où des eaux usées non traitées sont acheminées directement dans les eaux naturelles.
De nombreuses juridictions ont au moins un traitement primaire des déchets aquatiques, mais les systèmes d’égouts peuvent déborder, et avec eux leurs contenants biologiques et chimiques. Et même les eaux usées traitées par des moyens primaires ne sont pas sans risque puisque des ARNs du SRAS-CoV-2 y ont été détectés. Pouvant être rejetées d’étangs de décantation, elles présentent un risque supplémentaire, notamment en Alaska, où les bélugas pourraient être infectés par des eaux d’égout s’écoulant dans les cours d’eau locaux.
Cette étude met donc en lumière des préoccupations environnementales et infectieuses potentiellement importante concernant les eaux usées non traitées.
Pour le moment aucun cas de SRAS-CoV-2 n’a été documenté chez les mammifères marins, mais ce ne serait pas une première. Les dauphins et les bélugas ont déjà été infectés par des coronavirus apparentés par le passé qui ont provoqué autant des pathologies bénignes que des lésions hépatiques et pulmonaires potentiellement mortelles.
Les auteurs insistent sur l’importance de surveiller les animaux sensibles grâce à des technologies innovantes telles que le SnotBot, qui permet d’échantillonner le mucus des évents de baleine par drone, mais proposent aussi des campagnes de vaccination. En parallèle, les systèmes de traitement des eaux usées devraient être évalués pour assurer qu’ils puissent endiguer la transmission du virus dans les systèmes d’eau naturels, pour cette menace, mais également la suivante. Il faut agir en prévoyance pour protéger les espèces de mammifères marins à risque et protéger pendant et après la pandémie.