L’élevage d’animaux pour la consommation humaine produit une quantité importante de gaz à effet de serre et contribue en grande partie au réchauffement climatique. En prenant en compte le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), une nouvelle étude montre cependant que l’intensité des émissions produites par la filière diminue à l’échelle mondiale depuis deux décennies grâce à une production plus efficace. Si opter pour le végétarisme permet de réduire son empreinte carbone, atténuer l’impact des productions animales serait une stratégie bien plus efficace pour réduire les émissions anthropiques de méthane à l’échelle planétaire.
L’élevage, qui répond à la demande mondiale de viande, d’œufs et de produits laitiers, a un coût non négligeable pour l’environnement. Ce secteur est même la plus grande source d’émissions anthropiques de méthane dans le monde. Et la demande croissante en produits d’origine animale, en particulier en provenance de pays en développement, ne fera que démultiplier son impact sur le climat. En effet, le méthane est le gaz à effet de serre d’origine humaine le plus abondant après le dioxyde de carbone (CO2) et est à l’origine d’un réchauffement du climat 28 fois plus important par kilogramme que celui du CO2 sur une période de 100 ans.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les émissions de méthane provenant de l’élevage du bétail ont augmenté de plus de 50 % entre 1961 et 2018, et devraient continuer de croître avec la demande de produits d’origine animale. À l’aide de la méthodologie et des facteurs d’émission issus des lignes directrices du Giec, une équipe internationale de chercheurs, dirigée par Jinfeng Chang, a entrepris de réévaluer les émissions mondiales de méthane produites par les animaux de rente au cours des deux dernières décennies et d’établir des projections pour 2050. Leur étude, qui vient d’être publiée dans AGU Advances, est la première à appliquer les directives révisées du Giec à l’échelle mondiale et à évaluer les différences qui en résultent.
L’étude a notamment estimé l’intensité des émissions de méthane provenant de l’élevage dans le monde, c’est-à-dire la quantité de méthane libérée pour chaque kilogramme de protéines animales produites. Ainsi, les auteurs ont découvert qu’au cours des deux dernières décennies, l’intensité des émissions du secteur a en fait diminué entre 2000 et 2018.
Les progrès et les efforts réalisés par la filière animale ont permis de produire de la viande, des œufs et du lait avec une empreinte de méthane de plus en plus réduite
Une analyse régionale a cependant fourni une image plus nuancée, montrant que même si les émissions peuvent diminuer dans l’ensemble, des différences régionales subsistent. Certains pays qui n’ont pas accès à des technologies avancées continuent de produire des gaz en quantité.
Les variations en intensité des émissions peuvent notamment s’expliquer par des différences de productivité, qui proviennent des différences de ration distribuée et/ou d’intensité de pâturage ou même de climat. Une alimentation moins nutritive ou digestible (par exemple, faible en protéines et riche en fibres) avec un accès au pâturage plus important (pour les ruminants en particulier) et un climat plus chaud vont conduire à des émissions plus élevées. Pour les porcs et les volailles, la gestion du fumier représente la majorité des émissions de méthane.
Selon les chercheurs, baisser les émissions de méthane dans le secteur de l’élevage est un objectif prioritaire pour espérer atténuer les émissions de gaz à effet de serre dans le monde, en particulier dans un certain nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Travailler sur l’origine des émissions et optimiser les systèmes de production dans l’optique de réduire l’intensité des émissions par unité de protéines produites serait même plus efficace que de réduire la consommation en produits de l’élevage. D’après les projections pour 2050, les régimes alimentaires durables (équilibrés, sains et respectueux de l’environnement) devraient entraîner 190 à 206 téragrammes (Tg) en moins d’émissions de méthane, soit une atténuation de 3 à 4 % des émissions cumulées de 2012 à 2050. En revanche, une amélioration des pratiques d’élevage entraînerait 821 à 1 077 Tg d’émissions de méthane en moins, soit une réduction de 15 à 16 % des émissions totales. Travailler sur des systèmes de production plus propres en méthane aurait donc un potentiel d’atténuation quatre fois plus important que de faire reculer la demande en viande.
Les efforts visant à réduire l’intensité des émissions de méthane issues du bétail devraient donc être prioritaires, en particulier dans les pays en développement tels que la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud, qui affichent le potentiel d’atténuation le plus élevé. Le changement des pratiques d’élevage et le gain en productivité passent par des solutions durables, comme une augmentation de la part des céréales et/ou des fourrages de meilleure qualité dans l’alimentation des animaux et l’optimisation de la gestion des pâturages. Selon les auteurs, l’amélioration de l’efficacité des productions animales doit toujours être conforme aux conditions naturelles de la région d’élevage. La stratégie optimale doit également prendre en compte d’autres objectifs de durabilité pertinents tels que la biodiversité, la pollution de l’eau par le ruissellement des lisiers et les implications potentielles pour l’environnement et la résilience au changement climatique.