Dinde rouge, brebis raïole et canard de Duclair étaient à l’honneur de la 4e édition du Prix national pour l’agro-biodiversité, organisé par la Fondation du patrimoine et Ceva Santé animale dans le cadre du dernier Salon de l’agriculture. Doté au total de 20 000 €, il récompense depuis quatre ans les éleveurs et les filières qui participent à la conservation et à la valorisation économique des races locales françaises menacées de disparition. Cette année encore, le jury a primé trois éleveurs, sur la base de trois critères : la dimension économique de leur projet, son impact social et environnemental sur un territoire, et les actions de sensibilisation et de communication menées autour de la race à préserver.
Les races d’animaux d’élevage font partie intégrante de notre patrimoine vivant. Grâce aux efforts d’éleveurs engagés, la plupart des races locales françaises de bovins, d’équidés, d’ovins, de porcs, de volailles, et même de chiens de travail, sont aujourd’hui sur la voie du renouveau, même si leur avenir repose sur le travail d’une poignée de passionnés. À l’échelle mondiale, environ 17 % des races d’animaux d’élevage (soit 1 458) sont actuellement menacées d’extinction et une centaine ont d’ores et déjà disparu entre 2000 et 2014, selon le dernier rapport de la Food and Agriculture Organization (FAO)*. Les données fournies par 129 pays montrent que la principale cause de l’érosion génétique est le croisement malvenu. Parmi les autres menaces pour la diversité zoogénétique figurent l’utilisation croissante de races non autochtones, la faiblesse des politiques et des réglementations sur l’élevage, le déclin des systèmes de production animale traditionnels, et l’abandon de races jugées trop peu compétitives.
Or la diversité génétique est l’une des clés de la réussite pour l’élevage de demain, qui doit notamment s’adapter au changement climatique, aux maladies émergentes, mais doit également se préparer à alimenter plus de 9 milliards de personnes à l’horizon 2050. Maintenir plusieurs types de production devient alors essentiel, avec d’un côté des modèles productivistes pour nourrir la planète, et de l’autre des modèles traditionnels pour défendre la diversité et l’identité des territoires et valoriser des produits différenciés.
Dans ce contexte, et depuis sa création en 2012, le prix pour l’agro-biodiversité ambitionne de soutenir des systèmes de production durables et de sauvegarder la biodiversité agricole, en récompensant les éleveurs qui s’engagent dans la préservation des races à faibles effectifs et représentatives d’un patrimoine génétique. Il apporte une reconnaissance et une aide financière à des projets qui affichent une réelle vocation économique, notamment via des circuits courts et le tourisme, et répondent au besoin actuel d’enracinement et de consommation locale.
Ainsi, pour la quatrième édition, trois élevages qui œuvrent pour la conservation de races françaises ont été récompensés : l’Association des producteurs de dinde rouge des Ardennes (1er prix), l’éleveur de brebis raïole en Aveyron Adrian Rigal (2e prix), le Parc naturel régional des boucles de la Seine normande pour son projet de sauvegarde du canard de Duclair (3e prix).
* Deuxième rapport sur l’état des ressources zoogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde, 27 janvier 2016, http://www.fao.org/documents/card/en/c/bfe7fc97-d562-4029-8505-0a63b37ef38d/
Les lauréats de l’édition 2015-2016
> 1er prix pour l’Association des producteurs de dinde rouge des Ardennes, doté de 10 000 €
Cette race locale ancienne est connue depuis le XVIe siècle. Proche de l’extinction, la dinde rouge des Ardennes a été sauvée in extremis et relancée à partir de 1985. Aujourd’hui, avec une production de 10 000 dindes et dindons par an, ses effectifs sont en augmentation régulière. L’association, qui regroupe une dizaine d’éleveurs, ambitionne d’investir dans le développement des outils d’abattage, de découpe et de transformation afin d’élargir sa clientèle.
> 2e prix pour Adrian Rigal, éleveur de brebis raïole (Aveyron), doté de 6 000 €
Cette race, adaptée au terroir cévenol, a failli disparaître dans les années 60 en raison de croisements anarchiques. Aujourd’hui, avec moins de 2 000 têtes, elle reste menacée. Le jeune éleveur Adrian Rigal entend accroître son cheptel, composé de 240 brebis, et développer la vente directe des agneaux grâce à son atelier de découpe.
> 3e prix pour le projet de sauvegarde du canard de Duclair du Parc naturel régional des boucles de la Seine normande (Seine-Maritime), doté de 4 000 €
À la suite de la disparition du dernier élevage professionnel de canards de Duclair, le parc a créé un conservatoire en 2014, afin de sauver cette race en danger d’extinction. L’objectif actuel est de créer une filière locale et de valoriser ce canard aux qualités gustatives reconnues. La sécurisation de la production d’œufs permet l’approvisionnement de la filière.
Les lauréats des éditions précédentes
2014-2015
– 1er prix Gilles Delas, éleveur de vaches béarnaises à Herrère (Aquitaine) 10 000 €
– 2e prix Association nationale de sauvegarde du porc gascon (Aquitaine) 6 000 €
– 3e prix Conservatoire des races d’Aquitaine (4 000 €)
2013-2014
– 1er prix Matthieu Pires, éleveur de moutons avranchins (Bretagne) 10 000 €
– 2e prix Association de sauvegarde et de promotion de la chèvre des Fossés (Bretagne) 6 000 €
– 3e prix Association de sauvegarde des éleveurs de brebis brigasques (Paca) 4 000 €
2012-2013
– 1er prix Le Club français de la poule noire du Berry (Centre) 6 000 €
– 2e prix Théophane Rochette, éleveur de vaches maraichines (Poitou-Charentes) 3 000 €
– 3e prix Association de sauvegarde du chien berger de Crau (Paca) 1 000 €