Une proposition de loi*, déposée le 20 juillet par 74 députés dont les Dr Vet. Geneviève Gaillard et Jacques Lamblin, vise à prévenir et réduire le plus possible la souffrance des animaux d’élevage lors des procédures d’abattage. Les principales préconisations vont dans le bon sens : il s’agit de rendre obligatoire la vidéosurveillance en abattoir, d’imposer l’étourdissement avant la saignée et jusqu’à la mort de l’animal, et de renforcer les compétences des opérateurs pour mieux lutter contre toute souffrance animale évitable. En parallèle, la commission d’enquête parlementaire, qui a terminé ses auditions début juillet, devrait rendre sa copie en septembre prochain.
Chaque année, 38 millions d’animaux de boucherie sont abattus en France, ainsi que plus de 900 millions de volailles. Or vis-à-vis de tous ces animaux abattus pour ses besoins alimentaires, la société française entend désormais que leur mise à mort soit la plus digne possible. Ainsi, au-delà des scandales et des images choquantes, les attentes et les revendications sociétales sont de plus en plus fortes en matière de respect du bien-être animal dans les abattoirs, qui ne doivent plus être des lieux de maltraitance et de souffrance. Ce respect, tant au niveau de l’élevage que de l’abattage, est un critère qui intervient même dans les choix de consommation, comme la qualité et la traçabilité des produits.
D’autant qu’aujourd’hui, les avis scientifiques sont unanimes : au moment de l’abattage, les animaux ressentent douleur, détresse et peur, et sont nombreux à être capables d’anticipation. La jugulation et la saignée, notamment, constituent des atteintes à l’intégrité des tissus du cou et des stimuli nociceptifs majeurs : le ressenti de la douleur dépend alors du niveau de vigilance des animaux. Il faut donc les priver au préalable de conscience et ainsi de sensibilité, afin qu’ils ne se réveillent pas avant l’exsanguination.
La profession vétérinaire, qui veille notamment à la bientraitance des animaux de rente, a apporté son expertise scientifique et technique sur ces questions, comme le soulignent les députés à l’origine du texte. De leur côté, les éleveurs accompagnent l’évolution sociétale, jusqu’à, pour certains, souhaiter un retour à l’abattage à la ferme. Malheureusement, la proposition de loi n’envisage pas cette perspective, rejetée d’emblée pour des raisons sanitaires. Cette option permettrait pourtant d’éviter le stress lié au transport et au temps d’attente à l’abattoir.
En termes de bien-être animal, l’évolution de la législation confirme déjà les changements sociétaux intervenus, en prenant en compte plusieurs avis sur la sensibilité animale. Mais en France, constatent les députés, les conditions d’abattage des animaux restent très insatisfaisantes. La maltraitance au sein des abattoirs, dénoncée par les associations de protection animale, serait la conséquence d’une mauvaise application des textes en vigueur, mais aussi d’une insuffisance du dispositif réglementaire actuel. Et il est urgent d’agir, « pour empêcher l’apparition, à l’aune des scandales, d’un amalgame entre consommation de viande et cruauté envers les animaux, voire entre élevage d’animaux et maltraitance inacceptable. L’avenir de l’élevage français et de la filière viande en dépendent ». Renforcer la protection des animaux dans le cadre de tout abattage constitue donc une priorité.
Pour concilier tous les intérêts en présence (ceux de l’animal, de l’éleveur, du consommateur, des cultes, de l’industrie de la viande), des solutions existent et peuvent être mises en œuvre. Dans ce cadre, l’exemple à suivre, pour les députés, est celui de la Malaisie, qui pratique l’étourdissement par électronarcose et utilise un pistolet mécanique non perforant. Ils proposent d’imposer, lors de tout abattage, un étourdissement préalable à la saignée, réversible ou non. Mais aussi de renforcer les contrôles, en particulier au poste d’abattage, en imposant des procédés de vidéosurveillance. Ils préconisent enfin d’imposer une formation professionnelle à tous les opérateurs en charge de l’abattage, qui devront être soumis à un suivi et une mise à jour réguliers de leurs connaissances.
Au final, l’objectif poursuivi est clairement défini dans l’article 1 de la proposition de loi : « Tout animal abattu dans un établissement d’abattage doit être rendu inconscient préalablement à la saignée ; cette perte de conscience doit être maintenue jusqu’à la mort de l’animal. » Espérons que ce texte sera mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dès la rentrée prochaine, en parallèle de la sortie du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’abattage (voir plus bas).
* Proposition de loi visant à éviter toute souffrance aux animaux lors de leur abattage, enregistrée à l’Assemblée nationale le 20 juillet 2016, http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion3983.pdf
Trois mois d’enquête parlementaire
L’Assemblée nationale a créé, le 22 mars 2016, une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Ses auditions ont duré trois mois et devraient donner lieu à un rapport mi-septembre.
Du 6 avril au 6 juillet 2016, les 30 membres de la commission d’enquête se sont réunis 39 fois et ont auditionné une centaine de personnes afin d’entendre l’ensemble des acteurs impliqués dans l’abattage des animaux :
– audition d’associations de bien-être animal (L214 et OABA) ;
– auditions des directeurs des abattoirs mis en cause (Pays de Soule, Vigan et Alès), de salariés d’abattoir ;
– auditions du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, de représentants de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) ;
– auditions du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires et de syndicats de la profession (SNVEL, SNISPV, FSVF) ;
– audition de représentants de la Commission européenne ;
– auditions d’universitaires spécialistes de l’abattage rituel et du chef du Bureau central des cultes ;
– table ronde des syndicats d’abattoirs (FNEAP, FNICGV) et des syndicats d’employés du secteur agro-alimentaire ;
– table ronde des représentants d’associations de protection animale ;
– auditions de l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), de l’interprofession nationale porcine (Inaporc)
– table ronde de la filière avicole (FIA, Itavi, Cnadev), des syndicats agricoles (FNSEA, CRUN, Confédération paysanne, Modef) ;
– table ronde de chercheurs et d’instituts techniques (Inra, Anses, Ifip, Institut de l’élevage), audition de chercheurs de l’Inra et du CNRS ;
– auditions du groupe Bigard, de la Fédération française des charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (Fict), de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT) ;
– audition d’associations de consommateurs ;
– auditions de réalisateurs de documentaires et d’auteurs de livres sur les abattoirs ;
– audition autour de l’abattage à la ferme ;
– table ronde sur la vidéo-surveillance dans les abattoirs.
La commission s’est également déplacée de façon inopinée dans quatre abattoirs (à Feignies, Autun, Ancenis et Meaux) afin de constater les conditions de fonctionnement et d’abattage des animaux sur place.