Au Royaume-Uni, une pétition* a été lancée contre le recours à l’homéopathie pour soigner les animaux de compagnie atteints de cancer ou de maladies qui requièrent un traitement médical ou chirurgical. Elle a d’ores et déjà recueilli le soutien de quelque 3 300 signataires. Un millier de chirurgiens vétérinaires britanniques l’ont signée, ainsi que des centaines de nurses et d’étudiants. Mise en ligne par Danny Chambers, praticien équin à Tavistock, la pétition est adressée au Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS), équivalent de l’Ordre, pour l’inviter à interdire aux vétérinaires la prescription de traitements homéopathiques, inadéquats notamment dans le cadre d’affections potentiellement graves.
Environ 50 des 22 000 vétérinaires au Royaume-Uni sont autorisés par le RCVS à pratiquer l’homéopathie chez l’animal. Or selon Danny Chambers, cette médecine alternative n’a pas fait la preuve de son efficacité, repose sur des allégations trompeuses, voire est dangereuse. Si la médecine conventionnelle ne peut pas tout soigner, il reproche à l’homéopathie de donner de faux espoirs aux propriétaires d’animaux et nie toute efficacité en l’absence de résultats fondés sur des preuves. Au mieux, son action ne va pas au-delà de l’effet placebo, qui en outre est discutable s’agissant d’animaux. Au pire, des soins inadéquats peuvent induire des souffrances inutiles, aggraver l’état de santé et le pronostic, voire dans certains cas ne plus laisser d’autre option que l’euthanasie. Pour ce vétérinaire, le plus grand danger de l’homéopathie n’est pas tant son absence d’effet thérapeutique que la conviction, partagée par certains homéopathes britanniques, que cette thérapie peut se substituer à un véritable traitement médical ou chirurgical. C’est également l’avis de la British Veterinary Association (BVA) qui ne peut approuver le recours à ces traitements sans fondement scientifique ni efficacité prouvée en raison de leurs conséquences potentiellement graves pour la santé et le bien-être des animaux.
De son côté, la British Association of Homeopathic Veterinary Surgeons prétend que l’homéopathie peut même être utilisée pour traiter les cancers chez le chien ou l’hyperthyroïdie chez le chat et rejette les arguments mis en avant dans la pétition comme de la désinformation. Pour l’association, il s’agit d’une énième tentative de supprimer une part vitale de la médecine vétérinaire qui offre un soulagement aux animaux lorsque les autres thérapies ont montré leurs limites. Même insuffisante, voire réduite à l’effet placebo, son action n’est pas nulle et, surtout, pourquoi s’en priver ?, s’interrogent certains partisans de cette pratique. Même le prince Charles, dans sa ferme biologique, dit avoir recours avec succès à l’homéopathie, en complément de la médecine conventionnelle, pour traiter ses bovins et ses ovins, estimant en outre qu’elle fait partie de la solution pour réduire la surconsommation d’antibiotiques.
Pour Danny Chambers, il est du devoir du RCVS de promouvoir les règles éthiques et cliniques qui régissent la profession vétérinaire au Royaume-Uni, lesquelles sont clairement incompatibles avec la mise en œuvre de traitements manifestement dépourvus d’efficacité, même s’ils sont prescrits avec les meilleures intentions. Seul l’exercice de la médecine fondée sur les preuves est en mesure d’offrir un traitement efficace, approprié et de répondre à la confiance de la clientèle. Selon lui, le fait pour le RCVS de ne pas condamner l’usage de l’homéopathie revient à la cautionner implicitement. Or il estime que les homéopathes vétérinaires ne devraient pas être autorisés à profiter de leur statut professionnel pour légitimer cette thérapie sans base scientifique ni rationnelle, et finalement contraire à l’intérêt de la santé animale et publique.
Si le RCVS n’a pas encore répondu officiellement à la pétition, sa position sur l’homéopathie est qu’elle doit être utilisée parallèlement au traitement conventionnel, plutôt que comme une solution alternative. Actuellement bien acceptée par la société et reconnue par la législation sur les médicaments au Royaume-Uni, cette médecine douce n’a pas provoqué d’effets néfastes reconnus chez l’animal. Difficile, dans ces conditions, de justifier son interdiction auprès d’un nombre restreint de chirurgiens vétérinaires qui la proposent à mauvais escient.