Un cas de dépérissement chronique des cervidés, détecté chez un renne (Rangifer tarandus tarandus) vivant à l’état sauvage au sud de la Norvège, a été confirmé par le Norwegian Veterinary Institute début avril. Les tests biochimiques et immunohistochimiques, réalisés chez l’animal malade dans le cadre du programme national de surveillance des maladies à prion chez les ongulés sauvages, ont confirmé sa positivité.
Il s’agit du premier cas de dépérissement chronique des cervidés (chronic wasting disease ou CWD) détecté sur le territoire européen, mais aussi de la première détection de l’infection naturelle chez un renne sauvage dans le monde. Cette maladie neurologique, contagieuse et mortelle, n’avait jusqu’à présent affecté que des cervidés (cerfs mulet et de Virginie, wapitis, orignaux) sauvages et d’élevage en Amérique du Nord et en Corée du Sud.
Comme pour l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme, les agents infectieux à l’origine de l’encéphalopathie des cervidés sont les prions. Ces protéines de forme anormale induisent les protéines saines à se déformer également, formant un agrégat dans le cerveau et parfois dans d’autres tissus. Les cervidés atteints montrent des symptômes tels qu’une baisse de l’état général, une perte de poids, des troubles de la coordination et un comportement modifié. Si l’évolution de la maladie clinique est lente, l’issue est toujours fatale, car il n’existe ni traitement ni vaccin.
Bien que la maladie ne soit pas a priori transmissible à l’homme, elle est très contagieuse chez les cerfs, les wapitis et les animaux apparentés, qui peuvent transmettre les protéines prions infectieuses via la salive, l’urine et les fèces. Le dépérissement chronique des cervidés est endémique dans une vingtaine d’états aux États-Unis et dans deux provinces au Canada. La maladie a également été détectée chez des animaux captifs en Corée du Sud, qui a importé la maladie sur son territoire via des wapitis porteurs à la fin des années 90.
L’infection d’un renne dans une zone de montagne en Norvège demeure, quant à elle, un mystère. Les scientifiques estiment peu probable que la maladie ait été importée. Ils soupçonnent plutôt une survenue spontanée ou un franchissement de la barrière d’espèces, via des moutons atteints de la tremblante, bien que cette hypothèse reste à démontrer.
La question qui se pose est donc de savoir si ce cas norvégien est rare, voire unique, ou si le dépérissement chronique des cervidés s’est imperceptiblement propagé dans les troupeaux de rennes sauvages, sans avoir été décelé jusqu’à aujourd’hui. Le programme européen de surveillance des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) dans la faune sauvage, mis en place il y a une dizaine d’années, n’a pas permis de détecter ce cas, sans doute en raison du faible nombre d’animaux testés. Le Norwegian Veterinary Institute va mener une large enquête épidémiologique au sein des populations de rennes sauvages norvégiennes. Car, quand la maladie apparaît dans une nouvelle zone, il est très difficile de l’éradiquer.