
Une revue alerte sur le coût humain et économique massif des maladies animales transmissibles à l’homme dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Dans l’ombre du Covid-19, une autre crise se profile à l’horizon. Rage, leptospirose, brucellose, tuberculose zoonotique ou leishmaniose font chaque année des centaines de millions de victimes, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Animals and Zoonoses dresse un constat sans détour : les zoonoses restent l’une des premières menaces pour la santé et l’économie des pays à revenu faible ou intermédiaire, sans bénéficier de l’attention ni des financements accordés aux grandes pandémies médiatisées. Les auteurs estiment que plus de 200 maladies zoonotiques touchent l’humain, avec jusqu’à 2,2 à 2,4 milliards de cas chaque année si l’on inclut les infections parasitaires et bactériennes endémiques. Entre pertes de productivité, mortalité prématurée, baisse de la production animale, insécurité alimentaire et impacts sur le commerce, le coût se chiffre en centaines de milliards de dollars. Dans des économies où une large partie de la population dépend directement du bétail, d’une agriculture de subsistance ou de marchés informels, chaque épizootie grave peut se traduire par une cascade de faillites, d’endettement et d’exode rural.
Cette situation ne relève pas du hasard. Les auteurs décrivent un “cocktail” de facteurs structurels : pauvreté, manque d’accès aux soins, services vétérinaires en sous-effectif, surveillance insuffisante, absence de laboratoires capables de diagnostiquer rapidement les agents zoonotiques, etc. À cela s’ajoutent le changement climatique qui modifie l’aire de répartition des vecteurs, les conflits et les déplacements de population, et une antibiorésistance croissante qui complique la prise en charge des infections d’origine animale.
Face à cette réalité, le concept “One Health”, qui relie santé humaine, santé animale et environnement, est souvent mis en avant mais peu appliqué sur le terrain. La revue plaide pour une approche “One Health” réaliste, adaptée aux contraintes des pays à revenu faible ou intermédiaire : l’objectif est de renforcer les services vétérinaires de base, de développer des systèmes de surveillance communautaire, de prioriser les zoonoses selon leur impact réel (humain, animal et économique), de financer des tests diagnostiques simples et peu coûteux, et d’investir dans des campagnes de vaccination ciblées, par exemple des chiens contre la rage ou du bétail contre certaines fièvres hémorragiques.
Les auteurs appellent aussi à mieux utiliser les outils de la génomique, de la modélisation et de l’intelligence artificielle pour anticiper les foyers, sans oublier un point clé : la stabilité des financements. Aujourd’hui, l’argent afflue en période de crise, puis se tarit lorsque l’alerte retombe, laissant les pays les plus exposés revenir à une logique de réaction plutôt que de prévention. Investir en amont dans la prévention des zoonoses dans les pays à revenu faible et intermédiaire coûte infiniment moins cher que de subir la prochaine pandémie. Dans un monde où les trois quarts des agents infectieux émergents sont d’origine animale, la sécurité sanitaire globale se joue d’abord là où les zoonoses frappent le plus fort.

