
Il est le pilier économique de régions désertiques et un emblème du Sahara. Mais derrière son allure placide, le chameau est aujourd’hui au cœur des préoccupations vétérinaires et sanitaires. Une étude parue dans Frontiers in Veterinary Science révèle que cet animal pourrait être le maillon oublié dans la chaîne de transmission de plusieurs maladies infectieuses graves à l’humain.
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Une synthèse scientifique inédite
L’étude de Khalafalla passe au crible plus de 800 publications scientifiques et en retient 22 apportant des preuves solides (épidémiologiques ou moléculaires) de transmission de maladies des camélidés aux humains. Résultat : six zoonoses sont clairement identifiées, avec en tête de liste des agents pathogènes bien connus des médecins et des vétérinaires :
- le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers-CoV), impliqué dans 36 % des cas recensés ;
- la brucellose (23 % des cas) ;
- la peste à Yersinia pestis (18 % des cas) ;
- le camelpox, proche de la variole (14 % des cas) ;
- l’hépatite E (génotype 7) et le charbon (anthrax) complètent ce tableau à haut risque.
Plus de la moitié des transmissions humaines documentées ont eu lieu depuis 2010, confirmant une intensification récente du phénomène.
Un risque souvent sous-estimé
La transmission se fait principalement via le lait cru, la viande contaminée ou par contact direct avec les animaux, notamment dans les abattoirs ou en élevage. Dans certains cas, comme pour le Mers-CoV, les analyses génétiques ont montré une correspondance parfaite entre le virus détecté chez l’animal et celui retrouvé chez le patient humain. L’étude évoque notamment plusieurs cas survenus en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Soudan, au Niger ou encore en Libye, où la consommation de viande de chameau infectée a mené à des contaminations humaines parfois mortelles.
Le chameau, sentinelle des prochaines pandémies ?
Moins médiatisé que les rongeurs ou les chauves-souris, le chameau s’impose pourtant comme un réservoir zoonotique sérieux. Selon l’auteur de l’étude, certains agents pathogènes liés aux camélidés, comme la fièvre Q, la fièvre de la vallée du Rift ou la tuberculose, mériteraient également une surveillance accrue, bien que leur transmission à l’homme via ces animaux n’ait pas encore été formellement prouvée.
Une approche “One Health” plus que jamais nécessaire
Face à ces constats, l’auteur lance un appel à l’action : « Il est impératif de renforcer la surveillance épidémiologique dans les zones où les camélidés jouent un rôle économique majeur, tout en sensibilisant les populations aux risques liés à la consommation de produits non pasteurisés ou mal cuits. » Vaccination, contrôle vétérinaire des produits alimentaires, biosécurité sur les marchés… autant de mesures urgentes à prendre dans les pays concernés, mais également dans les régions importatrices où les produits issus de camélidés gagnent en popularité.
Alors que les interactions entre l’humain et les animaux d’élevage s’intensifient, cette étude illustre à quel point les zoonoses sont à la croisée de plusieurs disciplines. Épidémiologie, médecine vétérinaire, santé publique : les frontières s’estompent car, aujourd’hui plus que jamais, la prochaine pandémie pourrait bien venir d’un animal jusqu’ici considéré comme inoffensif.