Des chercheurs de l’université de Californie à Davis et à San Francisco ont mené un essai clinique inédit chez des chats atteints de carcinome épidermoïde oral, une tumeur particulièrement agressive et difficile à traiter. Ils ont mis au point une molécule innovante, fondée sur un petit fragment d’ADN circulaire, qui agit comme un “leurre” : elle attire et neutralise la protéine STAT3, un facteur de transcription hyperactivé dans environ 75 % des cancers humains. Jusqu’ici, STAT3 était considérée comme une cible impossible à atteindre. Cette nouvelle approche, fondée sur l’utilisation d’un ADN “piège” mimant la séquence que reconnaît STAT3, permet de bloquer son action oncogénique avec une précision inédite. Il s’agit d’une avancée scientifique majeure qui ouvre la voie à des traitements plus ciblés et potentiellement moins toxiques.

Des résultats encourageants chez le chat

Vingt chats atteints de ce type de cancer buccal ont participé à l’essai clinique. Pendant un mois, ils ont reçu six injections intraveineuses de la molécule. Les résultats sont prometteurs :chez environ 35 % des chats, la tumeur s’est stabilisée ou a diminué, avec des effets secondaires limités. L’un des chats de l’étude, nommé Jak, illustre le potentiel de ce traitement : diagnostiqué avec un pronostic vital de quelques semaines, il a survécu plus de huit mois après avoir reçu la thérapie expérimentale. Ces résultats apportent un nouvel espoir pour les chats atteints de cancers jusque-là considérés comme quasiment incurables.

Un traitement qui stimule aussi l’immunité

Au-delà de l’effet direct sur la tumeur, les chercheurs ont observé une modulation positive du système immunitaire. Les analyses menées sur les chats traités et sur des modèles murins ont montré une augmentation des cellules immunitaires capables de combattre le cancer, ainsi qu’une diminution des cellules qui inhibent habituellement la réponse immunitaire. Cette double action (bloquer la croissance tumorale tout en réactivant les défenses naturelles)pourrait renforcer considérablement l’efficacité du traitement. Par ailleurs, les chercheurs ont identifié des profils biologiques distincts entre les chats qui ont bien répondu au traitement et les autres, ouvrant la voie au développement de biomarqueurs prédictifs. Ces derniers pourraient, à terme, permettre de sélectionner plus précisément les animaux susceptibles de bénéficier de cette thérapie.

Des perspectives prometteuses en médecine humaine

Cette innovation illustre l’intérêt de la médecine comparative, qui s’appuie sur les similitudes entre les cancers félins et humains. Les carcinomes épidermoïdes oraux chez le chat présentent de nombreuses caractéristiques moléculaires communes avec les cancers de la bouche et de la gorge chez l’humain. Les chercheurs envisagent désormais d’étendre leurs travaux à des essais cliniques précoces chez l’humain, tout en poursuivant les recherches sur le chat pour optimiser les protocoles et explorer des combinaisons thérapeutiques. À terme, cette approche pourrait bénéficier autant à l’oncologie vétérinaire qu’à la cancérologie humaine, en accélérant le passage des découvertes fondamentales à leur application clinique.

Une avancée majeure dans la lutte contre le cancer

En ciblant efficacement une protéine longtemps considérée comme “inaccessible” et en stimulant la réponse immunitaire, ce traitement marque une étape importante dans le développement de thérapies anticancéreuses de nouvelle génération. Il redonne espoir aux propriétaires dont les animaux sont atteints de cancers graves, tout en ouvrant des perspectives concrètes pour les patients humains.

Cette étude illustre également l’importance croissante des modèles animaux dans la recherche médicale et confirme la valeur de la médecine translationnelle : les découvertes réalisées chez l’animal permettent d’accélérer le développement de traitements innovants pour l’ensemble des espèces.