En huit jours à peine, le ministre de l’Agriculture aura prononcé deux discours forts similaires devant les professionnels du secteur vétérinaire. D’aucuns interpréteront ses propos comme rassurants, d’autres comme la confirmation du pavé jeté dans la mare lors du colloque sur l’antibiorésistance le 14 novembre dernier.
Le style rompt avec l’exercice très polissé de son prédécesseur : semblant jouer le discours improvisé, Stéphane Le Foll n’en confirme pas moins sa volonté de tourner une page de l’histoire de l’agriculture, donc de la politique sanitaire française. Certes, il affirme ne pas vouloir que les vétérinaires « soient désignés comme des coupables. Ce n’est pas votre intérêt, ce n’est pas le mien ». Mais son objectif est clair : diminuer la consommation d’antibiotiques. « Nous devons tous faire un effort, en trouvant les meilleures solutions, et non en stigmatisant les uns ou les autres. » L’échéance ? Le premier semestre 2013, dans le cadre de la préparation de la loi d’avenir.
Découplage et accessibilité des antibiotiques
Et si les antibiotiques étaient l’étincelle qui fera exploser le couple prescription-délivrance ? « Aucun tabou » est le maître mot du ministre. Le découplage est une solution étudiée, parmi d’autres. Il souhaite « retirer les antibiotiques critiques qui sont aujourd’hui directement accessibles aux éleveurs de la liste positive, et mettre un terme aux aliments médicamenteux antibiotiques ». Sus aux intrants en agriculture !
En résumé, il s’attaque au dossier du médicament dans les productions animales. S’il n’a pas encore pris de décision, son message est clair : que les professionnels lui démontrent, durant les prochaines semaines, qu’ils peuvent répondre à son objectif, dans la transparence et selon des critères de réduction de l’utilisation des médicaments. « Nous devons passer du prescripteur à la prescription », a-t-il indiqué lors de la dernière séance solennelle de l’Académie vétérinaire de France. Des propos similaires à ceux prononcés quelques jours auparavant, lors des Rencontres nationales vétérinaires : « Le système de l’assurance tout risque doit être oublié pour un système de prescription plus précis. » Le recours systématique à certaines molécules est donc à bannir des pratiques. Même s’il reconnaît que le modèle du découplage a prouvé, en Europe, qu’il n’est pas forcément la meilleure solution.
Couplage de l’écologie et de l’économie
« Nous sommes au début de la septième révolution agricole en France, pour rester dans le leadership mondial. Le vétérinaire aura une place primordiale dans la politique sanitaire française. » Voici donc le crédo de Stéphane Le Foll. Le ministre de l’Agriculture ne veut aucunement opposer l’économie à l’écologie. Il croit à un couplage des deux, qui tirerait chacun vers le haut.
Une façon de répondre aux vétérinaires qu’il les a compris ? En tout cas, en suggérant de remanier la visite sanitaire bovine, il propose aux praticiens ruraux de nouvelles pistes à développer au sein de leurs cliniques, pour “compenser” une éventuelle perte de chiffre d’affaires due à la future modification de la politique du médicament vétérinaire.
Des conseils en stratégie ?
Pour enfoncer le clou sur sa vision actuelle des politiques sanitaires, Stéphane Le Foll brandit une menace maquillée en appel à la méfiance : « Nombre d’intellectuels sont prêts, aujourd’hui, à militer pour mettre un terme à l’apport de protéines animales dans un contexte futur de pénurie de sources animales. » Cette référence n’est pas innocente, quand on sait que la première source de protéines animales vient de la filière aviaire !
Stéphane Le Foll appelle aussi les organisations professionnelles vétérinaires à « développer des contacts réguliers avec le ministère de la Santé… pour que l’on soit bien dans un contexte global ». Peut-être que le dossier du médicament vétérinaire n’est déjà plus rue de Varennes, mais entre les mains de Marisol Touraine…
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