Le Parlement européen vient d’adopter une résolution ambitieuse, le 14 mars 2017, sur les responsabilités du propriétaire et les soins aux équidés*. Ce texte ouvre la voie à des normes plus élevées en termes de santé et de bien-être animal pour les quelque 7 millions de chevaux, d’ânes et de mules que compte l’Union européenne. La résolution, rédigée et portée par l’eurodéputée britannique Julie Girling, préconise notamment que la propriété d’équidés repose sur une base minimale de connaissances des soins à prodiguer, encourage l’échange et la diffusion dans toute l’Union des bonnes pratiques et des données sur les besoins des équidés, entend lever le tabou sur la fin de vie des chevaux, mettre en place des indicateurs validés de bien-être des animaux, etc.
La résolution sur la propriété responsable et les soins des équidés, adoptée à Strasbourg le 14 mars, relève que la santé et le bien-être des équidés stimulent la production, profitent à l’économie rurale en général, et répondent en outre aux attentes de plus en plus pressantes des citoyens de l’Union, soucieux de renforcer les normes de qualité en la matière. Le Parlement observe que les professionnels de la filière équine doivent rester économiquement viables, tout en relevant les nouveaux défis liés au caractère limité des ressources naturelles, aux incidences du changement climatique ou à l’émergence et à la propagation de nouvelles maladies.
Le texte s’inspire largement des conclusions d’une étude publiée par l’association World Horse Welfare et l’Eurogroup for Animal en juin 2015. À la demande de la Commission européenne, les deux organisations avaient rendu le premier rapport d’enquête sur la filière équine à l’échelon européen**, identifiant un certain nombre de préoccupations clés en matière de bien-être animal et appelant, entre autres recommandations, à l’adoption de normes spécifiques pour protéger les chevaux, les ânes et les mules. Les équidés passent en effet souvent entre les mailles des législations conçues pour les animaux de rente ou de compagnie.
La rapporteure Julie Girling s’est réjouie de l’adoption de son rapport par le Parlement à une large majorité. Pour elle, des normes élevées de bien-être des animaux sont la marque d’une société civilisée. Reste, en coopération étroite avec la Commission européenne, à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations adoptées dans un avenir proche.
En outre, l’adoption de cette résolution sur la propriété responsable et les soins aux équidés tombe à propos : en juin prochain aura lieu la première réunion de la nouvelle EU Platform on Animal Welfare***, un groupe d’experts de la Commission européenne dont l’objectif est de concevoir et d’échanger des mesures coordonnées visant à répondre aux défis spécifiques du bien-être animal en encourageant le dialogue entre la société civile, les autorités publiques, les professionnels du secteur, les universités, les scientifiques, les organisations intergouvernementales internationales. La plate-forme aura également pour mission de promouvoir l’échange d’expériences et de bonnes pratiques, de connaissances scientifiques et d’innovations liées au bien-être animal, et de partager ces informations. Ainsi, Bruxelles pourra consulter la plate-forme sur tout sujet lié au bien-être animal dans l’Union.
* Résolution du Parlement européen du 14 mars 2017 sur la propriété responsable et les soins des équidés, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-TA-2017-0065&language=FR
** « Removing the blinkers: the health and welfare of European equidae in 2015 », https://www.vetitude.fr/sante-et-bien-etre-des-equides-vers-une-legislation-adaptee-aux-chevaux-anes-et-mules-deurope/
*** http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32017D0131(01)&from=FR
Principales préconisations de la résolution du 14 mars 2017
Le Parlement européen :
> demande que la filière des équidés soit mieux reconnue au niveau européen, de même que ses bienfaits pour l’économie rurale, et qu’elle soit davantage intégrée dans les différents dispositifs de la politique agricole commune (PAC) ;
> invite la Commission à reconnaître le statut des animaux de travail ;
> souligne que les propriétaires d’équidés devraient posséder un niveau minimal de connaissances des soins à apporter et que cette propriété entraîne une responsabilité personnelle en termes de santé et de bien-être des animaux dont ils ont la charge ;
> souligne que les échanges de connaissances entre les propriétaires d’équidés, mais aussi entre les États membres, ont vocation à jouer un grand rôle dans la satisfaction de ces besoins ;
> encourage les États membres à mettre en place des conditions propices à la viabilité des activités sur les exploitations ;
> souligne l’importance des futurs centres de référence pour la protection et le bien-être des animaux, fondés sur les 10 principes de l’OIE ;
> invite la Commission à commander une étude d’Eurostat pour analyser l’incidence économique, environnementale et sociale de tous les aspects de la filière des équidés, ainsi qu’à produire régulièrement des statistiques sur l’utilisation des services, le transport et l’abattage des équidés ;
> invite la Commission à élaborer des orientations européennes en matière de bonnes pratiques, destinées aux divers utilisateurs et spécialistes, qui porteront notamment sur le bien-être de chaque espèce, les soins comportementaux et les soins en fin de vie ;
> invite la Commission à veiller à l’application uniforme des orientations de l’Union et à dégager des moyens pour la traduction de ce document ;
> invite la Commission à encourager et à recueillir les échanges de bonnes pratiques et de programmes éducatifs des divers États membres en matière de bien-être animal et à soutenir la production et la diffusion de ces informations sur la manière de répondre aux besoins des équidés, indépendamment de leur rôle, selon le principe des “cinq libertés” et pendant toute la vie d’un équidé ;
> invite la Commission à tenir compte du rôle plurifonctionnel des équidés en prévoyant des orientations sur l’élevage responsable, la santé et le bien-être animal et les avantages de la stérilisation des équidés, les activités touristiques, l’agriculture et la sylviculture, le transport adapté aux espèces et l’abattage, ainsi que la protection contre les pratiques frauduleuses (notamment le dopage), et recommande que ces orientations soient diffusées auprès des éleveurs, des associations dédiées aux équidés, des exploitations agricoles, des écuries, des refuges, des transporteurs et des abattoirs ;
> invite la Commission et les États membres à soutenir l’action de l’European Horse Network et de l’European State Stud Association qui jouent un rôle important dans le développement de la filière équine européenne en servant de plate-forme d’échange de bonnes pratiques et en préservant les traditions, les savoir-faire, les anciennes races et le poids de la filière ;
> prie la Commission d’élargir ses ressources éducatives sur le bien-être des animaux d’élevage, destinées à la fois aux spécialistes qui travaillent au contact des équidés (les vétérinaires, les éleveurs, les propriétaires de chevaux) et à un public plus vaste, afin qu’elles portent également sur le bien-être et la reproduction des équidés, tout en soulignant l’importance de la formation et de l’information, dans le cadre du système de conseil agricole ;
> invite la Commission et les États membres à employer aussi des mécanismes de transfert de connaissances pour partager les bonnes pratiques et les modèles d’activité, pour sensibiliser à toute question et pour encourager l’innovation et les idées nouvelles ;
> invite la Commission à renouveler son engagement en faveur de l’élaboration d’une charte européenne du tourisme durable et responsable, prévoyant la diffusion d’informations claires pour aider les touristes et les acteurs concernés à opérer des choix respectueux du bien-être des animaux au moment de décider d’utiliser ou non les services d’équidés de travail ;
> invite la Commission à publier des orientations à l’intention des États membres en matière de modèles touristiques respectueux du bien-être des animaux pour les équidés de travail ;
> demande aux États membres de définir des orientations volontaires en matière de travail (durée quotidienne et temps de repos) pour protéger les équidés de travail contre le surmenage et l’exploitation économique ;
> invite la Commission à mettre les données de Traces à la disposition du public beaucoup plus rapidement qu’actuellement ;
> invite la Commission à assurer la bonne application et le respect effectif et uniforme de la législation existante de l’Union en matière de transport des animaux et la notification juridiquement contraignante dans tous les États membres ;
> demande aux États membres exportateurs d’équidés de rechercher les moyens d’encourager l’abattage sur leur propre territoire, afin d’éviter autant que possible le transport d’équidés vivants, et invite la Commission à instaurer un mécanisme permettant de contrôler efficacement le respect des dispositions législatives et réglementaires dans le cadre législatif actuel et futur ;
> demande à la Commission de proposer une réduction de la durée maximale pour tous les transports de chevaux destinés à l’abattage ;
> invite la Commission et les États membres à formuler des orientations, à faciliter et à élargir les recherches scientifiques et à appliquer les recherches existantes sur le bien-être des équidés au moment de l’abattage, afin de développer des méthodes d’abattage sans cruauté plus adaptées aux équidés ;
> demande à la Commission et aux États membres de procéder à des inspections et à réaliser des contrôles réguliers des abattoirs autorisés à accueillir des équidés, sur leur territoire, afin de veiller à ce qu’ils soient en mesure de répondre aux besoins spécifiques de ces animaux, notamment au niveau des installations et en matière de qualification du personnel ;
> invite la Commission à s’attacher à mettre en place des indicateurs validés de bien-être des animaux, en associant les parties prenantes qui ont mis en place de tels outils dans l’Union, et en collaborant avec les représentants des organisations professionnelles de la filière des équidés pour élaborer des indicateurs de bien-être animal ;
> invite la Commission et les États membres à encourager les propriétaires de chevaux à former des associations ;
> invite les États membres à appliquer des dispositions législatives plus strictes contre la maltraitance et l’abandon d’animaux et à mener les enquêtes approfondies voulues sur les pratiques inhumaines et les infractions aux dispositions sur le bien-être des équidés qui seraient signalées ;
> invite la Commission à réaliser une étude pour rendre compte des différences entre les espèces d’équidés et à formuler des orientations par espèce en vue d’assurer le respect des normes relatives au bien-être ;
> invite la Commission et les États membres à soutenir la recherche et le développement de modèles d’élevage adaptés aux espèces de la filière équine ;
> invite la Commission à accorder la priorité à un projet de recours aux régimes de financement, nouveaux et existants, pour récompenser les bons résultats en matière de bien-être des équidés de travail, y compris ceux des petites exploitations et des exploitations de semi-subsistance ;
> demande aux États membres de s’assurer que le règlement sur le passeport équin est intégralement et correctement appliqué ;
> constate que le prix des médicaments vétérinaires, le coût de l’élimination de la carcasse et le coût de l’euthanasie peuvent faire obstacle à la fin de vie d’un équidé, prolongeant ainsi ses souffrances ;
> invite les États membres à examiner les cas signalés de pratiques d’euthanasie inhumaines et d’infraction aux dispositions sur le bien-être, comme l’utilisation inadéquate de médicaments, et à signaler ces violations à la Commission ;
> prend acte de la croissance de la production de lait d’ânesse et de jument et invite la Commission à publier des orientations sur cet élevage laitier ;
> invite les États membres à s’engager à augmenter le nombre de contrôles des exploitations productrices de lait d’ânesse et de jument ;
> se dit vivement préoccupé par l’importation et l’utilisation de médicaments vétérinaires contenant de la gonadotrophine extraite du sérum de jument en gestation (PMSG) ;
> exhorte la Commission à contrôler que les entreprises certifiées pour produire l’hormone PMSG respectent les dispositions de protection animale en vigueur et à réaliser une enquête et à rédiger un rapport sur le bien-être et le traitement des juments servant au prélèvement d’hormones utilisées dans l’industrie pharmaceutique ;
> souligne qu’un régime fiscal juste, adapté aux besoins de chaque État membre et permettant aux éleveurs de dégager les recettes nécessaires au maintien de l’activité des fermes équestres européennes, reste à mettre en place ;
> fait observer qu’un régime fiscal plus équitable pour la filière équine permettrait d’instaurer des conditions de concurrence identiques et d’accroître la transparence, donc de lutter contre la fraude, et permettrait aux éleveurs de chevaux de bénéficier des rentrées nécessaires à la préservation de leur activité ;
> considère qu’une clarification de la législation sur la TVA sera nécessaire afin de contribuer à un développement de la filière cheval favorable à la croissance et à l’emploi ;
> demande à la Commission d’offrir aux États membres une plus grande flexibilité dans la mise en place d’un taux de TVA réduit pour toutes les activités de la filière ;
> souligne les différences d’exigences sanitaires imposées sur les viandes équines produites en Europe et celles importées de pays tiers ;
> rappelle qu’il est nécessaire de mettre en œuvre une traçabilité de la viande chevaline efficace et souligne qu’il convient de disposer d’un niveau équivalent d’exigences en matière de santé, de sécurité des aliments et de conformité des importations pour le consommateur européen, quelle que soit l’origine de la viande équine consommée ;
> demande à la Commission de conduire une démarche visant à rétablir l’équilibre entre le niveau d’exigence au sein de l’Union européenne et celui contrôlé aux frontières, tout en garantissant la sécurité sanitaire du consommateur ;
> invite la Commission à rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour tous les produits transformés à base de viande de cheval ;
> invite la Commission à accroître les contrôles auprès des abattoirs étrangers qui sont autorisés à exporter de la viande chevaline dans l’Union, et à suspendre l’importation de viande de cheval produite dans des pays tiers qui ne répondent pas aux critères de l’Union en matière de sécurité des aliments et de traçabilité ;
> souligne qu’il faut lever le tabou de la fin de vie des équidés, estime que faciliter la fin de vie du cheval n’exclut pas son intégration au sein de la chaîne alimentaire ;
> invite la Commission à prêter une attention particulière aux soins des équidés en fin de vie, et notamment à la définition de limites maximales de résidus pour les médicaments vétérinaires courants tels que la phénylbutazone, afin de garantir la sécurité sanitaire du consommateur ;
> demande aux États membres de favoriser la réintégration des équidés en fin de vie dans la chaîne alimentaire, après la dernière administration médicamenteuse, grâce à un système de sas fondé sur la recherche scientifique ;
> invite la Commission à combler le vide juridique concernant les chevaux enregistrés comme non destinés à la production alimentaire mais pour lesquels, dans certains États membres, les médicaments administrés ne sont pas enregistrés, ce qui rend possible leur entrée dans le circuit de l’abattage illégal avec de sérieux risques pour la santé publique ;
> invite la Commission à examiner, avec la Fédération des associations vétérinaires équines européennes (Feeva), l’harmonisation de l’accès aux traitements et médicaments sur l’ensemble du territoire européen ;
> demande à la Commission et aux États membres de favoriser les échanges de bonnes pratiques pour faciliter l’utilisation raisonnée des médicaments pour les équidés ;
> estime qu’il faut redoubler d’efforts pour mettre fin au faible niveau d’investissement ainsi qu’au manque de médicaments disponibles, notamment de vaccins, pour traiter les équidés ;
> rappelle la nécessité de développer la recherche et l’innovation pharmaceutiques pour les pratiques médicamenteuses chez les équidés, considérant que le secteur manque profondément de médicaments adaptés ;
> invite la Commission à financer de nouvelles recherches sur les effets possibles de divers médicaments chez les équidés ;
> invite la Commission à mener des programmes de soutien financier à la préservation et à la protection des espèces locales d’équidés vivant en liberté ou menacées de disparition dans l’Union ;
> demande que les problèmes auxquels les populations d’équidés sauvages doivent faire face soient davantage étudiés, compte tenu de leur valeur écologique, naturelle et touristique.