
Une étude rétrospective menée au Royaume-Uni révèle la première détection du virus du Nil occidental (ou virus West Nile) chez des moustiques locaux en 2023. Bien que le risque sanitaire reste faible, ce signal virologique renforce les appels à une surveillance accrue dans un contexte de changement climatique.
Le virus du Nil occidental (West Nile virus, WNV), présent depuis les années 1990 sur le continent européen, n’avait jusqu’ici jamais été identifié au Royaume-Uni. Pour la première fois, des scientifiques britanniques viennent de confirmer la présence d’ARN du virus dans deux pools de moustiques Aedes vexans piégés en juillet 2023 dans le Nottinghamshire, en Angleterre. Les résultats, publiés dans la revue Eurosurveillance, sont issus du programme national de surveillance Vector-borne real-time arbovirus detection and response (VB-RADAR).
Les analyses moléculaires ont permis d’identifier le WNV de lignée 1a, une souche déjà circulante en Europe continentale, au Moyen-Orient et aux États-Unis. Les échantillons positifs ont été détectés par PCR et confirmés par séquençage Sanger, même si l’isolement du virus vivant en culture cellulaire s’est révélé impossible.
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Une surveillance proactive dans le cadre du concept “One Health”
Depuis l’introduction du virus d’Usutu virus au Royaume-Uni en 2020, les autorités sanitaires ont renforcé leur stratégie de surveillance des arbovirus. Le projet VB-RADAR, inscrit dans une approche “One Health”, combine piégeage de moustiques, surveillance des oiseaux et analyse des facteurs environnementaux à travers 26 sites répartis sur le territoire britannique.
Entre mars 2023 et mars 2025, plus de 31 000 moustiques de 22 espèces différentes ont été collectés, principalement des Culex pipiens et Culex modestus, deux espèces connues pour leur rôle dans la transmission du virus West Nile. Cependant, les deux échantillons positifs étaient issus de moustiques Aedes vexans, une espèce moins fréquente au Royaume-Uni mais présente localement en grande densité dans des zones humides estivales.
Un vecteur opportuniste sous surveillance
Aedes vexans n’est pas considéré comme un vecteur principal du WNV en Europe, contrairement aux moustiques du genre Culex. Toutefois, cette espèce est opportuniste et généraliste, se nourrissant aussi bien sur des oiseaux que sur des chevaux ou des humains. Sa capacité à atteindre des densités élevées et à agir comme vecteur intermédiaire (entre l’animal et l’humain) en fait un maillon à ne pas négliger dans la chaîne épidémiologique du virus.
Depuis plusieurs années, des nuisances liées aux piqûres de moustiques avaient été signalées sur le site de piégeage dans le nord du Nottinghamshire. Cette pression a conduit à la mise en place d’une gestion environnementale active du milieu humide visant à réduire les populations locales de Aedes vexans.
Une détection isolée, mais un climat propice à l’émergence du virus
À ce jour, aucune circulation active du WNV n’a été détectée dans d’autres régions du Royaume-Uni, que ce soit chez les moustiques ou les oiseaux. Toutefois, l’été 2025 a été marqué par des vagues de chaleur intenses, similaires à celles de 2023. Or, ces conditions climatiques peuvent raccourcir la période d’incubation du virus chez les moustiques, favorisant sa réplication et augmentant le risque de transmission.
Les chercheurs notent que si les modèles climatiques actuels suggèrent que le Royaume-Uni reste globalement peu favorable à une installation durable du WNV, des épisodes météorologiques extrêmes pourraient permettre des transmissions ponctuelles, voire des foyers localisés.
Appel à une veille entomologique et vétérinaire renforcée
L’étude souligne l’importance d’un système intégré de surveillance impliquant les vecteurs (moustiques), la faune sauvage, les animaux domestiques et les populations humaines. La détection précoce d’un virus zoonotique tel que le WNV est essentielle pour prévenir les transmissions à l’humain, qui peuvent entraîner des complications neurologiques sévères chez certaines personnes.
Bien que l’incursion détectée en 2023 reste limitée à ce stade et sans impact clinique documenté, elle illustre la perméabilité croissante du territoire britannique aux arbovirus émergents, dans un contexte de réchauffement climatique et de mobilité biologique accrue (via les migrations d’oiseaux ou le transport passif de moustiques).
Une menace pour la santé humaine
Le WNV, transmis principalement par les moustiques Culex, provoque chaque année des dizaines de cas humains graves en Europe du Sud-Est. La confirmation de sa présence génétique dans des moustiques britanniques constitue donc un signal d’alerte épidémiologique, même en l’absence d’infection active chez l’humain ou l’animal.
L’expérience nord-américaine rappelle que le virus du Nil occidental avait été introduit aux États-Unis en 1999 par des voies encore incertaines, avant de se propager sur l’ensemble du continent. Le Royaume-Uni ne peut se permettre de négliger ce précédent.