Dans son rapport annuel*, rendu public le 10 février 2016, la Cour des comptes s’attaque notamment à la conduite de trois projets menés dans le cadre de la gestion publique : l’Institut français du cheval et de l’équitation (« une réforme mal conduite, une extinction à programmer »), la réorganisation de l’enseignement supérieur agricole public (« une réforme en trompe-l’œil ») et le parc végétal Terra Botanica (« une initiative coûteuse à la recherche d’une viabilité financière »). Concernant l’IFCE, elle dénonce un déficit chronique et un déséquilibre financier structurel depuis sa création en 2010, mais aussi un patrimoine immobilier démesuré et des effectifs pléthoriques, le tout pour assurer des missions réduites. Sa conclusion est sans appel : « La pertinence du maintien de l’IFCE n’est pas avérée. »
La fusion des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation (ENE) pour créer l’IFCE en 2010 a été menée sans véritable cohérence et certaines fonctions sont mal assurées, estime la Cour des comptes. Cette réforme a conduit également à la création du groupement d’intérêt public (GIP) France-Haras, qui a repris pour cinq ans les activités de reproduction équine et de services aux éleveurs des Haras pour organiser leur transfert vers le privé. Le GIP a donc cessé ses activités en fin d’année 2015, comme prévu, en échouant toutefois à bâtir une organisation collective de la filière susceptible de racheter les étalons de valeur. Mais la pertinence de la fusion, cinq ans après, reste à démontrer pour les magistrats de la rue Cambon. Ainsi, l’évolution qui a conduit à l’IFCE et au GIP France-Haras apparaît comme « l’illustration d’une réforme de l’État mal conçue, mal préparée et mal conduite. Sa mise en œuvre a été caractérisée par un grave manque d’anticipation et l’insuffisance des mesures d’adaptation nécessaires ». Pour la Cour, cinq ans après, la pertinence de la fusion reste à démontrer.
Depuis sa création, l’IFCE connaît en effet des difficultés de gestion et subit une dégradation continue de sa situation financière. Son résultat d’exploitation est négatif et le déficit cumulé sur cinq ans s’élève à 29 millions. Le constat est celui d’un déséquilibre coûteux pour l’État entre, d’un côté, des ressources humaines et un patrimoine immobilier conséquents et, de l’autre, les quelques missions de service public qui subsistent. « Sa situation n’est pas viable », tranche la Cour.
Table des matières
Des missions réduites
Constitué sous forme d’établissement public national à caractère administratif, l’IFCE est placé sous la tutelle des ministres de l’Agriculture et des Sports. Ses principales missions de service public, définies dans le Code rural, sont au final peu nombreuses :
- procéder à l’identification des équidés et assurer la tenue du fichier central des équidés immatriculés (Sire), ainsi que le suivi des propriétaires et des détenteurs ;
- organiser des formations aux métiers de l’élevage, des arts et sports équestres, ainsi qu’aux métiers relatifs au cheval ;
- participer à l’accueil et au développement des disciplines sportives équestres de haut niveau et contribuer à mettre à la disposition des cavaliers de haut niveau des chevaux dotés des meilleures qualités sportives ;
- favoriser le rayonnement de l’art équestre, notamment via les écuyers du Cadre noir de Saumur.
Le rôle de l’IFCE dans le contrôle de la traçabilité des équidés via la base Sire reste la seule mission qui parvient à l’équilibre financier. Toutefois, comme ce système centralisé fait figure d’exception en Europe, où le suivi des équidés est plutôt du ressort des associations de race, il ne pourra survivre que s’il reste compétitif et se modernise, estime la Cour des comptes. Malheureusement, cette modernisation, lancée en 2008 sous le nom de Sire 3, a pris quatre ans de retard et son budget, initialement de 3,35 millions, a été multiplié par 3,3.
Un personnel en surnombre
À sa création, les effectifs de l’IFCE étaient d’environ 1 100 équivalents temps plein (ETP) : 976 issus des Haras nationaux et 158 de l’ENE. La fusion et la fin de l’étalonnage public devaient aboutir à une baisse annuelle de 50 ETP sur neuf ans, en particulier dans les métiers du cheval, pour parvenir à un total de 650 emplois en 2018. Un objectif revu à la baisse, voire abandonné, puisque les effectifs seront encore de 745 agents en 2017.
En outre, rien n’a été entrepris pour faire correspondre les compétences des personnels aux nouveaux besoins, dénonce le rapport. La disparition, en cinq ans, des recettes liées à l’étalonnage ne s’est accompagnée ni de nouvelles sources de revenus, ni d’un recul suffisant des charges (essentiellement de personnel) pour rétablir l’équilibre des comptes. L’État a même été contraint, l’an passé, d’augmenter de 17 % les subventions de service public versées à l’IFCE, qui sont passées de 41,9 millions d’euros en 2014 à 49,1 millions en 2015, et sont de 50 millions en 2016.
Un parc immobilier trop vaste et inadapté
En 2010, l’IFCE possédait un parc immobilier de quelque 2 000 hectares, répartis sur 23 sites et près de 350 bâtiments (environ 200 000 m²), sans compter les terres agricoles, les terrains et les bois (de l’ordre de 250 à 300 hectares). Pour la Cour, ce patrimoine est « d’une taille et d’un poids financier démesurés depuis qu’il a été mis fin à l’étalonnage public et que les étalons de l’État ont été vendus ». Seuls deux haras, sur les huit prévus, ont été cédés (Annecy et Blois), le troisième seulement en partie (Compiègne). Pourtant, avec un ratio d’occupation des lieux de 20 m2 par agent, et un taux d’occupation des boxes de 67 %, la sous-utilisation de ce patrimoine apparaît évidente. En outre, trop éloignés les uns des autres pour permettre toute mutualisation, les sites souffrent d’un manque d’entretien chronique.
Conclusions et recommandations
« L’ambition initiale de l’État, lorsqu’il a été décidé de créer l’IFCE, était multiple : accompagner les acteurs socio-économiques de l’élevage de chevaux et de l’équitation, développer l’élevage français, garantir la démocratisation de l’équitation, conforter le renom sportif de la France par des succès équestres internationaux. Aucun de ces objectifs n’a été atteint jusqu’à présent (si ce n’est le développement de l’équitation de loisir, qui s’est réalisé sans intervention de l’État).
La fusion n’a pas produit les économies attendues et n’a pas permis une réelle intégration des deux établissements préexistants.
La pertinence du maintien de l’IFCE n’est donc pas avérée, ses activités pouvant être assumées dans un autre cadre : ainsi en est-il, par exemple, des activités de recherche ou d’observation du marché qui pourraient être assumées par d’autres structures telles que l’Inra ou FranceAgriMer, ou encore des représentations du Cadre noir de Saumur et du label des formations qu’il propose.
La Cour formule les recommandations suivantes :
- supprimer l’IFCE en organisant la dévolution des activités de service public qui y subsistent, entre les ministères respectivement chargés de l’Agriculture (base de données Sire, recherche, observation du marché) et des Sports (formation et équitation de tradition française), voire le Haras national du Pin ;
- organiser la réaffectation des personnels de l’IFCE ;
- organiser la cession du patrimoine immobilier de l’IFCE.
* Rapport public annuel 2016, Cour des comptes, février 2016, https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2016