
Alors que l’attention mondiale se concentre sur la grippe aviaire H5N1 et ses récentes incursions dans les élevages bovins et chez l’humain, une autre souche retient désormais l’attention de la communauté scientifique : le virus influenza A de sous-type H6. Classé parmi les virus aviaires dits faiblement pathogènes, il est resté pendant des décennies à la marge des préoccupations sanitaires. Pourtant, de nouvelles données montrent qu’il possède un potentiel zoonotique significatif et pourrait représenter une menace non négligeable pour la santé publique.
Table des matières
Une circulation mondiale et croissante
Une étude publiée en août 2025 dans le Journal of Infection a analysé plus de 3 500 séquences génétiques du virus H6 issues de la base de données internationale Gisaid. Les résultats montrent que ce sous-type circule aujourd’hui dans au moins 40 pays, avec une prédominance en Asie qui concentre près de 70 % des isolats. La Chine arrive largement en tête, suivie par les États-Unis et le Vietnam. Depuis la première détection du virus chez des dindes aux États-Unis en 1965, sa diffusion a connu une tendance croissante, atteignant un pic en 2014.
Des hôtes multiples et des barrières d’espèces franchies
L’un des enseignements majeurs de cette recherche est la diversité des hôtes infectés. Le virus H6 est largement présent chez les oiseaux aquatiques domestiques et sauvages, mais il a également été retrouvé chez les volailles. Plus inquiétant, quelques isolats ont été identifiés chez des mammifères tels que le porc et le rat. Le franchissement de la barrière d’espèce est déjà observé chez l’humain : un premier cas d’infection par le H6N1 a été confirmé à Taïwan en 2013. Une enquête sérologique menée en Chine auprès de près de 16 000 travailleurs exposés à des volailles a d’ailleurs révélé plus de 60 échantillons positifs, confirmant l’existence de contacts zoonotiques.
Des routes de transmission bien établies
Les chercheurs ont eu recours à une analyse phylodynamique afin de mieux comprendre les schémas de circulation de ce virus. Leurs résultats mettent en évidence deux grandes lignées, eurasienne et nord-américaine, ainsi qu’une quinzaine de voies de transmission interespèces plausibles. Les oiseaux aquatiques, domestiques comme sauvages, apparaissent comme des hôtes intermédiaires essentiels, qui facilitent la diffusion vers d’autres espèces. Les analyses mettent aussi en lumière des routes migratoires bien établies reliant la Chine, l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud, l’Europe et l’Amérique du Nord.
Un risque zoonotique à ne plus ignorer
Pris isolément, les cas humains liés au H6 peuvent sembler marginaux. Mais leur répétition, associée à la capacité démontrée de certains variants de se lier aux récepteurs humains, impose de reconsidérer le risque. Pour les auteurs de l’étude, le virus H6 est un candidat sérieux pour de futurs épisodes de spillover, c’est-à-dire de transmission durable de l’animal vers l’humain. Ils appellent à renforcer la surveillance mondiale dans une logique “One Health”, afin d’anticiper les évolutions de ce virus discret mais potentiellement dangereux.