La 17e CoP de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) s’est tenue du 24 septembre au 4 octobre 2016 en Afrique du Sud. Elle a réuni les délégations de 182 pays venues discuter de la situation des espèces animales et végétales en danger et des mesures à prendre pour renforcer leur protection. Les 2 500 délégués ont ainsi passé en revue 62 propositions de classement prioritaire concernant plus de 400 espèces victimes d’un trafic planétaire, comme le pangolin, le rhinocéros, l’éléphant, le perroquet gris, le macaque, le requin, la raie ou encore le bois de rose. Au final, 51 propositions ont été acceptées, 5 rejetées et 6 retirées.
Après deux semaines de négociations marathon, les gouvernements du monde entier ont adopté une série de décisions pour assurer la survie des espèces de la faune et de la flore sauvages parmi les plus vulnérables. C’était la première fois que l’Union européenne participait, et votait, en tant que partie à cette convention mondiale.
Parmi les propositions acceptées :
> Annexe I (commerce interdit, sauf situation exceptionnelle)
– le perroquet gris du Gabon (Psittacus erithacus) : troisième espèce d’oiseau sauvage la plus commercialisée au monde, le perroquet gris a obtenu son transfert de l’Annexe II à l’Annexe I. Cette protection renforcée met un terme au commerce international de cette espèce. Selon l’International Fund for Animal Welfare (Ifaw), 2,1 à 3,2 millions de perroquets gris d’Afrique ont été capturés entre 1975 et 2013. Dans 14 pays sur 18 où il est présent, ses populations ont chuté de 50 à 90 %.
– les pangolins d’Afrique et d’Asie (8 espèces) : toutes les espèces de pangolin ont été inscrites à l’Annexe I par consensus. Le commerce international de sa viande et de ses écailles sera interdit et les sanctions envers les trafiquants alourdies.
– les macaques de Barbarie (Macaca sylvanus) : les singes magots aussi ont été inscrits en Annexe I par consensus.
> Annexe II (commerce légal, mais réglementé)
– la demoiselle de Clarion (Holacanthus clarionensis) : l’inscription à l’Annexe II de ce poisson vendu jusqu’à 2 000 $ pour l’aquariophilie a été acceptée, malgré l’opposition du Vietnam et du Japon.
– les nautiles (Nautilus) : ces mollusques céphalopodes marins ont été inscrits à l’Annexe II.
– les raies Mobula (9 espèces) : désormais inscrites en Annexe II, le commerce de leurs lamelles branchiales, vendues entre 290 et 557 $/kg comme fortifiant en Chine, sera placé sous contrôle.
– le requin soyeux (Carcharhinus falciformis) : l’espèce a été inscrite en Annexe II, ses populations dans l’Atlantique ont chuté de 90 % depuis les années 50.
– le requin-renard (Alopias) : l’espèce a été inscrite à l’Annexe II, ses populations ont chuté de 99 % en Méditerranée. Les ailerons sont commercialisés à 25 $/kg.
Le Japon et l’Islande continuent de s’opposer à l’inscription des espèces de requins aux Annexes de la Cites. Pourtant, 100 millions de requins sont tués chaque année, victimes de la pêche industrielle et sportive et du trafic international d’ailerons destinés au marché asiatique.
Parmi les propositions rejetées :
– le rhinocéros blanc : la proposition du Swaziland d’autoriser un commerce limité et réglementé de la corne de rhinocéros blanc a heureusement été rejetée. Depuis 1977, toutes les espèces de rhinocéros d’Afrique sont inscrites en Annexe I, mais en 2004, les rhinocéros blancs du Swaziland ont été transférés en Annexe II, uniquement pour l’exportation d’animaux vivants et de trophées de chasse selon des quotas annuels spécifiés. Globalement, le commerce illégal de rhinocéros est à son plus haut niveau depuis le début des années 90, s’inquiète l’Ifaw. En 2014, quelque 2 000 cornes ont été écoulées au marché noir, pour approvisionner les pays asiatiques.
– les éléphants d’Afrique : l’inscription à l’Annexe I de toutes les populations d’éléphants africains a été rejetée, notamment grâce à l’opposition de l’Union européenne, du Brésil, de la Chine, du Japon, ainsi que du Zimbabwe, de l’Afrique du Sud, de la Namibie, du Mozambique. La France et le Luxembourg y étaient favorables, de même que le Botswana, seul État d’Afrique australe à voter pour et à soutenir les 29 pays de la Coalition pour l’éléphant d’Afrique. Malgré l’insistance de la France, l’Union européenne n’a pas encore interdit dans tous ses États membres la vente d’ivoire brut, permettant ainsi « à de l’ivoire scandaleusement légal de cacher de l’ivoire scandaleusement sale », s’indigne l’association Robin des Bois qui estime que d’ici à la prochaine COP, qui se tiendra au Sri Lanka en 2019, quelque 100 000 éléphants supplémentaires auront été tués.
– les lions d’Afrique : le transfert de tous les lions africains de l’Annexe II à l’Annexe I a été rejeté. Un compromis les laisse en Annexe II, mais interdit le commerce international des produits à base d’os et de griffes de lions sauvages. Ce compromis ne règle pas le problème de l’émergence d’un marché lucratif d’os de lions élevés en captivité, principalement en Afrique du Sud, en raison de la disparition des os de tigre. L’existence d’un marché légal pour les squelettes de lions stimule la demande asiatique et fournit des opportunités de blanchiment de parties provenant du braconnage illégal de lions sauvages, déplore l’Ifaw. Le seul côté positif de ce compromis est qu’il exige de l’Afrique du Sud d’établir un quota annuel d’export pour le commerce des parties de lions provenant de ses élevages. D’ici la 18e COP au Sri Lanka, les populations de lions, comme celles d’éléphants, pourraient bien avoir disparu de certaines régions du continent africain.
Parmi les propositions retirées :
– le poisson-cardinal de Banggaï : la proposition d’inscription à l’Annexe II a été retirée. L’Union européenne a capitulé devant l’Indonésie qui s’est de nouveau engagée à prendre des mesures de conservation, une promesse faite qui date de 2007.
Plusieurs succès de conservation ont également été reconnus, notamment pour le zèbre de montagne du Cap, plusieurs espèces de crocodiles et le bison des bois, tous déclassés de l’Annexe I en Annexe II.
Les modifications apportées aux Annexes, les résolutions et les décisions entrent en vigueur 90 jours après la CoP. La Cites est une convention contraignante. Toutes les décisions prises doivent être transcrites dans les lois nationales et respectées, sous peine de sanctions portant sur le commerce des espèces. Chaque année, les fonds engagés par la Cites pour protéger la faune et la flore à l’échelle internationale sont estimés à 18 milliards d’euros.