En matière de santé publique vétérinaire, la lutte contre l’antibiorésistance se poursuit. Après un premier plan national déroulé sur cinq ans (2012-2016), le second vient d’être publié* par la ministère de l’Agriculture. Les vingt actions du plan ÉcoAntibio 2 (2017-2021) s’inscrivent ainsi dans la continuité de celles mises en œuvre au cours des cinq dernières années, afin d’en consolider les acquis, mais aussi d’en tirer tous les enseignements. L’objectif global, toujours placé sous l’approche “One health”, demeure le même : diminuer l’exposition des animaux aux antibiotiques, pour mieux préserver leur efficacité en santé humaine.
Le plan Écoantibio 1 a globalement atteint ses principaux objectifs, selon le rapport** du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) paru le 11 avril. L’objectif quantitatif sur cinq ans semble notamment atteint, avec une réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire entre 2012 et 2016, et une diminution de 25 % du recours aux molécules critiques entre 2013 et 2016. La France affiche ainsi l’une des diminutions de la consommation d’antibiotiques les plus marquées parmi les pays de l’Union et se situe désormais dans la moyenne européenne.
Parmi les mesures qui ont contribué aux bons résultats obtenus figurent les actions de sensibilisation à l’antibiorésistance et de promotion des bonnes pratiques d’emploi des antibiotiques : elles ont mobilisé les organisations professionnelles vétérinaires et agricoles, donnant lieu à l’élaboration d’outils pédagogiques variés. De même, les méthodes de prévention sanitaire ou médicale des maladies infectieuses ont fait l’objet de nombreux travaux.
En revanche, l’encadrement réglementaire du recours aux antibiotiques, essentiellement porté par la loi d’avenir pour l’agriculture, a suscité des critiques en raison de son poids et de sa complexité. Il faut dire que « la mise à la disposition des éleveurs et des vétérinaires d’outils d’autoévaluation, indispensables à une appropriation complète et pérenne d’un usage raisonné des antibiotiques, accuse un retard important », déplore le CGAAER. En outre, « le recensement et l’évaluation des méthodes alternatives existantes n’ont pas été réalisés et la recherche de nouvelles pistes n’a pas été aussi active qu’espéré ».
Fort des enseignements tirés de ce bilan, le plan ÉcoAntibio 2 visera à faciliter l’engagement des professionnels et la valorisation de leurs efforts. Il devra aussi donner la priorité aux actions en faveur de la prévention des maladies infectieuses et des solutions alternatives à l’antibiothérapie, via la recherche interdisciplinaire (dans les domaines de la biosécurité, de la vaccination, des techniques d’élevage, de l’alimentation, de la génétique, de la construction des bâtiments d’élevage, etc.). Par ailleurs, il devra offrir un meilleur équilibre entre les démarches volontaires, l’initiative privée et le cadre réglementaire. Enfin, le nouveau plan devra s’appuyer sur une gouvernance renforcée qui nécessite une définition claire du rôle des instances.
Au final, le plan ÉcoAntibio 2 se décline en 20 mesures, soit moitié moins que le n° 1, plutôt incitatives que réglementaires. Elles sont réparties en 4 axes :
- développer les mesures de prévention des maladies infectieuses et faciliter le recours aux traitements alternatifs ;
- communiquer et former sur les enjeux de lutte contre l’antibiorésistance, sur la prescription raisonnée des antibiotiques et sur les autres moyens de maîtrise des maladies infectieuses ;
- des outils partagés : mettre à disposition des outils d’évaluation et de suivi du recours aux antibiotiques, ainsi que des outils pour leur prescription et administration responsables ;
- des efforts partagés : s’assurer de la bonne application des règles de bon usage au niveau national et favoriser leur adoption aux niveaux européen et international.
Ce plan doit s’intégrer dans une démarche globale, prenant en compte la santé des animaux, le bien-être animal, l’impact potentiel des traitements sur l’environnement, ainsi que le contexte économique de l’élevage. Une approche intégrée qui s’inscrit dans le projet agro-écologique du ministère de l’Agriculture.
* ÉcoAntibio 2, plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire 2017-2021, publié le 19 avril 2017.
** Rapport du n° 16041 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) : « Le plan ÉcoAntibio 2012-2016 : évaluation, recommandations pour le plan suivant » : cliquer ici
Le plan ÉcoAntibio 1
Lancé par le ministère de l’Agriculture en novembre 2011, le plan initial, spécifiquement vétérinaire, visait deux objectifs :
- diminuer la contribution de la médecine vétérinaire au développement de résistances bactériennes ;
- préserver durablement l’arsenal thérapeutique vétérinaire.
Un objectif chiffré était également visé : la réduction de 25 % en cinq ans de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire.
Ce plan comportait 40 mesures réparties en 5 axes : la sensibilisation des professionnels à la question de l’antibiorésistance, le développement de solutions alternatives au recours aux antibiotiques, l’encadrement de l’usage de ces molécules, le suivi de leur utilisation, les actions à mener hors du cadre national. Le pilotage des actions a été confié à des acteurs publics (DGAL, DGER, DGS, DGPR, Anses) et des acteurs privés (SNGTV, CNOV, SIMV, Acta).
Le plan ÉcoAntibio 2
> Axe 1 : développer les mesures de prévention des maladies infectieuses et faciliter le recours aux traitements alternatifs
– action 1 : poursuivre les recherches, les études et le développement de méthodes relatives aux mesures de prévention sanitaire et zootechnique (solutions non médicamenteuses)
– action 2 : acquérir des références sur les traitements alternatifs permettant de limiter la prescription d’antibiotiques
– action 3 : encourager l’usage des vaccins pour prévenir l’apparition des maladies infectieuses
– action 4 : réduire l’introduction et la dissémination des agents pathogènes
> Axe 2 : communiquer et former sur les enjeux de lutte contre l’antibiorésistance, sur la prescription raisonnée des antibiotiques et sur les autres moyens de maîtrise des maladies infectieuses
– action 5 : mettre en œuvre le volet “santé animale” de la campagne de communication nationale et interministérielle pour la sensibilisation à la prévention de l’antibiorésistance
– action 6 : compléter le portail interministériel d’information et de sensibilisation du public et des professionnels sur l’antibiorésistance avec des informations spécifiques au domaine animal et à ÉcoAntibio
– action 7 : renforcer la connaissance de l’antibiorésistance, la prescription raisonnée des antibiotiques et la promotion des autres moyens de maîtrise des maladies infectieuses dans la formation initiale et continue des professionnels et futurs professionnels
– action 8 : évaluer les mesures mises en œuvre par ÉcoAntibio et en assurer une communication large aux parties prenantes
> Axe 3 : mettre à disposition des outils d’évaluation et de suivi du recours aux antibiotiques, ainsi que des outils pour leur prescription et administration responsables
– action 9 : construire, entretenir et diffuser des outils d’autoévaluation pour les vétérinaires et les éleveurs
– action 10 : construire les bases de données de déclaration des antibiotiques cédés et les dispositifs de valorisation de ces données
– action 11 : élaborer, mettre à jour et diffuser des guides de bonnes pratiques
– action 12 : maîtriser l’usage de la colistine en médecine vétérinaire et développer les outils en permettant un usage raisonné
– action 13 : développer le réseau de vétérinaires référents régionaux en antibiothérapie
– action 14 : surveiller l’évolution de l’antibiorésistance
– action 15 : améliorer les outils biologiques du diagnostic vétérinaire
– action 16 : maintenir l’offre thérapeutique en antibiotiques
– action 17 : évaluer l’encadrement du recours aux antibiotiques dans le cadre la prescription “hors examen clinique systématique”
> Axe 4 : s’assurer de la bonne application des règles de bon usage au niveau national et favoriser leur adoption aux niveaux européen et international
– action 18 : contrôler le respect des règles de prescription, de délivrance et d’administration des antibiotiques, lutter contre les fraudes et les trafics
– action 19 : affirmer et défendre les positions des autorités françaises au niveau européen pour les insérer en droit européen
– action 20 : affirmer et défendre les positions des autorités françaises au niveau international pour les insérer dans les recommandations internationales