
Chez des chats âgés, des dépôts d’amyloïde-β s’accumulent à l’intérieur même des synapses, immédiatement suivis de leur engloutissement par la microglie et, dans une moindre mesure, par les astrocytes.En examinant 25 cerveaux de chats après décès, une étude place le chat comme modèle naturel prometteur pour étudier et traiter la maladie chez l’humain.
La perte synaptique prédit la baisse de mémoire et de fonctions exécutives dans la maladie d’Alzheimer. La microglie, cellule immunitaire du cerveau, pratique un élagage synaptique utile au développement mais qui peut devenir délétère en contexte pathologique, notamment en présence d’amyloïde-β. Plusieurs travaux situent cet élagage microglial au cœur des dysfonctionnements synaptiques dans diverses atteintes neurologiques.
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Une pathologie « au ras de la synapse », objectivée en tissu post-mortem
Par immunomarquage et imageries haute résolution, l’étude visualise l’amyloïde-β dans les synapses et montre sa co-localisation avec des marqueurs d’engloutissement glial : la microglie capture des éléments présynaptiques et postsynaptiques, signature d’un « élagage » pathologique. Ce signal tandem (dépôt synaptique d’Aβ et phagocytose gliale) recoupe l’enchaînement décrit chez l’humain et permet d’inférer un mécanisme direct de perte de connectivité.
Une cascade d’événements moléculaires déjà décrit
Cette convergence n’est pas isolée : dans des modèles murins d’Alzheimer, des cellules périvasculaires sur-expriment la glycoprotéine SPP1/ostéopontine au moment précis où la microglie bascule vers un état hautement phagocytaire, activant des voies du complément et accélérant ainsi l’engloutissement de synapses.
Neutraliser Spp1 atténue ces états et préserve les contacts synaptiques. L’observation féline apporte une validation comparative in situ d’un schéma déjà étayé chez la souris : Aβ → SPP1 → microglie phagocytaire → perte synaptique.
Pourquoi le chat change la donne : un modèle qui vieillit « vrai »
Contrairement aux rongeurs transgéniques, le chat vieillit naturellement et développe spontanément un syndrome clinique de démence. Ici, les lésions pivot (Aβ intrasynaptique) et la réponse effectrice (engloutissement par la microglie/astrocytes) sont détectées dans le tissu cérébral et au niveau des synapses, c’est-à-dire au lieu anatomique le plus corrélé au déclin cognitif. En ce sens, la démence féline fournit un substrat translationnel plus fidèle pour évaluer des interventions qui visent la protection synaptique, la modulation microgliale ou la clairance d’Aβ.
Des cibles thérapeutiques concrètes : moduler la glie, sauver la synapse
Plusieurs stratégies sont envisageables : contrôler les états microgliques induits par SPP1/TREM2-complément, freiner la cascade du complément au voisinage synaptique, accélérer la dégradation d’Aβ.
Des équipes testent déjà des microglies humaines dérivées d’iPSC (cellule souche pluripotente induite) pour sécréter la néprilysine, enzyme qui dégrade l’amyloïde, avec à la clé une réduction de la charge amyloïde et une protection des synapses dans des modèles précliniques.
Le chat, par sa pathologie spontanée et sa cinétique de vieillissement, est un terrain d’essai logique avant la translation clinique humaine.
Des premières conclusions à confirmer
L’étude reste post-mortem et l’effectif est modeste ; elle établit des associations fortes entre Aβ synaptique et engloutissement glial sans capturer la dynamique causale. Les prochaines étapes sont le suivi synaptique in vivo, l’utilisation de biomarqueurs sensibles à l’axe Aβ-glie, et des axes dinterventions ciblant la microglie/complément.
L’intérêt de ce design comparatif humain/félin est de tester des mécanismes au même niveau anatomique, la synapse, là où les molécules échouent souvent faute de cible correctement sélectionnées.
En documentant cette co-localisation lésion-effet au niveau synaptique, la démence féline s’impose comme modèle naturel stratégique pour des thérapies qui visent la glie et la synapse, là où se joue la mémoire.