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Les rongeurs restent des réservoirs de maladies potentiellement mortelles

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Rats et souris sont mondialement et historiquement connus pour être à l’origine de maladies mortelles pour l’humain et même pour d’autres espèces animales. Virus et bactéries ne sont pas les seuls agents pathogènes à prendre en considération. Des champignons qui colonisent les tissus pulmonaires des petits mammifères peuvent également provoquer de graves maladies zoonotiques.

Zoonose : alerte sur les artérivirus responsables de la fièvre hémorragique du singe

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Des scientifiques ont démontré que le virus de la fièvre hémorragique simienne (SHFV) était capable d’infecter et de se multiplier dans les monocytes humains. Pour entrer, il utilise les mêmes clés cellulaires que d’autres virus connus chez l’homme, comme Ebola ou Lassa.

Maladie de Lyme : vers de nouveaux tests plus fiables et multi-espèces ?

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Évoquer la borréliose de Lyme en France, c’est parfois s’attaquer à un tabou. L’efficacité des tests sérologiques en est peut-être à l’origine… Une nouvelle stratégie de diagnostic pourrait jeter un pavé dans la mare.

Bien-être animal… parlons plutôt du bien-être des animaux

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Les conditions de production des animaux élevés pour la consommation alimentaire des humains constituent un important sujet de controverse dans la société. Certains demandent l’arrêt de tout élevage quand d’autres revendiquent la satisfaction d’aspirations alimentaires qu’ils jugent légitimes.

Ce débat porte principalement sur l’éthique animale, l’économie et l’impact environnemental des productions, trois des préoccupations multiples et parfois antagonistes qu’il s’agit de concilier.

Le concept de « bien-être » est au cœur des évolutions actuelles : prise en compte du bien-être des animaux, depuis les programmes de sélection génétique et la conception de leurs milieux de vie jusqu’aux conditions de leur mise à mort ; prise en compte du bien-être des éleveurs qui doivent retirer un juste revenu et une satisfaction personnelle de leur travail.

Il peut sembler anachronique que l’idée même de bien-être appliquée aux animaux d’élevage soit l’objet d’autant de controverses, alors que les bases en sont établies depuis plus de 50 ans, et revisitées récemment à la lumière des connaissances les plus récentes sur les capacités psychiques des animaux. Toutes les données scientifiques convergent sur la reconnaissance d’une vie psychique chez les animaux d’élevage, sujets d’une vie et en relation consciente à leur monde.

De ce fait, le bien-être n’est pas un concept théorique désincarné (« le bien-être animal »), mais doit être appréhendé comme une réalité vécue par des êtres vivants sensibles et conscients dans leur relation à leur milieu de vie (« le bien-être des animaux »).

 

Le rapport Brambell, document pionnier

Dès 1964, l’ouvrage de Ruth Harrison dénonce les conditions d’élevage intensif des animaux utilisés à des fins de production.

Pour répondre à ces critiques, le gouvernement britannique met alors en place un premier comité, le comité Brambell, du nom de son président. Il a pour mission de faire des recommandations et de proposer des normes minimales de bien-être qui satisfassent les besoins fondamentaux des animaux dans les conditions de l’élevage intensif.

En 1965, il produit un rapport considéré comme fondateur des réflexions et des démarches relatives au bien-être des animaux en élevage en Europe.

La première contribution de ce rapport est une définition bien souvent oubliée (chapitre 4, paragraphe 25) :

« Le bien-être [welfare] est un terme large qui embrasse à la fois la condition physique et mentale [well-being] de l’animal. Toute tentative d’évaluation du bien-être doit en conséquence prendre en considération les connaissances scientifiques touchant au ressenti des animaux que l’on peut déduire de leur structure et de leur fonctionnement ainsi que de leur comportement. »

Cette définition faisait déjà référence à l’existence d’états mentaux chez les animaux, point de controverse récurrent entre les parties prenantes. On peut aussi noter qu’elle concerne l’animal en tant qu’individu sensible et conscient. Le rapport analyse également les différents facteurs de risque d’atteinte au bien-être des animaux, de façon générique et par espèce. Il fait ensuite de nombreuses propositions concrètes pour améliorer le bien-être des animaux en élevage.

 

La règle des « cinq libertés »

À la suite de ces recommandations, le gouvernement britannique instaure un second comité d’experts, cette fois-ci permanent, chargé de proposer plus avant des solutions pour améliorer le bien-être des animaux en élevage.

À la fin des années 1970, ce comité met en avant cinq grands principes (les « cinq libertés »), qui ne définissent pas le bien-être mais déclinent les points d’attention pour assurer aux animaux un bien-être satisfaisant :

  • absence de faim, de soif et de malnutrition,
  • absence d’inconfort et de douleur,
  • absence de lésions et de maladies,
  • absence de peur et de détresse,
  • liberté d’exprimer un comportement normal de l’espèce.

Contribution française à la définition

Dès 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a intégré le bien-être des animaux dans le champ des compétences du comité d’experts spécialisé « santé animale », renommé en 2015 « santé et bien-être des animaux ».

Elle a publié en 2018 un avis de prise de position sur le thème « Bien-être animal : contexte, définition et évaluation », qui intègre les connaissances les plus récentes, en s’appuyant notamment sur deux rapports d’expertise scientifique collective de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) sur les douleurs animales et la conscience des animaux.

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Selon l’avis de l’Anses (2018), « le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. ». Cette définition renforce l’importance de la dimension mentale du ressenti de l’animal considéré dans son environnement.

Ainsi, une bonne santé et un niveau de production satisfaisant ne suffisent pas. Il faut se soucier de ce que l’animal ressent : ses perceptions subjectives déplaisantes (peur, stress, douleur et souffrance) mais aussi ses émotions positives (satisfaction, plaisir…).

Cette définition est essentiellement une réaffirmation, à la lumière des progrès scientifiques dans la connaissance des émotions et des états mentaux des animaux, de la définition proposée 53 ans plus tôt par le Comité Brambell.

Validation internationale

Depuis 2001, à la demande de ses États membres, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) s’est positionnée comme contributeur mondial unique de la réflexion sur le bien-être animal.

L’OIE définit le bien-être animal comme « l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt ».

La notion d’état mental des animaux est bien validée par cet organisme de référence qui précise « si la notion de bien-être animal se réfère à l’état [physique et mental] de l’animal, le traitement qu’un animal reçoit est couvert par d’autres termes tels que soins, conditions d’élevage et bientraitance ».

« Bien-être des animaux », pour éclairer le débat

Il y a bien convergence entre ces différents textes de référence pour faire une claire distinction entre le bien-être d’un animal et la bientraitance.

Le bien-être doit être évalué au niveau de l’animal, reconnu tant par la Commission européenne que par la législation française (Code rural et code civil) comme un être vivant doué de sensibilité.

En revanche, la bientraitance fait référence aux modalités de l’action engagée par les humains pour que les animaux tendent vers un état de bien-être, c’est un potentiel de bien-être qui doit être validé par l’animal. Le concept de bien-être n’est pas cependant mobilisable partout. Ainsi, il est évident que parler de bien-être à l’abattoir est un oxymore. On parle plutôt de protection des animaux au cours du transport et à l’abattoir, avec pour objectif la limitation des stress, douleurs et souffrances.

Pour être effectives, les démarches de progrès dans la bientraitance doivent intégrer toutes les dimensions de la santé et du bien-être, des animaux, des éleveurs et de l’environnement, concept connu désormais sous les termes d’une seule santé (« One health ») et d’un seul bien-être (« One welfare »). Elles peuvent s’appuyer sur des bases scientifiques claires et largement partagées.

 

The Conversation

Pierre Mormede, Vétérinaire, chercheur en stress et bien-être des animaux, Inrae; Alain Boissy, Biologiste-éthologiste, directeur de recherche Inrae, Inrae et Pierre Le Neindre, Chercheur, Inrae

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Influenza A : la transmission du virus H1N1 entre porcs et agriculteurs est avérée

Une étude de l’université du Minnesota a évalué le risque de transmission interespèces du virus de la grippe A des porcs aux ouvriers agricoles. Les résultats concernant la propagation de cette zoonose sont sans appel.

Les insectes seront-ils réellement la nourriture du futur ?

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Tom Bry-Chevalier, Université de Lorraine

Lorsque l’on parle de nourriture du futur, un sujet essaime régulièrement dans les médias : celui de la consommation d’insectes. « Alimentation du futur : des insectes dans nos assiettes ? » ; « Et si les insectes étaient la nourriture du futur ? » ; « Pourquoi nous mangerons tous des insectes en 2050 » ; autant de titres suggérant que « postérité » rime avec « criquets ».

Hors d’Occident, l’entomophagie (c’est-à-dire la consommation d’insectes par l’être humain) n’a pourtant rien de futuriste : près de 2 milliards de personnes consomment régulièrement plus de 2 000 espèces d’insectes différentes.

Mais si dans nos contrées nous songeons de plus en plus à croquer ces bestioles, ce n’est pas tant par recherche de nouvelles sensations gustatives que pour l’intérêt que nous leur prêtons sur le plan environnemental.

D’après un rapport de la FAO de 2013 – non étranger au fourmillement récent autour de l’entomophagie – les insectes seraient extraordinairement efficaces pour transformer les aliments en masse corporelle. De surcroît, ils pourraient se nourrir de sous-produits non valorisés par nos systèmes alimentaires, et leur élevage n’émettrait que de faibles quantités de gaz à effet de serre.

Autant de promesses alléchantes pour répondre aux problèmes environnementaux bien réels causés par la production de viande.

Pourtant, malgré l’engouement médiatique, les études scientifiques s’intéressant au potentiel de la consommation d’insectes sur le plan environnemental restent mitigées dans leurs conclusions. Il est donc temps de donner un coup de pied dans la fourmilière et de voir pourquoi, malgré ce qu’on entend, les insectes ne seront peut-être pas la nourriture du futur.

 

Remplacer la viande… ou plutôt la nourrir !

Les insectes sont souvent présentés comme une solution à six pattes pour remplacer la viande. Pourtant, ce n’est pas la toile que tisse l’industrie.

Ainsi, les entreprises françaises Ÿnsect et InnovaFeed (ayant respectivement levé 372 et 165 millions de dollars en 2020, plus que l’ensemble du secteur au cours de toutes les années précédentes réunies) élèvent des insectes pour… l’alimentation animale. Et ces deux exemples ne sont pas isolés. L’élevage d’insectes ne semble donc pas parti pour remplacer l’élevage intensif, mais plutôt pour lui fournir de quoi subsister.

Sans même évoquer la question des enjeux éthiques et sanitaires liés à l’élevage de viande classique, il est important de souligner que cette approche pose potentiellement plus de problèmes qu’elle n’en résout.

D’une part, car les impacts environnementaux de la viande ne se limitent pas à celui de l’alimentation animale. D’autre part, car la production d’insectes n’est pas forcément plus favorable pour l’environnement que l’alimentation animale classique.

Selon une analyse cycle de vie de 2020 (c’est-à-dire une méthode d’évaluation permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multiétape d’un système) : « une comparaison avec les aliments conventionnels a mis en évidence les inconvénients environnementaux des modèles actuels de production d’aliments à base d’insectes (en particulier par rapport aux aliments à base de plantes) ».

Même constat pour cette étude sur Hermetica illucens, l’espèce utilisée par l’entreprise française Innovafeed : « produit à l’échelle pilote, le concentré de protéines (farine d’insecte), tout en étant compétitif par rapport aux produits d’origine animale (lactosérum, protéines d’œuf, farine de poisson) et aux microalgues, a un impact environnemental plus important que les concentrés d’origine végétale ».

Une autre étude sur les vers de farine, la marotte de l’entreprise Ÿnsect, leur trouve également un impact environnemental plus important que les farines de soja ou de poisson.

En résumé, si l’utilisation de farines d’insectes peut parfois être plus écologique que les concentrés d’origine animale pour nourrir les animaux d’élevages, elle ne parvient cependant pas à rivaliser avec les concentrés d’origine végétale.

Par ailleurs, si les promoteurs des insectes vantent l’utilisation de sous-produits issus de l’agriculture (gluten de blé et de maïs, drêches de brasserie, pulpe de betterave, etc.) pour les nourrir, on s’aperçoit que dans la réalité beaucoup d’entreprises préfèrent utiliser des céréales, plus nutritives, plus sûres, et parfois même moins chères.

C’est-à-dire des ressources qui pourraient tout aussi bien être consommées par les animaux d’élevage, voire par les humains. Or, nourrir des insectes avec du maïs avant de les donner à des poulets est intrinsèquement moins efficace que de simplement donner du maïs aux poulets ou aux humains.

Le potentiel des insectes à se nourrir de sous-produits agricoles se heurte ainsi aux lois du marché et à la concurrence pour une même ressource. Car les sous-produits agricoles, loin d’être des déchets, peuvent être utilisés de bien des manières, que ce soit pour pour l’alimentation animale ou pour l’alimentation humaine.

Plus encore, même si des déchets alimentaires étaient utilisés pour nourrir les insectes d’élevage, les bénéfices pour le climat seraient très incertains.

Enfin, les insectes ont besoin d’être élevés dans un environnement où il fait chaud. Dans le cas contraire, ils risquent de grandir bien plus lentement, voire tout simplement de ne pas survivre. Or, chauffer des millions d’insectes en usine nécessite beaucoup d’énergie. Cette dernière n’étant pas forcément décarbonée, cela peut avoir une influence décisive sur l’empreinte carbone du produit final.

En bref, et bien que cela soit actuellement le chemin emprunté par l’industrie, le potentiel environnemental des insectes comme ingrédient miracle pour l’alimentation animale semble limité.

 

L’entomophagie, une solution loin d’être miraculeuse

Mais qu’en est-il de l’entomophagie proprement dite ? Car il s’agit bien de ce bourdonnement dont il est question dans les médias, les œuvres de fiction, et même certains manuels scolaires.

À première vue, il y aurait de quoi être rassuré. Plusieurs études s’accordent en effet sur l’impact environnemental inférieur des insectes face au poulet, qui a lui-même un impact environnemental plus faible que les autres types de viande.

Une analyse cycle de vie datant de 2012 trouve ainsi que les poulets de chair sont associés à des émissions 32 % à 167 % plus élevées en équivalent CO2 que les vers de farine, et qu’ils nécessiteraient deux à trois fois plus de terres et 50 % plus d’eau.

Là où le bât blesse, c’est que ces études ont quasiment toutes été réalisées sur des élevages à petite échelle (comme en Thaïlande ou en Corée, dans des conditions optimales ou impossibles à reproduire en Occident à grande échelle.

Homme derrière un étal présentant plusieurs types d’insectes
Dans les pays traditionnellement consommateurs d’insectes (ici en Thaïlande), les insectes sont généralement prélevés directement dans la nature, ou proviennent de petits élevages.
Moomoobloo/Flickr, CC BY-NC-SA

Or il peut être très difficile de conserver ces bénéfices environnementaux avec le passage à l’échelle industrielle, pourtant nécessaire pour réduire les coûts. De nombreuses interrogations demeurent, par exemple concernant la nourriture utilisée pour nourrir un large élevage d’insectes, et les risques sanitaires possibles.

C’est ainsi qu’une étude s’intéressant au contexte européen arrive à la conclusion que l’élevage d’insectes n’émet pas nécessairement moins d’émissions de gaz à effet de serre que le poulet.

Une alternative qui souffre de la concurrence

Si la performance reste honorable, il ne faut pas oublier un détail essentiel : les insectes ne sont pas les seuls à pouvoir remplacer la viande. Or, pour juger du potentiel d’une solution, il convient de la comparer à l’ensemble des autres alternatives, et pas uniquement à celle qui nous arrange.

On pense notamment aux protéines végétales, déjà largement disponibles sur le marché. Et sur le plan environnemental, il n’y a pas photo : il vaut mieux manger des lentilles et du soja plutôt que des insectes.

Pour qu’une alternative ait du potentiel, il faut également qu’elle rencontre un succès auprès des consommateurs. Et sur ce point on ne peut pas dire que les insectes fassent mouche.

À titre d’exemple, une récente étude de la Food Standards Agency trouve que six personnes interrogées sur dix (60 %) sont prêtes à essayer des protéines végétales, contre seulement un quart (26 %) prêtes à essayer des insectes comestibles.

Pire encore, parmi les personnes ne voulant essayer aucune des alternatives à la viande proposées, 67 % ont déclaré que rien ne pourrait les inciter à essayer de manger des insectes.

Bref, non seulement les insectes ne constituent pas une meilleure alternative que les protéines végétales sur le plan environnemental, mais en plus ils sont bien moins acceptés par les consommateurs.

Pour le titre de « nourriture du futur », il serait donc peut-être sage de laisser nos amis à six pattes tranquilles et de plutôt regarder du côté des protéines végétales, et pourquoi pas des mycoprotéines ou de la viande cultivée.The Conversation

Tom Bry-Chevalier, Doctorant en économie de l’environnement – Viande cultivée et protéines alternatives, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Numérique et agroécologie font-ils bon ménage ? Le cas de l’élevage

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Stéphane Ingrand, Inrae

Contrairement à certaines idées reçues, les agriculteurs possèdent en moyenne plus d’équipements numériques que le reste de la population en France. Ainsi, 67 % d’entre eux possèdent un ordinateur fixe, 60 % un ordinateur portable, 42 % une tablette et 71 % un smartphone.

Le secteur de l’élevage est par ailleurs le plus équipé parmi tous les secteurs de la production agricole : capteurs, logiciels de gestion de troupeau, robots de traite, d’alimentation ou de nettoyage… Les caméras fixes pour la surveillance des animaux constituent par exemple l’équipement le plus répandu dans les fermes.

Que faut-il en penser, quand on connaît les controverses actuelles autour des activités d’élevage ?

Les technologies du numérique seront-elles un levier pour opérer la nécessaire transition agroécologique des systèmes d’élevage, en permettant un suivi plus fin, plus individualisé, en limitant voire en supprimant les traitements curatifs ?

Ou bien sont-elles au contraire incompatibles avec la transition agroécologique, dans la mesure où elles ont un coût élevé, contribuent au réchauffement climatique et se substituent aux compétences humaines (surveillance, pilotage) ?

L’idée d’une possible synergie entre le numérique et l’agroécologie ne fait ainsi pas l’unanimité, y compris au sein de la communauté scientifique.

D’un élevage de clones à un élevage « sur mesure »

Les promoteurs du numérique au service de la transition agroécologique des élevages et de l’agriculture en général défendent l’idée selon laquelle les technologies permettent désormais de tirer parti de la diversité des individus au sein d’un troupeau, et non plus de la subir.

Depuis quelques années, le modèle ultime visé par certains chercheurs était celui d’un troupeau composé de clones, individus tous identiques. Cela était censé permettre de maximiser les performances, tout en simplifiant la conduite.

Il est désormais admis que la diversité est un atout, à condition de savoir la maîtriser.

Grâce à l’évolution des connaissances et aux outils du numérique, il devient possible de suivre les processus biologiques en temps réel, pour chaque individu (pour certaines espèces) et non plus systématiquement sur l’ensemble d’un groupe. C’est le concept d’élevage « sur mesure ».

L’agriculture à l’heure du big data

Rappelons que l’agroécologie repose sur la mobilisation des mécanismes biologiques naturels (processus écologiques), dans l’objectif d’éviter les intrants indésirables, en particulier ceux dont la production fait appel à des ressources non renouvelables, comme les hormones ou les engrais de synthèse, ou encore les médicaments, dont les antibiotiques.

Par exemple, le recours aux légumineuses dans les prairies (trèfle, luzerne…) permet d’économiser des engrais chimiques, grâce à leur aptitude à capter l’azote atmosphérique. Des plantes aux vertus thérapeutiques dans les parcours des volailles élevées en plein air contribuent à préserver la santé des animaux, etc.

Pour appliquer ces principes, le numérique permet la production de données en très grandes quantités (les « big data »), mises en relation entre elles dans le cadre d’une approche systémique. Ce processus d’acquisition de données en grand nombre est appelé le phénotypage à haut débit.

Ces données sont ensuite traitées par des bioinformaticiens, des statisticiens ou encore des spécialistes de l’intelligence artificielle, dont l’objectif est d’identifier des relations entre elles.

Par exemple, des chercheurs ont montré que les porcs ont un répertoire vocal étendu, certains sons pouvant être associés à des émotions positives et d’autres à des émotions négatives. Cela pourrait être utilisé à des fins de surveillance des animaux dans les élevages.

Des capteurs connectés peuvent également permettre une meilleure détection des chaleurs des vaches. INRAE, YouTube.

Le recours massif au numérique n’est toutefois pas sans impact du point de vue environnemental : les infrastructures dont il dépend sont en effet très gourmandes en ressources, et notamment en terres rares.

Les estimations actuelles prévoient ainsi un épuisement de certaines ressources nécessaires au numérique à échéance de moins de 20 ans.

Éviter le risque d’un métier vidé de son contenu

Pour l’éleveur, l’enjeu du numérique en élevage réside dans la plus-value générée par les informations mises à sa disposition.

Ainsi, il est très important d’identifier celles qui sont utiles au pilotage de son système d’élevage, de mieux cerner les usages possibles du numérique et d’éviter de submerger les éleveurs avec des informations. Ils peuvent ainsi garder du sens dans leur métier, et voir leurs compétences valorisées.

Le numérique permet alors aux éleveurs de prendre des décisions éclairées grâce à des données pertinentes, sans laisser des robots décider à leur place.

Les relations humain-animal sont en effet au cœur des activités d’élevage et l’affectivité en fait partie intégrante, avec des notions de plaisir ou au contraire de souffrance au travail. Le recours au numérique ne doit pas faire disparaître ces dimensions au fondement du métier d’éleveur.

Le risque du numérique est de voir son activité vidée de contenu et de sens, les tâches de surveillance des animaux étant transférées vers la surveillance des équipements de monitoring. Cela peut engendrer du stress (alarmes trop nombreuses, pannes, dysfonctionnements) et implique des compétences nouvelles.

En corollaire, la possibilité d’insérer de nouvelles technologies en élevage constitue aussi une source de motivation potentielle pour les jeunes et un moyen de susciter des vocations.

Quel gain économique à terme ?

Le coût parfois élevé de ces technologies constitue un argument majeur contre leur déploiement, en particulier dans les structures de petite taille.

Pour que les éleveurs les intègrent dans leur système, il est nécessaire qu’elles permettent des économies par ailleurs, et que le revenu soit au final au moins égal et si possible supérieur à la situation antérieure (avec un travail plus facile).

Les pistes d’économie permises par ces nouvelles technologies portent essentiellement sur l’aliment et sur les médicaments.

Pour l’alimentation des porcs, par exemple, l’économie potentielle est estimée à 8 % pour les coûts de production, 25 % pour la consommation d’azote et de phosphore, 40 % pour les rejets azotés et 6 % pour les émissions de gaz à effet de serre, si l’on ajuste les apports aux besoins individuels de chaque animal.

Pour les médicaments, un enjeu majeur est de réduire l’usage des antibiotiques et donc le risque d’antibiorésistance, y compris pour les humains. Une détection précoce des anomalies, avant l’apparition de symptômes détectables par l’éleveur, aiderait à aller dans ce sens.

La surveillance des élevages porcins sur la base des vocalisations des animaux, présentée précédemment, en est un exemple. Des systèmes de caméras vidéo dans les étables de vaches laitières, ou dans les bâtiments hébergeant des volailles, permettent également de détecter des anomalies comportementales très précoces, avant que l’éleveur ne puisse les repérer lui-même.

Des applications aussi pour les systèmes agropastoraux

Les systèmes agropastoraux sont des systèmes dans lesquels les animaux explorent des espaces ouverts, avec une végétation spontanée, très diversifiée (les surfaces pastorales incluent les estives, les broussailles, les sous-bois, etc.).

Il est alors très difficile d’avoir une connaissance fine de l’état du système, par exemple la valeur alimentaire de ce que prélèvent les animaux.

Inclure les utilisateurs dans les réflexions

L’évaluation des impacts humains et sociétaux (compétences des éleveurs, pression de surveillance, acceptabilité sociale d’une surveillance de l’animal potentiellement perçue comme « déléguée aux machines ») devra nécessairement être réalisée en collaboration avec les disciplines des sciences sociales et humaines.

Ces travaux doivent bien évidemment inclure les éleveurs eux-mêmes, dans la cadre de suivis, d’enquêtes et surtout de démarches participatives, garante de l’acceptabilité et de l’appropriation des innovations générées. Le développement actuel des réflexions sur les recherches participatives trouve ici un domaine d’application particulièrement adéquat.The Conversation

Stéphane Ingrand, Chef adjoint du département de recherche « Physiologie animale et systèmes d’élevage », Inrae

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Les vagues de chaleur extrême menacent la fertilité des abeilles et provoquent leur mort subite

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Alison McAfee, University of British Columbia

En juin 2021, les températures ont dépassé les 42 °C pendant plusieurs jours dans l’Ouest canadien. La ville de Lytton, en Colombie-Britannique, a même atteint 49,6 °C, soit la température la plus élevée jamais enregistrée au Canada. Des feux de forêt ont ravagé la province, entraînant un état d’urgence qui a duré 56 jours et près de 600 morts subites de plus qu’au même moment en 2020.

Les humains n’ont pas été les seuls affectés par la chaleur. Les apiculteurs de la vallée de l’Okanagan ont signalé la mort anormale de reines d’abeilles, de faux bourdons et de petites colonies. Les faux bourdons, qui sont les mâles reproducteurs, éjaculent spontanément lorsqu’ils meurent des suites d’un stress. Emily Huxter, apicultrice à Armstrong, a vu des dizaines de faux bourdons morts sur les couvercles de ses ruches, leurs organes reproducteurs ressortis.

Un faux bourdon mort pendant la vague de chaleur de juin 2021 en Colombie-Britannique.
(Emily Huxter)

J’étudie la façon dont le stress thermique affecte les abeilles domestiques, et les observations de Mme Huxter reflètent ce que j’ai vu en laboratoire. Nos expériences montrent qu’après six heures à 42 °C, 50 % des abeilles mâles meurent. Ces résultats sont alarmants, mais moins que ceux d’études antérieures. D’autres chercheurs ont constaté que jusqu’à 77 % des mâles mouraient après une exposition à 42 °C pendant seulement quatre heures.

Cela signifie qu’après une vague de chaleur, les nouvelles reines — les femelles reproductrices — auront moins d’occasions de s’accoupler. Les colonies dirigées par des reines qui ne se sont pas accouplées sont plus à risque de s’effondrer, ce qui pourrait poser des problèmes aux agriculteurs qui comptent sur les abeilles domestiques pour polliniser leurs cultures. Cela révèle aussi le risque que les vagues de chaleur font courir aux populations d’insectes sauvages.

 

Pas qu’une question de mort

Fait inquiétant, la fertilité masculine commence probablement à décliner bien avant la mort des faux bourdons. Ainsi, après seulement deux heures à 42 °C, environ un tiers des spermatozoïdes contenus dans les éjaculats des mâles ont péri. Cela signifie que si une abeille mâle survit à un épisode de chaleur, elle est sans doute moins fertile qu’avant. La mort des faux bourdons de Mme Huxter indique que les températures de l’été dernier ont largement atteint le seuil de fertilité, même pour ceux qui ont survécu.

Les reines s’accouplent et conservent le sperme dans un organe de stockage pendant toute leur vie, généralement d’un an à trois ans. Les spermatozoïdes stockés ne sont toutefois pas à l’abri des grandes chaleurs. Les reines exposées à des températures supérieures à 38 °C pendant deux heures ou plus survivent habituellement, mais la viabilité du sperme stocké se détériore et atteint ce que les apiculteurs considèrent comme une « qualité médiocre ».

Les colonies importantes et établies semblent s’être bien portées pendant le dôme de chaleur de 2021, en termes de survie. Cependant, même si la plupart des abeilles ont survécu, la perte de fertilité, tant pour les faux bourdons que pour les reines, signifie qu’elles pourraient tout de même avoir été affectées.

Reine d’abeille
Le Canada importe environ 250 000 reines d’abeilles chaque année.
(Alison McAfee)

Et les insectes sauvages ?

Les abeilles domestiques ne sont pas les seuls insectes dont la chaleur extrême diminue la fertilité. Les chercheurs prévoient que l’aggravation des vagues de chaleur pourrait nuire à la fertilité des coléoptères, des bourdons, des mouches, des papillons de nuit et des guêpes — et ce ne sont là que quelques-uns des insectes chez qui cela a été observé.

Lorsqu’on étudie des populations entières, les tendances sont encore plus préoccupantes. Chez le tribolium de la farine,Tribolium castaneum, les fils de pères stressés par la chaleur peuvent avoir une fertilité réduite, même s’ils n’ont jamais connu de grande chaleur. Les scientifiques s’attendent à un déclin généralisé des bourdons sauvages à mesure que la fréquence des épisodes de chaleur atteindra des extrêmes « intenables ». Et les températures auxquelles les drosophiles mâles perdent leur fertilité expliquent mieux leur répartition géographique que les températures les plus élevées auxquelles elles peuvent survivre.

Bourdon sur des fleurs de myrtille
Les abeilles domestiques sont souvent utilisées pour la pollinisation des bleuets, mais les bourdons sauvages sont également d’excellents pollinisateurs.
(Alison McAfee)

Les abeilles domestiques peuvent toutefois s’adapter à leur environnement et, grâce aux apiculteurs, elles s’adapteront probablement aussi à des températures plus élevées. Les sous-espèces du Moyen-Orient ont une meilleure tolérance au temps chaud et aride que celles originaires d’Europe, par exemple, tandis que les colonies propagées au Canada présentent des signes de sélection pour la tolérance au froid.

Cependant, les colonies d’abeilles ne produisent de nouvelles reines qu’une fois par an environ, lorsqu’elles se préparent à essaimer, c’est-à-dire à produire une nouvelle colonie. Cela signifie que, comparativement aux insectes qui se reproduisent fréquemment, comme les moustiques, elles sont désavantagées pour s’adapter à des conditions qui évoluent rapidement.

Heureusement, les reines peuvent pallier ce désavantage en s’accouplant avec plusieurs mâles, s’ils n’ont pas été tués au cours d’une vague de chaleur. Cela permet d’accroître la diversité génétique de leurs colonies, qui est la base de la sélection naturelle.

Les apiculteurs canadiens importent environ 250 000 reines chaque année, ce qui fournit un flux constant de nouveau matériel génétique. En ce moment, les reines proviennent principalement de Californie et d’Hawaï, mais aussi du Chili, d’Australie, d’Ukraine, de Nouvelle-Zélande, entre autres pays. Cela peut constituer un avantage ou un inconvénient, selon l’équilibre entre la diversité génétique et l’adaptation locale, mais cela favorise de nouvelles combinaisons de gènes qui pourraient s’avérer bénéfiques.

Les abeilles comme baromètres

Malgré les pertes constatées par les apiculteurs, les abeilles domestiques, en tant qu’espèce, survivront fort probablement aux changements climatiques. Mais tous les insectes n’auront pas cette chance. Les reines des bourdons, des guêpes et de nombreuses fourmis, qui sont aussi produites chaque année pendant l’été, s’accouplent généralement avec un ou quelques mâles, avec des possibilités limitées d’apport génétique, et pourraient être moins aptes à s’adapter.

En plus des vagues de chaleur, les insectes sont confrontés à d’autres défis, comme la perte d’habitat, les pesticides et les agents pathogènes. Ainsi, deux mois après la levée de l’état d’urgence en Colombie-Britannique, une inondation dévastatrice a de nouveau déplacé des familles, ainsi qu’un nombre incalculable d’abeilles indigènes qui hibernaient dans le sol.

Les insectes sont des acteurs essentiels des écosystèmes du monde entier, et comme de nombreuses espèces terrestres sont déjà en déclin, il est vital d’étudier l’impact des changements climatiques sur leur fertilité. Nous nous préoccupons des abeilles domestiques parce que nous comptons sur elles pour polliniser les cultures, mais elles ne sont pas les seules dont nous dépendons. Nous savons que les conditions qui ont prévalu pendant le dôme de chaleur de 2021 peuvent réduire la fertilité des abeilles domestiques, ce qui devrait tirer la sonnette d’alarme pour les insectes sauvages qui n’ont personne pour veiller sur eux.

Alison McAfee, Postdoctoral Fellow at UBC and North Carolina State University, University of British Columbia

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

 

La fin des superbactéries passe par un meilleur bien-être animal en élevage

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Par Sandrine Ceurstemont

 

La résistance aux antibiotiques est une menace croissante pour les santés humaine et animale. Des chercheurs en Europe et dans le monde étudient de nouvelles approches pour résoudre le problème. Car l’antibiorésistance est partout. La véritable menace n’est pas tant la résistance elle-même que le mauvais usage des médicaments antimicrobiens.

Sur la piste de l’origine du Covid-19

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Alors que le virus du Covid-19 (coronavirus SARS-CoV-2) continue de circuler et de faire des victimes dans le monde, son origine demeure inconnue. Chaque communauté scientifique avance son hypothèse. Certaines suggèrent la possibilité d’un échappement du virus d’un laboratoire.

Une autre hypothèse, qui s’appuie sur des études récentes en lien avec le marché chinois de Wuhan et d’autres réalisées au Cambodge, Laos, Japon, Chine et Thaïlande, est celle d’une évolution à partir d’un virus ancestral présent chez les chauves-souris, de la famille des Rhinolophes notamment, chez des animaux domestiques ou sauvages, puis du passage du virus de ces animaux à l’homme. En effet, au cours de ces différentes études, plusieurs virus ayant des séquences génétiques très proches du SARS-CoV-2 ont été isolés chez ces chauves-souris.

 

Un chaînon manquant

S’il est maintenant avéré que certaines espèces de chauves-souris hébergent naturellement ces coronavirus, l’identité du ou des animaux domestiques ou sauvages qui auraient servi de relais entre ces dernières et l’homme – chaînons manquants – reste un mystère. Le Pangolin, initialement suspecté, apparaît maintenant plus comme une « victime collatérale » que comme un de ces fameux chaînons manquants. En effet, une séquence du génome de coronavirus qui a été détecté chez des Pangolins était bien apparentée à celle du SARS-CoV-2, mais le reste du génome en était génétiquement trop éloigné.

D’autre part, les pangolins sur lesquels des virus génétiquement proches du SARS-CoV-2 ont été isolés avaient la plupart du temps été confisqués sur des marchés d’animaux vivants, en bout de chaîne commerciale, et avaient donc été en contact prolongé avec d’autres espèces animales. Il est fort probable qu’ils aient été contaminés le long de cette filière et non dans leur milieu naturel. Les élevages de visons ont également été suspectés en Chine.

Enfin, les Pangolins et les Rhinolophes ne partagent pas les mêmes habitats, ce qui rend très improbable un éventuel contact entre les deux espèces, au cours duquel le virus serait passé d’une chauve-souris à un pangolin. Civettes et/ou chiens viverrins pourraient quant à eux constituer un réservoir intermédiaire pour le SARS-CoV-1). Les rongeurs ou primates peuvent également être porteurs de pathogènes à potentiel zoonotique, tels que les Hantavirus qui peuvent notamment entraîner une fièvre hémorragique avec syndrome rénal grave ou les Filovirus, dont le virus de la maladie Ebola. Ce dernier est transmis à l’homme par les animaux sauvages, notamment la roussette, le porc-épic et les primates tels que les chimpanzés ou les gorilles, et se propage ensuite dans la population humaine essentiellement par contact direct avec le sang, les sécrétions et autres fluides corporels des personnes infectées. Le taux de létalité moyen des cas est d’environ 50 %.

En 2013, de premiers cas de maladie à virus Ebola (MVE) étaient détectés en Afrique de l’Ouest. Cette émergence engendrera plus de 10 000 décès principalement en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.

 

Alors que le virus du Covid-19 (coronavirus SARS-CoV-2) continue de circuler et de faire des victimes dans le monde, son origine demeure inconnue. Chaque communauté scientifique avance son hypothèse. Certaines suggèrent la possibilité d’un échappement du virus d’un laboratoire

 

La consommation de viande de brousse : une pratique à risque

Les risques de transmission des animaux à l’homme, phénomène dit de spillover, que ce soit pendant la chasse, la manipulation des animaux ou la consommation de la viande sauvage sont donc réels et potentiellement dévastateurs.

C’est à la caractérisation et la quantification de ce risque, au Cambodge, que le projet ZooCov, a exploré au travers d’une approche « Une seule Santé », pendant presque 2 ans et depuis le début de la pandémie, si oui, et comment, des pathogènes tels que les coronavirus pouvaient être transmis des animaux sauvages, chassés et consommés, à l’homme.

En effet, en Asie du Sud Est, le commerce d’animaux sauvages et la consommation de viande de brousse sont une pratique courante. Souvent opportuniste, cette consommation vient dans certaines communautés compléter un régime pauvre en protéines. Elle peut également être régulière et ciblée. Au Cambodge, sur 107 familles interviewées pendant ZooCov, 77 % déclaraient avoir consommé de la viande de brousse le mois précédent.

L’utilisation à des fins médicinales est également très répandue. Au Vietnam, l’analyse des rapports de confiscations de Pangolins et produits dérivés réalisée entre 2016 et 2020 par les autorités vietnamiennes font état de 1 342 Pangolins vivants (6 330 kg), 759 pangolins morts ou de carcasses (3 305 kg), et de 43 902 kg d’écailles.

Mais, cette consommation revêt également un aspect culturel et social encore mal appréhendé. Pour des classes aisées, et souvent dans les grandes villes, cette consommation peut être motivée par un besoin de reconnaissance sociale, des croyances selon lesquelles le consommateur de cette viande s’approprie les vertus physiques ou physiologiques de l’animal consommé, ou bien par une volonté de s’inscrire en faux face à la consommation d’une viande industrielle néfaste pour la santé. L’élevage de faune pour répondre à cette demande, et/ou à la production de fourrure est également répandu.

Au Cambodge, dans les provinces de Stung Treng et du Mondolkiri où des aires protégées forestières subsistent, plus de 900 personnes qui vivent en périphérie de ces forêts ont été interviewées pour tenter d’analyser les structures et fonctionnements des filières commerciales, illégales, de viande de brousse. Des analyses statistiques sont en cours pour identifier les personnes les plus à risque d’être en contact avec de tels pathogènes. On sait d’ores et déjà que les personnes exposées sont principalement des hommes jeunes, et de la classe moyenne. Certaines communautés sont également plus exposées que d’autres. Des enquêtes sociologiques ont également permis de mieux comprendre le contexte actuel – l’encadrement juridique, les profils des acteurs de ce commerce, leurs freins et leurs motivations, liés au commerce d’animaux sauvages et leur consommation, et l’évolution de ce contexte au fil des différentes crises sanitaires (Grippe aviaire, Ebola, SARS-CoV-1…).

 

Quelles populations peuvent-elles être en danger ?

Ces crises successives semblent avoir peu d’impact sur les pratiques de ces communautés. Au-delà d’une consommation régulière, un quart des familles interviewées rapportaient encore une activité de chasse ou de piégeage, et 11 % déclaraient vendre de la viande de brousse et/ou des animaux sauvages. Par ailleurs, et dans les mêmes sites d’étude, plus de 2000 prélèvements d’animaux sauvages faisant l’objet de trafic, ou d’une consommation de subsistance – chauve-souris, rongeurs, tortues, singes, oiseaux, cochons sauvages, etc. ont été analysés. Certains des échantillons ont été testés positifs pour des coronavirus notamment, et sont en cours d’analyses à l’Institut Pasteur du Cambodge (IPC) pour séquencer le génome et en apprendre plus sur son origine, son évolution et son potentiel zoonotique. Enfin, des prises de sang ont été réalisées sur plus de 900 personnes enquêtées dans la même zone pour savoir si ces dernières avaient été en contact avec un/des coronavirus. Les analyses sont encore en cours, mais on sait d’ores et déjà que ces personnes n’avaient pas, au moment de l’enquête, été exposées au SARS-CoV-2.

La crise Covid l’a clairement démontré : il est essentiel de détecter précocement ces émergences pour mettre en place le plus rapidement possible des mesures qui empêchent la propagation des pathogènes. Et si beaucoup de questions subsistent quant aux mécanismes d’émergence, il en va logiquement de même pour les systèmes de surveillance à mettre en place pour les surveiller. Les résultats du projet ZooCov seront utilisés pour développer un système de détection précoce des évènements de spill-over des virus zoonotiques, notamment en renforçant le système de surveillance de la santé de la faune sauvage déjà existant au Cambodge et mis en place par le Wildlife Conservation Society WCS. D’autres importants projets de recherche et de développement contribueront à la compréhension de ces phénomènes d’émergences, à leur prévention et à leur détection précoce.


Les auteurs remercient les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Élevage, et de l’Environnement du Cambodge, ainsi que tous les partenaires du projet : Institut Pasteur du Cambodge (IPC), Wildlife Conservation Society (WCS) Flora and Fauna International (FFI), Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Hongkong University (HKU), Réseau GREASE, International Development Enterprise (iDE), World Wildlife Fund (WWF), Elephant Livelihood Initiative Environment (E.L.I.E), BirdLife International, Jahoo, World Hope International.

Véronique Chevalier, Veterinarian epidemiologist, Cirad; François Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, Cirad, and Julia Guillebaud, Ingénieure de recherche , Institut Pasteur

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Zoonoses : les virus West Nile et Usutu circulent dans les populations d’oiseaux

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