jeudi, juillet 3, 2025
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Pesticides et hérissons : une cohabitation toxique révélée par la science

Longtemps mascotte discrète des jardins européens, le hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus) est aujourd’hui au cœur d’une inquiétante alerte environnementale. Une étude danoise récemment publiée dans Frontiers in Veterinary Science lève le voile sur la contamination généralisée de ces petits mammifères par une multitude de pesticides. Un signal d’alarme de plus pour une espèce déjà classée vulnérable dans de nombreux pays européens.

 

Des pesticides omniprésents dans l’organisme des hérissons

Conduite au Danemark, cette étude s’est appuyée sur l’analyse toxicologique de 115 échantillons de foie de hérissons morts en 2016. L’objectif ? Rechercher la présence de 19 substances chimiques, dont des rodenticides, des insecticides et des herbicides. Les résultats sont édifiants : 84 % des échantillons contenaient au moins un rodenticide, 50 % un herbicide, et 43 % un insecticide. Plus grave encore, près de 80 % des hérissons présentaient plusieurs résidus, certains jusqu’à neuf pesticides différents.

Parmi les substances les plus fréquemment détectées figurent :

  • la bromadiolone, un pesticide anticoagulant mortel pour les rongeurs (dans 79 % des cas) ;
  • l’imidaclopride, un néonicotinoïde largement décrié pour ses effets sur les insectes pollinisateurs (dans 35 % des cas) ;
  • le métamitron, un herbicide (dans 29 % des cas).

Si ces chiffres ne permettent pas encore d’évaluer précisément les risques létaux ou sublétaux pour les hérissons, l’exposition chronique est avérée.

 

Des différences géographiques révélatrices

L’étude met également en lumière des disparités régionales significatives entre l’est et l’ouest du Danemark, reflet probable de pratiques agricoles différenciées. Cette dimension géospatiale, rarement explorée dans les études sur la faune sauvage, souligne l’importance d’un suivi territorial affiné.

 

Une menace identifiée en France

Le phénomène n’est pas cantonné au Danemark. En France, le Centre d’hébergement et d’étude sur la nature et l’environnement (Chene) mène depuis 2019 une vaste enquête sur les causes de mortalité des hérissons. Ses analyses mettent en évidence un taux préoccupant de mortalité chez les juvéniles, souvent liés à des maladies chroniques, à la circulation routière et à l’exposition aux produits chimiques agricoles. D’autres études signalent que près de 80 % des hérissons ont disparu en France en deux décennies. Parmi les principaux coupables : les pesticides et les appâts rodenticides, mais aussi les pièges mécaniques, encore trop utilisés dans les jardins.

 

Une sentinelle de l’environnement en danger

Considéré comme un bon bio-indicateur, le hérisson est une sentinelle de la biodiversité urbaine et rurale. Son alimentation (vers, limaces, insectes) et son comportement le rendent particulièrement vulnérable à la bioaccumulation des contaminants. Comme le note l’étude danoise, il n’existe à ce jour aucun seuil toxicologique spécifique pour cette espèce, ce qui complique l’évaluation des effets à long terme.

 

Une nécessaire vigilance réglementaire

Alors que l’Union européenne débat de la réautorisation de certains pesticides controversés, ces données viennent alimenter les appels à renforcer les restrictions d’usage, y compris pour les produits vendus aux particuliers. Selon les scientifiques, une surveillance systématique et multi-espèces s’impose afin de mieux comprendre les effets cumulés des substances chimiques sur la faune sauvage.

La contamination des écosystèmes ne concerne pas uniquement les pollinisateurs ou les rivières. Le hérisson, pourtant si familier, est devenu malgré lui le témoin silencieux d’un empoisonnement diffus du vivant. Il est temps de l’écouter…

 

Diarrhée aiguë chez le chien : des races plus à risque que d’autres ?

Une étude britannique apporte un nouvel éclairage sur la diarrhée aiguë canine. Menée sur plus de deux millions de chiens, cette enquête révèle que certaines races sont davantage prédisposées à développer ce trouble digestif courant.

Villes envahies : les rats, révélateurs d’un malaise global

Urbanisation, changement climatique, prolifération silencieuse : un fléau urbain s’installe aux quatre coins du globe. Des égouts de Paris aux rues de New York, des canaux d’Amsterdam aux zones inondées de Singapour, les rats ne sont plus de simples nuisibles. Ils incarnent désormais un enjeu sanitaire mondial et représentent un défi pour les métropoles du XXIe siècle.

L’impact de la pandémie de Covid-19 sur la gestion des troubles urinaires chez le chat

Une étude récente publiée dans Frontiers in Veterinary Science met en lumière les effets de la pandémie de Covid-19 sur la gestion des troubles des voies urinaires basses chez les chats domestiques. Cette étude analyse les différences entre les périodes avant et pendant la pandémie, en se concentrant sur l’impact de la présence accrue des propriétaires à domicile sur la santé des animaux.

Covid-19 : près d’un chat sur deux exposé au coronavirus au Pérou

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Une étude menée à Lima, au Pérou, révèle qu’une proportion étonnamment élevée de chats domestiques a été exposée au Sars-CoV-2 pendant la première vague de la pandémie. Publiée dans Frontiers in Veterinary Science, l’étude indique que près de 44 % des chats testés possédaient des anticorps contre le coronavirus, soulignant l’ampleur de la transmission entre humains et animaux de compagnie.

Vaccination : l’impact des antivax sur le statut sanitaire des animaux de compagnie

Une étude menée aux États-Unis montre le lien entre la couverture vaccinale des animaux de compagnie et la position des propriétaires en matière de vaccins en santé humaine. Les personnes qui hésitent à se faire vacciner ou à faire vacciner leurs enfants seraient ainsi davantage réticentes à administrer les vaccins recommandés à leurs animaux de compagnie.

Grandir à la ferme, c’est bon pour le microbiote et ça pourrait aussi protéger des allergies

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Être élevé à la ferme favorise l’exposition à une diversité de microorganismes, ce qui se révèle bénéfique pour la maturation du microbiote intestinal du jeune enfant et pourrait aider à prévenir certaines allergies. On fait le point sur les données scientifiques disponibles.


Bon nombre de progrès de la microbiologie moderne ont reposé sur l’analyse des microorganismes pathogènes pour les animaux et les humains. Certes, ils ont grandement contribué à la diminution de la mortalité maternelle et infantile et à l’augmentation de la durée de vie partout dans le monde.

Cependant, il ne faudrait pas oublier que, dès les débuts de cette science, avant de se tourner vers les pathogènes problématiques pour la santé publique, Louis Pasteur s’était d’abord intéressé aux « bons microbes », ceux à l’œuvre dans les fermentations indispensables à la production du vin et de la bière.

 

Des microorganismes en lien avec le sol, les océans, les animaux

Les microorganismes pathogènes ne sont en fait qu’une infime partie du monde des microbes : bactéries, virus, parasites et champignons microscopiques, les microorganismes sont partout. Et ils sont souvent indispensables : dans le sol où ils établissent des relations privilégiées avec les racines des plantes, au fond des océans où ils développent des formes de vie originales dans des conditions extrêmes et chez les animaux, dont les êtres humains.

Dans ce cas, il s’agit de la « flore », comme on l’appelait jadis, du « microbiote », comme on le désigne aujourd’hui, présent dans la cavité buccale, l’arbre respiratoire, l’intestin, le vagin, la peau… On découvre chaque jour de nouvelles relations de ces microbiotes et tout particulièrement du microbiote intestinal, avec le système immunitaire, le métabolisme général et hormonal, et même avec le cerveau.

 

Augmentation des allergies : quels liens avec le microbiote ?

Le XIXe puis le XXe siècles ont été marqués dans les pays occidentaux par des changements sociétaux considérables, dont l’urbanisation croissante, l’hygiène, toujours considérée comme un progrès, et la perte progressive de contacts avec un environnement rural traditionnel à base d’agriculture et d’élevage.

Le phénomène s’est accéléré et mondialisé depuis les années 1950 et un nouvel intérêt pour les fonctions du microbiote humain, à la fin des années 1990, a coïncidé avec des observations épidémiologiques un peu surprenantes : l’augmentation en fréquence de maladies qui étaient auparavant plutôt rares, comme les allergies, les maladies auto-immunes ou les maladies inflammatoires de l’intestin.

La recherche sur les causes de l’augmentation sans précédent des allergies dites « atopiques » (asthme, rhinite allergique dont le rhume des foins, dermatite atopique, certaines formes d’allergie alimentaire) est emblématique d’une démarche scientifique.

Elle débute par des observations épidémiologiques : près de 5 % de maladies allergiques dans les pays européens à la fin des années 1940, près de 40 % dans les années 1990-2000… Puis, elle les analyse à l’aide d’études « transversales » en comparant des populations diversement exposées un peu partout dans le monde. Enfin, elle confirme les résultats avec un suivi de cohortes sur le long terme qui permet aussi d’en comprendre les mécanismes.

 

Les limites de l’« hypothèse hygiéniste »

L’augmentation des maladies allergiques dans les pays dits « développés » a d’abord été attribuée à la pollution des villes, et la plupart des recherches se sont concentrées sur cette explication. Il existe bien un lien de dépendance entre la gravité des symptômes des allergies respiratoires (rhinite et asthme) et la pollution. Mais la pollution n’est pas à l’origine de l’augmentation du nombre de personnes allergiques dans une population.

Plutôt qu’un effet délétère de la vie en ville, ne s’agirait-il pas de la perte de facteurs protecteurs associés à la vie à la campagne, de la perte d’un certain style de vie rural traditionnel ? Au XIXe siècle déjà, un médecin anglais fit remarquer que les rares enfants atteints de rhume des foins dans les campagnes n’étaient pas ceux des paysans, les plus exposés au foin, mais ceux des châtelains des villages qu’il avait en charge ! Une maladie de riches !

Dans les années 1990, l’hypothèse d’une moindre exposition aux microbes pour expliquer l’augmentation des allergies s’est imposée à partir d’observations d’enfants allergiques qui avaient cette moindre exposition en commun : naissance par césarienne, mères traitées par antibiotiques pendant leur grossesse, enfants uniques, familles de niveau socioéconomique élevé, traitements fréquents par antibiotiques, pas de fréquentation de crèches collectives… Ainsi est née l’hypothèse dite « de l’hygiène », conceptualisée par un allergologue anglais David P. Strachan.

Les progrès de l’hygiène seraient-ils donc à l’origine de l’augmentation des maladies allergiques dans la deuxième moitié du 19e siècle ? Les études faites dans le milieu rural de la moyenne montagne alpine par un groupe de chercheurs, confirmées par d’autres études dans des pays différents, ont rapidement montré que « l’hypothèse hygiéniste » était réductrice.

En effet, ces chercheurs ont observé qu’il y avait beaucoup moins de manifestations d’allergie chez les enfants vivant à la ferme, nés de parents eux-mêmes déjà enfants de fermiers. Ils ont aussi montré que les enfants qui avaient consommé du lait cru pendant leur petite enfance, et dont les mères avaient consommé du lait cru pendant leur grossesse, étaient aussi « protégés » contre l’apparition de maladies allergiques, qu’ils vivent ou non à la ferme.

Cette observation était inattendue, et un peu dérangeante, car en contradiction avec les efforts de contrôle des pathogènes par la pasteurisation du lait et les recommandations des pouvoirs publics concernant les produits laitiers « au lait cru »…

 

Être élevé à la ferme favorise l’exposition à une diversité de microorganismes, ce qui se révèle bénéfique pour la maturation du microbiote intestinal du jeune enfant et pourrait aider à prévenir certaines allergies

 

Des travaux de recherche pour confirmer les observations

De la volonté d’asseoir ces résultats par une méthodologie stricte est née la cohorte européenne « Pasture » qui a comparé, depuis le troisième trimestre de grossesse de leurs mères et pendant dix-huit ans, 500 enfants allemands, autrichiens, finlandais, français et suisses vivant dans une ferme d’élevage et 500 des mêmes milieux ruraux, mais ne vivant pas dans une ferme. Ses résultats confirment totalement ceux des études « en population » et apportent de nombreux éléments complémentaires.

La vie à la ferme et le contact avec les animaux « protègent » effectivement contre la survenue des manifestations d’allergie pendant l’enfance, et ce, d’autant plus lorsque la mère a vécu elle-même à la ferme, qu’elle a passé du temps dans l’étable et dans la grange et qu’elle a été en contact avec une grande diversité d’animaux.

Il conviendrait toutefois d’établir une distinction entre différents types d’élevages et d’exploitations agricoles plus ou moins vertueuses pour favoriser la diversité microbienne : élevage intensifs ou de petites tailles, animaux traités ou non avec des antibiotiques, recours ou non aux pesticides, etc.

Indépendamment de la vie à la ferme, la consommation de lait cru et celle de produits laitiers (beurre, yoghourts, fromages) « de la ferme » sont aussi protectrices, de même que la consommation (dès la diversification alimentaire, elle-même « protectrice » quand elle est précoce) d’une grande diversité de fromages.

En France, les autorités de santé recommandent aux jeunes enfants et, particulièrement, à ceux de moins de 5 ans, aux femmes enceintes ainsi qu’aux personnes immunodéprimées, de ne pas consommer de lait cru ni de fromages au lait cru, à l’exception de fromages à « pâte pressée cuite » tels que le comté, le beaufort, le gruyère, l’emmental, dont la fabrication comporte un chauffage du lait et un affinage long (ndlr).

Quel que soit le facteur protecteur considéré, c’est la diversité des expositions microbiennes, plus que leur quantité, qui est en relation avec la protection.

Cette protection contre les allergies est associée à une orientation particulière du système immunitaire, en équilibre entre défense contre les microbes pathogènes (l’étude a montré que la consommation de lait cru protégeait aussi contre les infections de la première année de vie des enfants) et tolérance vis-à-vis des microbes non pathogènes et des protéines de l’alimentation.

 

Une maturation du microbiote intestinal chez le jeune enfant

Cette orientation du système immunitaire est conférée à l’enfant dès la vie fœtale, du fait des expositions environnementales de sa mère, et renforcée par l’exposition de l’enfant dans les quatre premières années de vie. Elle est en relation avec une maturation optimale du microbiote intestinal pendant la première année de vie.

Que le développement du système immunitaire dépende du microbiote intestinal n’est pas une découverte récente… mais elle a peut-être été facilement oubliée tant les microbes sont associés à la « saleté » et le microbiote à des fonctions intestinales considérées comme peu nobles !

Les fromages, une source de biodiversité microbienne

Les découvertes faites dans le domaine des allergies réhabilitent la notion d’écosystèmes microbiens intestinaux inséparables de notre survie. Les conséquences d’un déséquilibre du microbiote intestinal sur la survenue de pathologies comme l’obésité ou la dépression sont désormais étudiées. De nombreux arguments militent en faveur de son rôle dans les maladies inflammatoires chroniques, par un mécanisme proche de celui mis en jeu dans les allergies.

En attendant, dans l’alimentation européenne actuelle où s’est beaucoup réduite la part des aliments fermentés, les fromages restent les principales sources de biodiversité microbienne, comme le souligne le Livre blanc « Bénéfices et risques pour la santé de la consommation de fromages » qui fait la synthèse des connaissances scientifiques les plus récentes.

Le rôle des microorganismes non pathogènes dans le développement du système immunitaire et la prévention des « maladies de la modernité », dont les allergies, est un argument supplémentaire pour préserver la biodiversité microbienne.

Il ne peut qu’inciter à trouver des solutions, inspirées des résultats de la recherche, pour maintenir une exposition suffisante à cette biodiversité, qu’elle soit environnementale ou nutritionnelle, en particulier chez les enfants dans leurs premières années de vie.The Conversation

Dominique Angèle Vuitton, Professeure émérite d’Immunologie Clinique; Université de Franche-Comté, Université de Franche-Comté

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Jouer 15 minutes avec un chien réduit le stress chez l’humain et l’animal

Des tests salivaires et fécaux ont montré que les niveaux de cortisol canin étaient plus bas une semaine après avoir passé du temps avec un humain et que les niveaux de stress autodéclarés des étudiants diminuaient de 33,5 % après avoir interagi avec un chien.

Enseignement vétérinaire : VetAgro Sup (36e) et l’ENV d’Alfort (49e) dans le classement 2025 des meilleures écoles mondiales

Le top 50 des meilleures écoles vétérinaires à l’échelle mondiale vient d’être publié, pour la onzième année consécutive. Cinquante des plus grandes universités internationales dans le domaine des sciences vétérinaires sont ainsi comparées et classées dans le QS World University Rankings, issues d’une vingtaine de pays. En Europe, la France classe les écoles de Lyon et de Maisons-Alfort dans le top 50, en 36e position pour VetAgro Sup qui gagne deux places, et au 49e rang pour l’École nationale vétérinaire d’Alfort qui recule de six places.

L’étude de l’avortement chez la jument nous éclaire sur les causes des fausses couches chez la femme

Une étude menée à l’université Cornell offre un point de vue novateur sur les causes de la perte de grossesse précoce, tant chez les chevaux que chez les humains. Les chercheurs ont découvert qu’une proportion significative d’avortements chez la jument (42 % au cours des deux premiers mois de gestation) était liée à une anomalie chromosomique appelée triploïdie. Cette recherche apporte des éclairages sur les causes génétiques de l’avortement spontané, avec des implications possibles pour la grossesse chez la femme.

Changement climatique : quel impact sur les maladies virales des poissons ?

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Déjà fragilisées par les activités humaines et la dégradation globale de leur environnement, les populations de poissons sauvages marins subissent déjà toutes les conséquences du dérèglement climatique sur la qualité et la circulation des eaux.

Plusieurs virus piscicoles particulièrement agressifs trouvent des conditions favorables à leur multiplication et à leur dissémination. Ces virus ont un impact important sur la santé de la faune sauvage et sur celle des poissons d’élevages, alors même que la population humaine montre un intérêt toujours croissant pour ces ressources animales.

 

À l’échelle mondiale, l’année 2024 est l’année la plus chaude jamais enregistrée pour les eaux de surface ainsi que pour les eaux de profondeur (plus de 2000 mètres de profondeur). Des phénomènes extrêmes touchent d’ores et déjà les mers et les océans et vont s’intensifier à l’avenir, à l’instar des « canicules marines » (périodes de chaleur extrême touchant les eaux de surface, de quelques jours à quelques semaines, sur une grande étendue) telles que celles subies par le littoral français ces dernières années.

Ces canicules marines ont des effets délétères directs sur nombre d’organismes marins qui ne supportent pas de tels niveaux de température, typiquement les coraux. Mais elles génèrent aussi des effets indirects qui peuvent être tout aussi dévastateurs : c’est le cas des maladies infectieuses affectant les poissons marins, et en particulier celles causées par les virus.

Très peu médiatisées, les maladies virales des poissons sont néanmoins quotidiennement responsables de pertes économiques conséquentes dans la plupart des élevages dans le monde, toutes espèces confondues (saumon, bar daurade, tilapia, etc.).

Dans les années 2000, les épisodes de mortalité de saumons due au virus ISAV ont ainsi coûté près de 2 milliards de dollars à l’économie chilienne, qui était devenue la deuxième productrice mondiale de saumons d’élevage et qui a mis plusieurs années pour surmonter cette grave crise sanitaire.

La faune sauvage n’est pas non plus épargnée par des virus très pathogènes, certains étant d’ailleurs disséminés en grande quantité par les élevages localisés dans le milieu marin.

À l’été 2024, le virus RGNNV a décimé bon nombre de poissons de la faune sauvage dans le sud de l’Italie et la Grèce, en pleine canicule marine avec des pointes de température proches de 30 °C. Trois espèces de mérous ont été particulièrement affectées dont le mérou brun, espèce très sensible et considérée comme patrimoniale en France. De surcroît, pour la première fois, le virus a touché plusieurs espèces de poissons jusque-là à l’abri, comme le grondin volant, étendant encore un peu plus le spectre d’hôtes déjà large de ce virus qui touche plusieurs dizaines d’espèces.

Si les pics de chaleurs se multiplient dans les prochaines années, comme les scénarios le prédisent, il est à craindre que la mortalité due à ce virus continue de progresser dans tout le bassin Méditerranéen, et affecte encore une fois les élevages et la faune sauvage du littoral sud de la France.

 

Un océan de virus

Pour bien comprendre la menace, il faut réaliser que les virus constituent l’entité biologique la plus abondante des océans, et qu’une simple goutte d’eau de mer contient entre 1 et 100 millions de particules virales, toutes invisibles à nos yeux.

Si la grande majorité des virus aquatiques sont des bactériophages (virus infectant les bactéries), plusieurs familles virales s’avèrent avoir pour hôtes des organismes plus évolués tels que le plancton, les mollusques, les crustacés, les poissons ou encore les mammifères marins. Les virus sont ubiquitaires et ont colonisé la totalité des écosystèmes aquatiques du globe, incluant les eaux de surface et celles des abysses, formant ce qu’on pourrait qualifier une « matière noire » des océans. Le réservoir génétique global constitué par les virus aquatiques est donc quasi infini, d’autant qu’il évolue continuellement par les effets combinés des mutations et de l’adaptation aux hôtes et à l’environnement (rappelons que les génomes viraux mutent souvent beaucoup plus vite que ceux de leurs hôtes).

 

La température, facteur clé des maladies infectieuses des poissons

Une des conséquences directes du réchauffement des eaux est la baisse de leur concentration en oxygène. Le réchauffement affecte donc tout particulièrement les espèces de poissons nécessitant des taux d’oxygénation importants, parmi lesquelles les saumons et les truites notamment.

photo d’œil de poisson
L’œil d’un mérou brun. Cet organe est, parmi les tissus nerveux, l’une des cibles du betanodavirus.
Sandrine Ruitton, Fourni par l’auteur

Certains des virus les plus fréquemment détectés dans les élevages de salmonidés dans le monde, les Piscine reovirus (PRV) et Piscine myocardite virus (PMCV), ciblent les tissus du cœur et les globules rouges, ainsi que les branchies. On peut donc imaginer les effets conjugués de la réduction de la capacité respiratoire des poissons provoquée par un virus et du manque d’oxygène dans une eau trop chaude. Ainsi, lors d’un épisode de chaleur touchant des cages à saumons à Terre-Neuve l’été 2019, les saumons montraient des activités métaboliques et des rythmes cardiaques accrus, révélant un stress aigu. C’est cependant l’interaction entre l’infection des saumons par des pathogènes et la température de l’eau qui a provoqué de fortes mortalités, jusqu’à 100 % sur certains sites.

Un autre paramètre à prendre en compte est la capacité de certains virus à se multiplier davantage dans leurs hôtes en conditions de températures élevées. Les protéines des virus seraient plus actives dans une certaine gamme de température conduisant ainsi à une production virale accélérée. En laboratoire, on peut démontrer qu’un virus RGNNV inoculé expérimentalement à des soles peut voir sa virulence dramatiquement augmenter avec la température, causant un taux de mortalité limité à 8 % quand l’eau est maintenue à 16 °C mais atteignant 100 % à 22 °C.

 

Des tropiques aux zones en réchauffement

Le RGNNV qui a décimé les mérous l’été dernier n’est pas le seul virus adapté aux eaux chaudes. D’autres virus encore absents ou à peine émergents en Méditerranée à ce jour pourraient y être introduits et provoquer des « épizooties » (épidémies des animaux, à propagation rapide) incontrôlables, par exemple les megalocytivirus.

À plusieurs égards, la Méditerranée est une zone idéale pour l’introduction et l’adaptation de virus exotiques. C’est une zone commerciale traversée par de nombreux cargos venant d’autres mers ou océans et susceptibles de transporter des virus dans les eaux de ballast. Depuis l’ouverture et l’élargissement du canal de Suez, elle est colonisée par de multiples espèces de poissons venant de la mer Rouge, par exemple, le poisson-lion. Celles-ci sont susceptibles de contaminer les espèces endémiques, qu’elles soient en élevages ou sauvages, avec des virus exotiques.

Une autre voie d’entrée de virus exotiques est le commerce international de poissons. Ainsi, des poissons ornementaux, transportés par avion depuis l’Amérique du Sud, ont été diagnostiqués positifs à un megalocytivirus sur le territoire européen. C’est loin d’être anecdotique : l’intense et a priori anodin commerce international de poissons exotiques représente en fait un risque majeur d’introductions de virus hautement virulents pour les poissons indigènes.

 

Que faire contre les maladies virales émergentes ?

Il est difficile de contrôler les épizooties dans un milieu aussi vaste et ouvert qu’une mer ou un océan. Néanmoins, la surveillance des élevages et de la faune sauvage doit être intensifiée afin de limiter les introductions et la dissémination de virus. Pour cet effort, des outils de diagnostic performants doivent bien sûr être disponibles et les acteurs du monde piscicole sensibilisés.

En plus de la quarantaine pour les importations de poissons d’élevage, les actions doivent porter sur la détection précoce des populations virales, d’une part au niveau des élevages, pour tenter d’éradiquer tout nouveau pathogène en sacrifiant la population de poissons dans le cas d’un élevage, et d’autre part au niveau de l’eau elle-même, en analysant l’« ADN environnemental » (ADN présent dans l’environnement) qui contient des séquences génomiques de virus connus et inconnus.The Conversation

Laurent Bigarré, Chargé de projet, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

Influenza H5N1 : un virus de la grippe aviaire transmissible par voie aérienne entre mammifères

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Un article de la revue Nature décrit le mode de transmission de l’influenza A (H5N1) et la façon dont le virus se propage dans l’air. Les chercheurs ont utilisé des dispositifs de prélèvement des particules virales dans l’air pour échantillonner continuellement les virus de l’influenza excrétés par des furets infectés expérimentalement. Ils ont constaté que la charge virale dans l’air correspondait à la dynamique de transmission du virus par contact d’un animal à l’autre.

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