Le projet de loi de santé est examiné ce mardi par l’Assemblée nationale, en première lecture et en procédure accélérée. Le texte, défendu par la ministre de la Santé Marisol Touraine, a été retardé plusieurs fois et a suscité la colère des médecins, qui seront de nouveau en grève aujourd’hui. Le vote de la loi est programmé pour le 14 avril.
Le projet de loi relatif à la santé, présenté en conseil des ministres le 15 octobre 2014, est destiné à réformer le système actuel. Parmi ses mesures clés, il y a l’extension du tiers payant, la fameuse dispense d’avance des frais de santé. Or les médecins n’en veulent pas, car elle représente une charge administrative supplémentaire et risque d’entraîner selon eux une surconsommation médicale.
Pour l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), « qui constate que l’exercice libéral est à nouveau menacé », la logique de ce projet de loi « vise à sacrifier les professionnels de santé libéraux pour organiser une étatisation du système de soins afin de préserver la politique hospitalo-centrée du gouvernement ».
Mais Marisol Touraine semble vouloir imposer coûte que coûte sa réforme et, d’après le calendrier validé en commission à l’Assemblée nationale, la dispense d’avance des frais de santé sera généralisée fin 2017. « Cette loi s’organise autour de trois exigences : renforcer la prévention, faciliter la santé au quotidien et innover pour garantir l’excellence de notre système de santé », résume la ministre.
Cette réforme est également défendue par les écologistes, qui souhaitent même l’élargir. « La volonté affichée d’une politique de prévention est à saluer, mais elle n’est pas efficace car parcellaire. Nous voulons fortement l’enrichir pour répondre à la crise sanitaire. Nous portons des propositions de mesures concrètes en matière de santé environnementale, d’accès aux soins et de lutte contre les lobbies industriels. »
Ainsi, les amendements écologistes visent notamment à réduire de 25 % le taux des maladies chroniques à l’horizon 2030, à informer les consommateurs sur les toxiques via un étiquetage, à reconnaître et prendre en charge les patients atteints de maladies environnementales, à étendre les actions de groupe à la Santé-Environnement, à gérer le risque environnemental des médicaments, etc.
Un projet de loi bien rempli
> Le premier objectif, la prévention, concerne tous les ministères. Pour renforcer l’efficacité des structures administratives, un Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique naîtra de la fusion de l’Institut de veille sanitaire (InVS), de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).
La priorité accordée à la prévention prévoit de :
- désigner un médecin traitant pour les enfants (suivi du parcours de soins des 0 à 16 ans) ;
- améliorer l’information nutritionnelle (étiquettes des produits plus compréhensibles) ;
- protéger les jeunes de l’alcool ;
- lutter contre le tabagisme ;
- favoriser des stratégies de prévention innovantes (développer les tests rapides d’orientation diagnostique et les autotests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles, dont le sida) ;
- réduire de moitié, en 20 ans, les 40 % de décès évitables dus au cancer (3e plan cancer) ;
- renforcer l’éducation à la santé des jeunes ;
- faciliter l’accès à la contraception d’urgence.
> Le deuxième objectif, faciliter la santé au quotidien, passe par :
- la généralisation du tiers payant, en deux étapes : au 1er juillet 2015 pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS), en 2017 pour tous ;
- l’extension du bénéfice des tarifs sociaux pour les lunettes, les prothèses auditives et les soins dentaires ;
- un numéro national unique pour joindre un médecin de garde, quelle que soit l’heure et le lieu ;
- un service public d’information en santé pour orienter les patients dans le système de soins (plate-forme multimédia) ;
- au 2e trimestre 2015, une amélioration de l’accès au soins et une réorientation du système de santé vers les soins de proximité.
> Le troisième objectif, innover pour consolider le système, propose :
- un parcours de santé qui placera le patient au centre du système de prise en charge ;
- un service territorial de santé au public qui rendra plus lisible l’organisation du système de santé, facilitera la structuration territoriale de l’offre de santé et concernera au moins cinq domaines : les soins de proximité, la permanence des soins, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des personnes handicapées ;
- pour aider les professionnels de santé dans ce cadre,des plate-formes territoriales d’appui seront créées ;
- le dossier médical partagé (DMP) sera librement accessible par le patient, à tout moment ;
- les modes de rémunération des professionnels de santé subiront une évolution progressive et négociée ;
- le service public hospitalier sera refondé ;
- un écosystème favorable à l’innovation sera garanti : les délais concernant les essais cliniques passeront de 18 mois à 2 mois.
- les métiers de la santé évolueront : de nouveaux métiers (infirmier clinicien) seront reconnus et d’autres repensés (évolution du rôle des sages-femmes, autorisation donnée aux pharmaciens de vacciner, etc.), le 3e cycle des études médicales sera réorganisé.
- l’open data (ouverture des données publiques) sera poursuivi : 13 827 jeux de données sont déjà librement accessibles et réutilisables sur www.data.gouv.fr.
Vaste programme, de 57 articles et près de 2 400 amendements déposés pour la première séance publique, en discussion jusqu’au 14 avril prochain.