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Pesticides et hérissons : une cohabitation toxique révélée par la science

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Pesticides et hérissons : une cohabitation toxique révélée par la science

Longtemps mascotte discrète des jardins européens, le hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus) est aujourd’hui au cœur d’une inquiétante alerte environnementale. Une étude danoise récemment publiée dans Frontiers in Veterinary Science lève le voile sur la contamination généralisée de ces petits mammifères par une multitude de pesticides. Un signal d’alarme de plus pour une espèce déjà classée vulnérable dans de nombreux pays européens.

 

Des pesticides omniprésents dans l’organisme des hérissons

Conduite au Danemark, cette étude s’est appuyée sur l’analyse toxicologique de 115 échantillons de foie de hérissons morts en 2016. L’objectif ? Rechercher la présence de 19 substances chimiques, dont des rodenticides, des insecticides et des herbicides. Les résultats sont édifiants : 84 % des échantillons contenaient au moins un rodenticide, 50 % un herbicide, et 43 % un insecticide. Plus grave encore, près de 80 % des hérissons présentaient plusieurs résidus, certains jusqu’à neuf pesticides différents.

Parmi les substances les plus fréquemment détectées figurent :

  • la bromadiolone, un pesticide anticoagulant mortel pour les rongeurs (dans 79 % des cas) ;
  • l’imidaclopride, un néonicotinoïde largement décrié pour ses effets sur les insectes pollinisateurs (dans 35 % des cas) ;
  • le métamitron, un herbicide (dans 29 % des cas).

Si ces chiffres ne permettent pas encore d’évaluer précisément les risques létaux ou sublétaux pour les hérissons, l’exposition chronique est avérée.

 

Des différences géographiques révélatrices

L’étude met également en lumière des disparités régionales significatives entre l’est et l’ouest du Danemark, reflet probable de pratiques agricoles différenciées. Cette dimension géospatiale, rarement explorée dans les études sur la faune sauvage, souligne l’importance d’un suivi territorial affiné.

 

Une menace identifiée en France

Le phénomène n’est pas cantonné au Danemark. En France, le Centre d’hébergement et d’étude sur la nature et l’environnement (Chene) mène depuis 2019 une vaste enquête sur les causes de mortalité des hérissons. Ses analyses mettent en évidence un taux préoccupant de mortalité chez les juvéniles, souvent liés à des maladies chroniques, à la circulation routière et à l’exposition aux produits chimiques agricoles. D’autres études signalent que près de 80 % des hérissons ont disparu en France en deux décennies. Parmi les principaux coupables : les pesticides et les appâts rodenticides, mais aussi les pièges mécaniques, encore trop utilisés dans les jardins.

 

Une sentinelle de l’environnement en danger

Considéré comme un bon bio-indicateur, le hérisson est une sentinelle de la biodiversité urbaine et rurale. Son alimentation (vers, limaces, insectes) et son comportement le rendent particulièrement vulnérable à la bioaccumulation des contaminants. Comme le note l’étude danoise, il n’existe à ce jour aucun seuil toxicologique spécifique pour cette espèce, ce qui complique l’évaluation des effets à long terme.

 

Une nécessaire vigilance réglementaire

Alors que l’Union européenne débat de la réautorisation de certains pesticides controversés, ces données viennent alimenter les appels à renforcer les restrictions d’usage, y compris pour les produits vendus aux particuliers. Selon les scientifiques, une surveillance systématique et multi-espèces s’impose afin de mieux comprendre les effets cumulés des substances chimiques sur la faune sauvage.

La contamination des écosystèmes ne concerne pas uniquement les pollinisateurs ou les rivières. Le hérisson, pourtant si familier, est devenu malgré lui le témoin silencieux d’un empoisonnement diffus du vivant. Il est temps de l’écouter…

 

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