Une semaine chargée que celle du 6 juin : assemblées générales du LEEM* et du SIMV**, 3e Rencontres internationales de recherche à l’Elysée le 10 juin… Trois occasions de revenir sur la transformation du paysage de la recherche médicale en France, depuis 4 ans (autonomie des universités, partenariats privé-public, pôles de compétitivité, etc.).
Les universités et les instituts de recherche ont connu, ces dernières années, une révolution dans leur système de recherche, comme l’a rappelé le professeur Pierre Lekeux, doyen de la faculté de médecine vétérinaire de Liège (2002-2010). En cause, le sous-financement des différents Etats, qui ont amené public et privé à se rapprocher pour mettre en commun leurs atouts : d’un côté la performance, stratégique et financière, de l’industrie pharmaceutique, de l’autre la vision et le pouvoir de prospection des universités.
Selon lui, cette coopération doit être systématisée afin de maintenir le niveau d’excellence des dernières décennies : « Les grandes révolutions thérapeutiques sont derrière nous. Aujourd’hui, il faut pousser encore plus loin pour espérer décrocher de nouvelles voies innovantes. Cela passe nécessairement par l’interdisciplinarité et la transversalité des échanges scientifiques. »
Et Thierry Pinaut, secrétaire du Réseau français de santé animale (RFSA), de confirmer cette voie, en rappelant que plusieurs programmes intègrent aujourd’hui des économistes, des sociologues aux côtés de généticiens dont l’approche, dans le choix des critères de sélection, va devoir changer pour produire davantage de protéines animales, avec de meilleures défenses sanitaires, afin de nourrir toute la planète.
Une organisation incontournable
Pour Pierre Lekeux, le partenariat public-privé (PPP) est l’avenir de la formation et de la recherche, car il dépasse largement le cadre d’un mécénat en faveur du public. L’industrie pharmaceutique s’y retrouve largement en externalisant des coûts importants de R&D gérés par des scientifiques d’envergure internationale.
De même, comme l’a souligné Stéphane Martinot, directeur de VetAgro Sup (Lyon), les institutions publiques de recherche jouent un rôle essentiel dans le financement de ces programmes de coopération, car elles peuvent mobiliser des fonds européens, ou du grand emprunt pour la réalisation de projets de construction et de développement indispensables à la recherche. « Notre objectif est ainsi de fournir une formation plus performante pour les vétérinaires. Nous pouvons déployer une véritable stratégie de recherche animale grâce au Réseau français de santé animale (RFSA). » Mais il est encore long le chemin pour espérer un jour voir des étudiants de 5e année tutorés dans une entreprise du secteur vétérinaire. « L’enseignement vétérinaire a subi trop de réformes durant cette dernière décennie. Or, ces réformes à répétition auraient dû se focaliser sur le fond et sur la façon de fonctionner. Des pistes en ce sens ont été proposées au ministre de l’Agriculture. Elles sont loin d’être acquises. » Un anachronisme, quand la réflexion actuelle se penche sur l’urgence à mettre en place un système de mobilisation financier et technique à l’échelle mondiale…
Les pôles de compétitivité ne sont pas récents
« Les pôles de compétitivité ne sont pas une émanescence de la volonté de l’Etat, puisqu’ils existaient déjà avant 2004 », a rappelé Gérard Papirol (laboratoire Virbac, représentant du SIMV au sein de l’ARIIS***). Des structures identiques étaient déjà déployées dès 1999 en Allemagne, par exemple.
Mais ces pôles répondent à une tendance qui veut simplifier les lourdeurs administratives des années 80 à 90 en créant de nouvelles structures, affranchies de ces contraintes, que sont les associations. Au total, ce sont plus de 900 projets soutenus par un financement de 2 milliards d’euros environ (Etat et collectivités).
La présence de l’industrie permet de mettre en valeur des brevets (parfois éloignés des applications médicales immédiates) ou encore de puiser dans les idées innovantes des chercheurs.
Des rencontres internationales et une fondation de coopération
Le 10 juin dernier, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a rappelé que toutes ces mutations étaient indéniablement inscrites dans l’histoire de la recherche. Au-delà des chiffres, c’est la compétitivité de la recherche et de l’innovation de la France qui est à redéployer sur l’échiquier international. La création d’une fondation de coopération scientifique permettrait de donner davantage de visibilité à l’ensemble de ces démarches.
Côté vétérinaires, si Merial et Virbac ont intégré assez tôt les pôles de compétitivité, la présence de l’industrie vétérinaire était plus marquée lors de cette 3e rencontre internationale de recherche. Pour Marc Prikazsky (laboratoire Ceva), « la santé animale est un marché de niche (2,5 % de la santé humaine). Mais il y a un grand courant de pensée autour de l’environnement, et le vétérinaire doit rester au centre des préoccupations de survie de la population mondiale. Il est légitime, car la stratégie de survie est fondée sur la gestion des cheptels, de la production des protéines animales, de la sécurité sanitaire (1 400 pathogènes pour l’homme, 60 % d’ordre zoonotique). Il était donc indispensable que l’industrie vétérinaire puisse échanger avec des chercheurs de haut niveau dans le cadre de ces rencontres. »
Depuis peu, la France veut revenir dans la course de la recherche (crédit impôt recherche, autonomie des universités). Son point faible ? Un manque d’attractivité pour les chercheurs. Ils préfèrent les Etats-Unis, la Chine, ou encore l’Inde.
Et Marc Prikazsky de conclure : « La vraie innovation est celle qui apporte de la valeur (emplois, chiffre d’affaires, services, produits). »
*Les Entreprises du médicament.
**Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire et réactif.
***ARIIS : Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé. Créée en 2010 et opérationnelle depuis février 2011, son objectif est de développer les synergies entre recherche privée et publique en santé humaine et animale.
Pour aller plus loin
Discours vidéo du Président Sarkozy
L’intégralité des sessions scientifiques 2011
Communiqué de presse du SIMV
Communication de l’ARIIS