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FCO Fièvre catarrhale ovine (maladie de la langue bleue) : ce qu’il faut savoir

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FCO Fièvre catarrhale ovine (maladie de la langue bleue) : ce qu’il faut savoir

Depuis le début du mois d’août, la fièvre catarrhale ovine (FCO) sévit dans 10 départements du nord-est de la France. La FCO, également appelée « maladie de langue bleue » touche essentiellement les moutons et les brebis. Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire faisait état de 41 foyers le 14 août, puis de 190 une semaine plus tard et 342 le 29. Pour comprendre les risques causés par cette pathologie, nous faisons le point avec Stéphan Zientara, directeur du laboratoire de santé animale de l’Anses qui héberge le laboratoire national de référence sur la FCO.

 

 

The Conversation : Quels sont les symptômes de la fièvre catarrhale ovine ?

Stéphan Zientara : La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une maladie non contagieuse qui infecte de très nombreux ruminants domestiques et sauvages et produit une large palette de signes cliniques. La fièvre, la dépression, la détresse respiratoire et l’anorexie sont des symptômes classiquement observés chez les animaux atteints. Une cyanose de la langue est parfois rapportée : une coloration anormale bleutée ou grisâtre de la peau, due à l’oxygénation insuffisante du sang d’où le nom de « langue bleue ». Dans les formes les plus graves, la FCO provoque une fièvre hémorragique et la mort des animaux, en particulier dans l’espèce ovine qui est l’espèce la plus sensible.

Les caprins et les bovins ne présentent généralement pas ou peu de signes de la maladie. Une virémie prolongée (taux de particules virales dans le sang) est toutefois observée dans l’espèce bovine qui est traditionnellement considérée comme un réservoir de l’infection. En raison de son impact économique et sanitaire pour les cheptels atteints, la FCO a été incluse dans la liste des maladies à déclaration obligatoire auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) depuis les années 1960.

 

T.C. : Qu’est-ce qui cause cette maladie ? Quel est son mode de transmission ?

S.Z. : L’agent étiologique de la FCO est le virus de la fièvre catarrhale ovine (Bluetongue virus, BTV) qui appartient au genre Orbivirus au sein de la famille des Sedoreoviridae. Comme les autres membres de cette famille, le BTV est un virus non enveloppé. Son génome est composé de 10 segments d’ARN double brin (db) qui peuvent se réassortir comme la grippe ou d’autres virus segmentés.

Il code sept protéines structurales (VP1 à VP7) et cinq protéines non structurales (NS1 à NS5). VP2 forme la capside externe du virus et est considérée comme la principale protéine définissant le sérotype du virus. Un sérotype se définit comme l’ensemble des caractéristiques de certains virus permettant de différencier des souches appartenant à une même espèce.

Jusqu’en 2008, on dénombrait 24 sérotypes pour ce virus, mais de nouveau ont été découverts ces dernières années. Au total, 36 sérotypes de BTV ont été décrits, et d’autres ont récemment été identifiés, en particulier dans les pays bordant le bassin méditerranéen.

Le BTV est un arbovirus qui se transmet par la morsure de moucherons femelles appartenant au genre Culicoides au cours d’un repas sanguin sur un animal infecté. Les sérotypes 1 à 24 sont essentiellement transmis par les moucherons, les autres par contacts directs.

 

T.C. : Existe-t-il des risques pour la santé humaine, que ce soit via le virus lui-même ou en consommant une viande contaminée ?

S.Z. : Le virus peut infecter de nombreuses espèces animales mais il provoque des signes cliniques surtout chez les ovins (d’où le nom de fièvre catarrhale ovine) mais aussi chez les bovins.

Ce virus ne se transmet pas à l’humain. De plus, la consommation de produits issus d’animaux infectés (viande, lait…) est sans danger pour nous.

 

T.C. : Où en est la situation sanitaire en France ? Quelle est la dynamique de l’épizootie ?

S.Z. : Avant 1998, l’Europe était indemne de FCO. De 1998 à 2006, quelques sérotypes ont émergé dans le bassin méditerranéen mais c’est à partir de 2006 que la FCO est devenue une vraie préoccupation dans le domaine de la santé animale. En août 2006, les premiers foyers épizootiques associés à une souche inconnue de BTV-8 ont été identifiés aux Pays-Bas, à une latitude jamais atteinte par ce virus. Le virus s’est ensuite rapidement propagé à la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg et le nord de la France à la fin de l’année 2006. Contrairement à certaines prévisions initiales, le virus a survécu à la période hivernale et est réapparu en 2007, simultanément à la reprise de l’activité vectorielle, dans tous les pays touchés en 2006, à partir desquels il s’est rapidement propagé au Royaume-Uni, au Danemark, en Suisse et en République tchèque, touchant près de 60 000 exploitations.

Dans le même temps, une souche de BTV-1, présente en Afrique du Nord en 2006, s’est propagée d’une part en Sardaigne et d’autre part a traversé la péninsule ibérique pour atteindre le sud-ouest de la France au cours de l’été 2007. En 2008, les BTV-8 et -1 ont continué à se propager, la France étant le pays le plus touché avec plus de 24 000 cas de BTV-8 et plus de 6 000 exploitations infectées par le BTV-1.

En 2008, une vaste campagne de vaccination utilisant des vaccins inactivés a été lancée à travers l’Europe, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de foyers et donc de contenir la propagation. Cependant, il a fallu attendre l’année suivante et une seconde vaccination de masse pour obtenir une diminution drastique des cas de BTV-8 en France (83 foyers à la fin 2009). La plupart des pays européens ont recouvré leur statut indemne de BTV-8 entre 2010 et 2012. En France, l’emploi de vaccins inactivés ciblant les BTV-1 et -8 a permit d’éradiquer le BTV en 2010 et le pays fut considéré comme indemne en décembre 2012.

Trois ans après l’éradication du BTV-8 en France, ce sérotype a de nouveau été détecté en septembre 2015 dans le département de l’Allier chez un bélier présentant des signes cliniques évocateurs de FCO (augmentation de la température, problèmes respiratoires et œdème facial). Malgré les mesures de contrôles mises en place par les autorités sanitaires, le BTV-8 s’est répandu rapidement dans une grande partie de la France les années suivantes (plus de 3 000 cas). En avril 2019, le virus s’est étendu à l’Allemagne, la Suisse et la Belgique. D’un point de vue physiopathologique, très peu de signes cliniques ont été observés par rapport aux foyers de BTV-8 entre 2006 et 2008 en France.

En novembre 2017, un virus de sérotype 4 fut introduit à partir de la Corse. La France est depuis cette date infectée de façon enzootique par les deux sérotypes 4 et 8.

En 2023, un virus de sérotype 3 (BTV-3) a été identifié aux Pays-Bas. Ce virus a provoqué la mort de plus de 55 000 ovins. Il s’est propagé à l’Allemagne, la Belgique et l’Angleterre. En 2024, ce virus a traversé la frontière franco-belge. Au 28 août, la France compte plus de 190 foyers dans les départements du nord de la France.

 

T.C. : Comment est-il possible de lutter contre la FCO ?

S.Z. : Il n’y a pas de traitement (médicament) antiviral. La vaccination permet de prévenir l’infection et de réduire la circulation virale. Des vaccins inactivés contre les sérotypes 3, 4 et 8 sont commercialisés.

En 2008, une vaste campagne de vaccination obligatoire des bovins et ovins utilisant des vaccins inactivés a été lancée à travers l’Europe, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de foyers et donc de contenir la propagation. Cependant, il a fallu attendre l’année suivante et une seconde vaccination de masse pour obtenir une diminution drastique des cas de BTV-8 en France. En France, l’emploi de vaccins inactivés ciblant les BTV-1 et -8 a permis d’éradiquer le BTV en 2010 et le pays fut considéré comme indemne en décembre 2012.

Cependant, le coût d’une vaccination de masse est élevé ce qui limite une telle mise en œuvre.

Les mesures de restriction de mouvements et de vaccination visent à réduire les conséquences cliniques de l’infection et réduire la propagation virale. Lors de l’épizootie de 2006 à 2010, les pertes étaient de plusieurs centaines de millions d’euros.

Aujourd’hui, lorsqu’un foyer est détecté, une zone de restriction de 15 km est mise en place. Les animaux ne peuvent quitter cette zone que s’ils sont testés (avec résultat négatif) par PCR. La vaccination mise en place permettra de réduire l’intensité ou de réduire les signes cliniques. Lorsque les animaux sont exportés, des mesures de contrôle par PCR et traitements individuels par des insecticides sont aussi effectuées. Les objectifs de ces mesures sont de réduire les conséquences de la maladie chez les animaux infectés, de limiter la propagation du virus sur le territoire et d’empêcher sa diffusion vers des régions/pays indemnes.


Propos recueillis par Benoît Tonson.The Conversation

Stéphan Zientara, Vétérinaire et virologiste, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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