La vie sur Terre dépend de l’eau, qui n’est pas disponible partout en quantité suffisante. Dans les zones arides du monde, les animaux se rassemblent autour des rares points d’eau pour survivre. Or ces regroupements peuvent devenir les épicentres d’une transmission virale à l’origine d’épidémies.
Lorsque l’eau vient à manquer, la densité des espèces animales qui viennent s’abreuver autour des rares points d’eau peut rapidement transformer les lieux en épicentres de contagion virale, intraespèces mais aussi interespèces. Une équipe internationale de scientifiques dirigée par l’institut allemand Leibniz pour la recherche sur la faune sauvage et de zoo (Leibniz-IZW) s’est intéressée aux sources d’eau douce comme vecteurs de transmission virale au sein des populations de mammifères. Ils ont cherché à déterminer si des virus mammaliens pouvaient être suffisamment stables dans l’eau pour se propager efficacement.
C’est notamment le cas des herpèsvirus équins. S’il est établi qu’ils restent stables et infectieux dans l’eau pendant des semaines en laboratoire, qu’en est-il dans un environnement aquatique naturel ? Cultiver un virus dans la nature constitue un réel défi. D’autres microorganismes s’y développent et peuvent interférer avec la propagation virale. Cependant, les chercheurs ont réussi à démontrer que les herpèsvirus équins peuvent effectivement se répliquer et rester infectieux dans des échantillons d’eau prélevés en Afrique et en Mongolie.
Mais les herpèsvirus équins ont également su s’adapter aux conditions de vie des animaux qui dépendent des sources d’eau. Lorsque les zèbres se rassemblent aux points d’eau pendant la saison sèche, leur niveau de stress augmente, ce qui a une conséquence inattendue. Le stress, chez ces équidés, est en effet associé à l’excrétion dans l’environnement des herpèsvirus dont ils sont porteurs, au moment même où ils se regroupent pour s’abreuver. Le stress agit comme un signal pour le virus, lequel infecte l’eau pour se propager aux autres équidés, mais pas seulement. Les animaux qui partagent le point d’eau avec les zèbres sont également exposés, ce qui explique par exemple la contamination croisée des rhinocéros par l’herpèsvirus équin.
Les résultats de l’étude permettent également de révéler une particularité plutôt étrange des herpèsvirus équins. Leur évolution reste limitée et ils changent peu avec le temps, alors que la plupart des virus ont tendance à muter rapidement. Les herpèsvirus équins retrouvés en Mongolie et en Afrique sont presque identiques à ceux qui circulent chez les chevaux domestiques. Selon les scientifiques, la stabilité de ces virus dans le temps est sans doute le résultat d’un long processus évolutif qui leur a permis de s’adapter à l’utilisation de l’eau comme vecteur. La moindre mutation aurait pu ébranler cet état d’équilibre, les menant à une impasse évolutive.
Les herpèsvirus équins ne sont pas les seuls à être excrétés et à se propager dans l’eau. Des recherches plus poussées devraient révéler l’existence d’autres virus capables d’utiliser l’eau comme vecteur pour infecter les animaux, mais il faudra certainement dépasser la simple étude de la dynamique virale et des interactions hôte-agent pathogène pour y inclure des facteurs d’adaptation à l’environnement, plus spécifiquement à la vie aquatique.