
Une étude américaine tranche un débat récurrent en protection animale : faut-il laisser aux chiens qui arrivent dans un refuge un temps d’adaptation ou entreprendre une rééducation comportementale immédiate ? Chez 374 chiens craintifs, la prise en charge de leur anxiété quelques jours après leur admission a réduit plus rapidement les signes de peur qu’une période d’acclimatation de deux à quatre semaines, sans allonger le délai jusqu’à leur adoption.
La peur chronique a un impact sur la santé et la qualité de vie d’un chien, et pèse sur ses chances d’être adopté. Le refuge confronte l’animal à de nouveaux stimuli, à une routine imposée, avec des effets sur le système immunitaire et le comportement documentés. Beaucoup de refuges hésitent encore entre une période d’attente, supposée apaisante, et un protocole de désensibilisation et de contre-conditionnement graduel.
Table des matières
Un suivi du bien-être jusqu’à l’adoption
L’American Society for the Prevention of Cruelty to Animals (ASPCA) a suivi 374 chiens présentant des niveaux élevés d’anxiété face à des stimuli ordinaires de la vie en refuge. Deux sites ont participé : au New Jersey (260 chiens) et en Caroline du Nord (114 chiens). Tous les chiens ont bénéficié de trois jours d’observation et d’enrichissement en chenil, puis d’un programme standardisé de rééducation : une séance quotidienne de 15 minutes cinq jours par semaine, ciblant la marche en laisse en intérieur et en extérieur, les manipulations, les interactions humaines et les environnements inconnus. Des évaluations comportementales standardisées étaient réalisées toutes les trois semaines par des évaluateurs externes inconnus des chiens. La plupart ont reçu, sur avis vétérinaire, une association de fluoxétine et de gabapentine pour réduire l’anxiété.
Une prise en charge précoce bénéfique
Sur le site du New Jersey, où la comparaison portait sur un démarrage immédiat de la désensibilisation après les trois premiers jours versus un démarrage un mois plus tard, la progression des signes de peur était plus rapide dans le groupe de chiens pris en charge sans délai d’attente. L’effet est statistiquement significatif, ce qui indique que l’amélioration tient bien à la rééducation et non à la simple habituation au refuge. En Caroline du Nord, où les groupes ont débuté la désensibilisation à deux ou quatre semaines, le résultat reste à l’avantage d’un début plus précoce, même si la différence n’est pas statistiquement significative pour tous les indicateurs, notamment en raison d’un effectif plus réduit.
Un délai jusqu’à l’adoption similaire
Retarder le début des séances de rééducation peut, dans un refuge, réduire légèrement le nombre de semaines de traitement actif, mais cela n’allonge pas pour autant le temps total entre l’arrivée des chiens et leur départ pour adoption. Autrement dit, les semaines “gagnées” avec le traitement sont compensées par les semaines d’attente. À l’échelle du programme, 83,4 % des chiens ont rempli les critères pour être adoptables et, parmi ceux au suivi connu, 100 % ont été adoptés.
Le score comportemental initial s’est révélé déterminant. Les chiens évalués dès leur arrivée avec une peur modérée à sévère ont progressé plus lentement et nécessité davantage de semaines de travail que ceux dont la peur était légère. Ces chiens doivent donc être prioritaires pour une rééducation précoce, avec un accompagnement vétérinaire comportemental adapté.
Implications concrètes pour les refuges
Si les moyens le permettent, démarrer la rééducation comportementale dès la fin d’une courte phase d’observation de trois jours est la meilleure option pour le bien-être des chiens de refuge. Attendre prolonge l’anxiété sans bénéfice sur les délais d’adoption. En matière de protocole, la régularité est plus importante que la durée : 15 minutes quotidiennes, cinq jours par semaine, suffisent à amorcer la désensibilisation et à restaurer des comportements compatibles avec la vie en famille. L’enrichissement en chenil et l’administration d’anxiolytiques, lorsqu’elle est indiquée et bien tolérée, contribuent aussi à cette amélioration.
Vers une généralisation ?
Les résultats sont issus de refuges non ouverts au public, avec un encadrement formé et des protocoles rigoureux. Leur transposition exige d’adapter les moyens à la réalité de terrain. L’évaluation comportementale, bien que standardisée, conserve une part de subjectivité. En outre, il manque une partie des suivis postadoption. Ces limites n’invalident pas les conclusions de l’étude, mais invitent à mettre en œuvre plus largement ce programme dans les refuges à grand effectif, à intégrer des biomarqueurs de stress et à explorer l’intérêt d’un démarrage encore plus précoce, immédiatement après l’admission, lorsque la sécurité et la santé de l’animal le permettent.