Sur le front de la lutte contre l’antibiorésistance en médecine vétérinaire, le ministère de l’Agriculture publie une analyse* qui liste les solutions intégrées pour réduire le risque associé de perte d’efficacité des antibiotiques en élevage. Trois voies sont envisagées : la recherche de nouvelles molécules, le développement d’alternatives thérapeutiques et l’adoption de nouvelles conduites d’élevage davantage tournées vers la prévention. Du côté des animaux de compagnie, une campagne de communication**, prévue dans le plan ÉcoAntibio 2012-2017, vient d’être lancée pour sensibiliser les propriétaires via les vétérinaires.
En élevage, le succès des différents plans et lois visant à réduire les antibiorésistances suppose l’existence de solutions techniques. Selon l’analyse du ministère, elles sont au nombre de trois.
> Rechercher de nouvelles molécules : les dernières grandes familles d’antibiotiques mises sur le marché vétérinaire (fluoroquinolones, céphalosporines de 3e et 4e générations) datent de plus de 20 ans. Les molécules les plus récentes, les carbapénèmes, sont réservées à l’usage humain. Il est vrai que les freins à l’innovation dans le secteur anti-infectieux vétérinaire sont nombreux (valorisation aléatoire des investissements, emploi restreint donc commercialisation faible, dossiers d’AMM et de toxicologie lourds, rentabilité limitée, etc.) et ne laissent pas présager de découverte de nouveaux antibiotiques à court terme. Les industriels envisagent plutôt de faire du neuf avec du vieux : ils étudient des modifications de formulation, de présentation ou de mode d’administration des médicaments existants pour réduire le risque de résistance.
> Développer des alternatives thérapeutiques : l’absence prévisible de nouvelles molécules conduit certains professionnels à se tourner vers des substituts, d’origine naturelle ou synthétique, même si quelques-unes de ces substances manquent encore d’un statut. Ce n’est pas le cas de l’oxyde de zinc, qui bénéficie d’une autorisation comme additif dans l’alimentation du porc pour son effet préventif contre les diarrhées de sevrage des porcelets.
Une autre voie préconisée est celle d’un usage plus large des vaccins disponibles, doublé si nécessaire d’un recours aux auto-vaccins, surtout chez les espèces animales “mineures”.
D’autres praticiens proposent des modes de traitement économes en intrants, inspirés des médecines complémentaires comme l’homéopathie, l’aromathérapie et la phytothérapie vétérinaires, voire les flores de barrière en complément alimentaire ou encore la phagothérapie lors d’échec avec les médications classiques. Se pose alors la question de l’efficacité et des effets toxicologiques ou écotoxicologiques de ces substances alternatives. Si elles revendiquent une action thérapeutique, elles tombent dans la catégorie des médicaments et doivent alors satisfaire à un critère d’efficacité et obtenir une AMM. Or dans ce cadre strict, elles ne font pas le poids face aux molécules chimiques de synthèse. Ces produits permettent pourtant de diminuer en partie le recours aux antibiotiques et sont dépourvus d’impact sur l’antibiorésistance. Leur déploiement nécessitera toutefois une adaptation et une formation, tant des vétérinaires que des éleveurs.
> Adopter des conduites d’élevage préventives : la multiplication des impasses thérapeutiques doit conduire au renforcement des mesures de biosécurité en élevage (prise en compte du confort, de l’ambiance et de l’hygiène dans les bâtiments, surtout en maternité et au sevrage). Le respect du bien-être animal et des besoins de chaque espèce, ainsi que l’apport d’une alimentation adaptée, contribuent également à une meilleure santé du cheptel (concentration moindre, stress réduit, résistance accrue à la maladie). Dans certaines filières, des initiatives volontaires vont déjà plus loin (accès à l’herbe pour les truies, réduction de l’usage des C3G et C4G, animaux élevés “sans antibiotique”, etc.).
En santé humaine, selon une récente étude britannique publiée par la Review on Antimicrobial Resistance, le risque lié aux infections résistantes aux antibiotiques pourrait conduire au décès annuel de 10 millions de personnes dans le monde dès 2050, et entraîner des pertes de production avoisinant les 100 milliards de dollars. En santé animale, le développement d’antibiorésistances pourrait ralentir la transition nutritionnelle et menacer les territoires ruraux qui dépendent de l’élevage.
Côté animaux de compagnie, la lutte contre l’antibiorésistance s’organise autour d’une campagne de communication destinée à promouvoir les bons usages auprès des propriétaires de chiens et de chats. L’objectif est de rappeler que le recours aux antibiotiques ne peut être envisagé qu’après un examen clinique et sur prescription vétérinaire, que l’automédication est à proscrire, et que des règles d’hygiène simples permettent de prévenir les infections. Affiches dans les salles d’attente et les pharmacies, dépliants de conseils, chroniques radio, bannières internet diffuseront l’information à un large public. Cette campagne, qui reprend le slogan « Les antibiotiques, pour nous non plus, c’est pas automatique », est financée par le ministère de l’Agriculture.
* Analyse sur les antibiorésistances en élevage : vers des solutions intégrées, n° 82, publiée par le service de la statistique et de la prospective, Centre d’études et de prospective, septembre 2015.
** Campagne « Les antibiotiques, pour nous non plus, c’est pas automatique », issue d’un groupe de travail dirigé par l’Ordre des vétérinaires et composé des représentants des Directions générales de l’alimentation (DGAL) et de la santé (DGS), de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), de l’Association vétérinaire équine française (Avef) et du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV).