Le nombre d’oiseaux en Europe a chuté de plus de 420 millions entre 1980 et 2009. Une récente étude*, qui a rassemblé des données sur 144 espèces dans 25 pays, révèle que 90 % des pertes concernent les oiseaux communs, comme le moineau domestique, l’alouette, la perdrix grise ou encore l’étourneau. Seuls le merle et la mésange bleue semblent échapper à l’hécatombe.
Pour faire face au déclin de la biodiversité dans le monde entier, les programmes de conservation ont principalement porté sur les espèces les plus rares, confrontées à une menace d’extinction. En revanche, la diminution des espèces communes a beaucoup moins mobilisé l’attention. Pourtant, vu le nombre d’individus qu’elles regroupent, ces espèces ont un impact majeur sur la structure et les caractéristiques des écosystèmes.
Il en va ainsi des oiseaux, qui jouent un rôle vital dans le fonctionnement de nombreux écosystèmes. À ce titre, ils font l’objet de programmes de surveillance intensive en Europe depuis des décennies. Ce sont en effet d’excellents indicateurs pour étudier comment les populations des espèces rares et communes évoluent au fil du temps et à travers une vaste zone géographique.
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé les données du Pan-European Common Bird Monitoring Scheme et de BirdLife International pour déterminer comment les effectifs et la biomasse de 144 espèces d’oiseaux ont évolué en trente ans dans 25 pays européens. Trois facteurs susceptibles d’influer sur l’importance des populations ont également été pris en compte : le type d’habitat, la taille des espèces et leurs préférences alimentaires.
En 1980, il y avait environ 2,06 milliards d’oiseaux dans le monde. En 2009, ce chiffre a chuté de quelque 20 %, tombant à 1,64 milliards d’oiseaux, soit un écart de plus de 420 millions. Près de 90 % des pertes ont concerné les 36 espèces les plus communes. Un déclin rapide dû au fait que la plupart des actions, en matière de conservation, sont ciblées sur les espèces rares et non les oiseaux communs.
La biomasse totale des oiseaux n’a pas baissé autant que la diminution des populations pourrait le laisser croire. En réalité, elle a perdu près de 7,6 %, passant de 93 081 tonnes en 1980 à 86 037 tonnes en 2009. Cela peut s’explique par un déclin plus rapide des oiseaux de petite taille par rapport aux espèces plus grandes. Cette réduction du nombre des petits oiseaux a notamment un impact sur le contrôle des insectes ravageurs, sur la dissémination des graines et sur l’élimination des carcasses.
La plupart des espèces communes qui disparaissent sont des oiseaux des champs, sans doute en raison du développement agricole. Le type d’habitat ou les préférences alimentaires n’affectent pas la vitesse du déclin des populations. Cette diminution est plutôt liée à la détérioration de la qualité de l’environnement, à une échelle plus large que celle des petits habitats spécifiques. Ces derniers bénéficient d’actions de conservation ciblées pour augmenter les effectifs des espèces rares, par exemple les cigognes blanches ou les busards, mais offrent peu de protection aux oiseaux communs les plus répandus.
Selon les auteurs, si les écosystèmes doivent être préservés dans leur ensemble, les programmes de conservation destinés aux espèces rares doivent mieux intégrer des objectifs visant à accroître le nombre global d’oiseaux.
* R. Inger et coll. (2014). Common European birds are declining rapidly while less abundant species’ numbers are rising. Ecology Letters, doi:10.1111/ele.12387.